Aliette Frangi, violoniste et chef d’entreprise… musicale

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Une table, deux chaises et deux cafés : je reçois aujourd’hui Aliette Frangi qui va nous parler de son instrument de musique, le violon, et d’une initiative originale qu’elle a lancé.

Bonjour Aliette, pourrais-tu te présenter aux lecteurs d’Artetvia ?

Originaire de Seine-et-Marne, j’ai commencé très jeune à apprendre le violon. Mes parents m’ont poussée à débuter, j’ai décidé de poursuivre ! Pendant l’adolescence, j’ai eu la chance de recevoir une formation pointue au sein de la Maison d’éducation de la Légion d’Honneur qui propose un département musique. Des solistes internationaux venaient assurer des cours, diriger de petits ensembles. Pendant plusieurs années, j’ai pu ainsi me frotter à des professionnels, travailler la musique de chambre en profondeur et avoir la possibilité de travailler mon instrument tous les jours. Si bien qu’en sortant du lycée, j’avais un niveau solide en violon comme en solfège. Ce dernier point m’a permis de poser un autre regard sur la musique, plus intellectuel et théorique, qui vient compléter harmonieusement une pratique assurée depuis des années. J’ai ensuite poursuivi ma formation à travers un orchestre semi-professionnel, quelques concerts entre amis donnés à Paris et à l’étranger, et l’animation d’événements (mariages, baptêmes, enterrements…).

Et quel répertoire aimes-tu ?

Je joue un peu de tout, avec un attachement particulier à la musique baroque. Evidemment, la manière dont on joue actuellement cette musique est sans doute propre à notre époque : les pièces n’étaient peut-être pas jouées de la manière dont nous les interprétons en ce moment. Mais qu’importe ! Je suis très émue par le jeu à la fois pur, précis et virevoltant de Fabio Biondi. Sa version des Quatre Saisons donne un coup de fraîcheur à une pièce trop entendue. ( surtout à partir de 7’15). Quelle modernité dans cette interprétation baroque!

L’ensemble Matheus donne lui une interprétation poignante du stabat Mater (extrait du Nisi Dominum) de Vivaldi :

Moins connu, le concerto pour violoncelle de Platti est également décoiffant dans cette interprétation  de l’Akademie für Alte Musik de Berlin:

J’ai beaucoup aimé jouer en formation de musique de chambre, notamment en trio : Schubert, Beethoven, Mendelssohn… J’ai découvert l’art de la conversation musicale. J’ai un peu touché au jazz, même si, je reconnais savoir peu de choses sur la théorie du jazz. Il y a dans cette musique une part d’improvisation qui n’est pas toujours facile aux musiciens qui ont toujours été habitués à suivre une partition.

A partir d’un certain nombre d’années d’apprentissage et de pratique, un très grand nombre de pièces  peuvent être jouées sans problème technique majeur !

Quelles sont les difficultés du violon ? Et ce que tu aimes dans cet instrument, redoutable s’il en est ?

Aliette FRANGIJe pense que commencer jeune est essentiel, et les parents doivent faire preuve de soutien et de patience (même quand le violon grinçant leur casse les oreilles). Ceux-ci doivent bien vérifier, s’ils le peuvent, que le professeur est exigeant – ce qui ne veut pas dire « méchant » – Les mauvaises habitudes sont malheureusement rapidement prises et ardues à défaire ! Dans le violon, ce qu’il y a de plus difficile, et cela n’étonnera pas les lecteurs d’Artetvia, c’est la justesse et la pureté du son ; ensuite vient la position « physique » : tenir un violon et un archet n’est pas naturel, et puis les cordes font mal aux doigts. Quant à l’agilité des doigts, c’est comme tous les autres instruments, cela vient avec la pratique. C’est un instrument qui demande beaucoup de persévérance : si on ne progresse pas, on recule. C’est une très bonne école d’humilité, de travail continu et régulier. Je pense honnêtement que la passion vient en même temps que la pratique d’un art difficile. Evidemment, il y a un équilibre à trouver : si l’enfant n’aime pas ça, non pas par paresse, mais vraiment par absence d’intérêt, mieux vaut ne pas continuer.

Ce que j’aime dans le violon ? Le son de la corde (frottée) qui vibre. Comme le chant, ou le violoncelle, cela m’émeut, vraiment ! Et de plus en plus.

Tes compositeurs préférés ?

Bach et Vivaldi, banalement! Les pièces de Bach sont extrêmement bien construites ; le rythme est sobre, il faut un son très pur et… une vie intérieure. Pour Vivaldi, c’est la richesse des contrastes qui m’intéresse ; on passe d’une mélodie plaintive à une légèreté presque indécente parfois. Ce n’est pas un hasard si ces deux génies ont vécu pendant l’âge d’or du violon (fin XVIIe et XVIIIe siècles).

Parle-moi maintenant de ton projet !

Et bien, je ne me destinais pas à être violoniste ! J’ai suivi des études de gestion et de finance et ai d’abord travaillé dans un cabinet de conseil en organisation. Mais ma passion m’a rattrapée : il y a quelques mois, j’ai créé une entreprise qui envoie des musiciens jouer sur les lieux des obsèques.

Aliette FRANGI cimetièreJe suis partie d’un constat : pour les moments festifs de la vie (mariage, baptême…), le recours à des musiciens et chanteurs est courant. En revanche, pour les obsèques, beaucoup moins, alors que ce sont des moments où les gens en ont peut-être le plus besoin. Si les obsèques religieuses ne sont pas toujours belles ni priantes, les obsèques « civiles » peuvent être bien pires! Mon objectif est donc d’accompagner ces moments douloureux par de la musique vivante, et malgré tout, de donner une âme à cette cérémonie. La musique élève l’âme et est éminemment spirituelle. Elle nous tire vers le haut. Au cours d’un enterrement civil, on se rend compte que, malgré tout, les gens ont besoin de transcendance, sinon, c’est totalement absurde. La musique peut les aider à y parvenir.

Pour gérer une telle activité, il faut de la réactivité, de l’organisation et une bonne gestion. Je peux faire intervenir jusque 4 musicien(s) ou chanteur(s). Je dispose d’un réseau d’une trentaine de musiciens et chanteurs tous professionnels que je connais. Je les ai tous auditionné,. Quand nous répondons aux demandes des familles, nous avons aussi un rôle de conseil. J’ai par ailleurs commencé un démarchage des sociétés de pompes funèbres, où j’ai reçu un bon accueil.

Un dernier mot ?

Pouvoir allier passion et travail est vraiment une chance que peu de gens ont ! C’est un projet un peu fou, mais je m’y lance à la fois avec humilité et enthousiasme !

 

Merci Aliette et bonne chance !

http://www.elicci.fr

Une rentrée avec Schumann et le lied romantique

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Artetvia fait sa rentrée avec un article passionnant écrit par Sébastien Cochelin, qui nous avait déjà gratifiés d’un article sur Schubert il y a quelques mois.

Robert Schumann naît le 8 juin 1810 à Zwickau au cœur de la Saxe. Son père August est un lecteur passionné qui se consacre à la traduction de Byron et de Scott. Ecrivain sans succès, il écrit avec ferveur des histoires de chevaliers. Dans la librairie familiale, il fera découvrir au jeune Robert, le romantisme allemand. Dès l’âge de neuf ans, celui-ci demande un piano à son père après avoir écouté en concert le virtuose Moscheles. A douze ans, il compose un psaume – parallèlement il fonde une société littéraire pour les enfants de son âge. Jusqu’à quinze ans, il ne sait toujours pas s’il veut devenir poète ou musicien. Etudiant en droit, il enchaîne beuveries et combats en duel, tout en fréquentant les salons où sont joués des lieder de Schubert. A la même époque, il rencontre Friedrich Wieck qui décide de faire de lui un grand pianiste : Schumann travaille donc le piano et la composition, mais un accident met un terme à sa carrière de virtuose. « Par défaut », il se consacre donc à la composition et fonde une revue musicale, la Neue Zeitschrift für Musik. En 1840, Schumann tombe amoureux de Clara, la fille de Wieck et l’épouse. Lui qui était assez tourmenté depuis son adolescence vit à ce moment-là des années de bonheur intense concordant avec une grande activité créatrice. Les Schumann font des tournées, Clara poursuit son activité de pianiste virtuose et le couple se lie d’amitié avec le jeune compositeur Johannes Brahms. Les années passent et Schumann sombre peu à peu : en février 1854, il se jette dans le Rhin. Repêché par des bateliers, il est interné à l’asile d’Endenich et y mourra, le 29 juillet 1856. Il n’avait pas cinquante ans.

A la lecture de sa biographie, on comprend aisément l’importance naturelle que revêt le lied chez Robert Schumann. En effet, cette double vocation littéraire et musicale ne pouvait que le conduire à explorer la poésie par la voix et le piano. Même s’il faudra attendre un Schumann trentenaire pour apprécier une expression proprement vocale, dès sa Fantaisie (op. 17) de 1835, on retrouve le dernier chant de « An die ferne Geliebte » de Beethoven cité à la fin du 1er mouvement.

SchumannLa création du lied chez Schumann est d’abord liée à la joie, à l’offrande. Aussi en 1840 – l’année de son mariage avec Clara – il en composera 130 sur un total de près de 250. Parmi les cycles les plus connus on peut noter les Myrthen (op. 25), recueil de 26 lieder sur des textes d’auteurs divers qu’il dépose dans la corbeille de noces de Clara, le Liederkreis (op. 24) sur des textes de Heine, l’opus 35 sur des textes de Justinus Kerner, l’opus 39 sur des textes d’Eichendorff, etc.

Il est vrai qu’après 1840, les grands lieder se font plus rares, c’est l’une des particularités du compositeur qui écrit par période d’inspiration et explosion suivie de sécheresse créatrice. Ce n’est qu’en 1849 que survient une deuxième période de lieder, avec un grand nombre de ballades, notamment des textes du Wiehlem Meister.

Schumann reprend le flambeau de Schubert ! Tâche impressionnante et terrifiante car le génie de son aîné passe pour être inégalable. Mais rapidement, il se démarque de son illustre prédécesseur : Schumann aime la poésie plus que tout autre et la source même de sa musique semble venir du poète. « Der Dichter spricht… » écrit-il sur la dernière page des scènes d’enfants, comme pour rappeler que c’est ici que tout se joue. Ensuite, par la diversité de ses inspirations littéraires, Schumann donne une autre version du lied. A côté d’un Schubert souvent mélancolique, voir malheureux (Le voyage d’hiver), il donne une version plus enflammée, amoureuse, tendre, ironique, plus chevaleresque. C’est aussi l’image d’un homme qui compose à trente ans passés et qui a déjà vécu de nombreux événements.

Schumann a principalement mis en en musique des poèmes de Heine (43 lieder), Ruckert (28 lieder), Emanuel Geibel (25 lieder), Justinus Kerner (20 lieder), Goethe (19 lieder). Son écriture forme une nouvelle étape du romantisme avec une synthèse des arts musicaux et littéraires. Hugo Wolf, qui représente la dernière extrémité du lied romantique, aura cette même exigence littéraire, lisant même les poèmes avant de les jouer. Ce qui est très proche de l’esprit de Schumann. Son influence sur Wolf se traduira également par une continuité dans l’inspiration, avec la mise en musique de textes de Mörike et Geibel.

La notion de cycle, reprise de Beethoven et Schubert, change chez Schumann. Il ne s’agit plus à proprement parler d’une action suivie en épisodes, mais d’une variation sur le poète, ses impressions. C’est la poésie même qui est mise en scène dans les « amours du poète », et Schumann se fait aussi compilateur, ordonnateur de poésies dans le cas d’Eichendorff.

Schumann 2Il rénove également toute la structure pianistique en se libérant encore plus de la forme. Beaucoup de postludes viennent conclure ses pièces, pouvant aller jusqu’à une page pour l’opus 48. Le pianiste virtuose ne fait pas qu’accompagner la voix, il s’en détache largement pour créer de nouvelles atmosphères comme dans Mondnacht. C’est toute le génie de Schumann qui s’exprime alors : labilité harmonique à travers des fuites de dominante, dérapages chromatiques, androgynie du mode majeur/mineur, parfum archaïsant des relations plagales, mise en avant chaleureuse du médium du piano et en même temps doublure fréquente de la ligne de chant pour la renforcer.

Ainsi le lied grâce à Schumann, sans vivre une révolution, vit une véritable évolution créative, et par sa réussite exceptionnelle, offre les germes d’un avenir prometteur. Aussi Brahms, Cornelius, Listz, Wolf, Strauss, Mahler sont tous de près ou de loin des enfants de Schumann, autant que des enfants de Schubert.

Pour « illustrer » ce bel article, Artetvia a le plaisir de vous convier au concert donné par Sébastien où justement seront interprétés des lieder de Schumann – Op 35 (Kerner) et op 40 (Andersen). Il sera accompagné par Marie-Laure Gallier au piano. Le concert a lieu à l’Espace Brémontier (5 rue Brémontier dans le XVIIème), le dimanche 28 septembre à 16h. Entrée 10 euros (et si vous êtes rapides, 10 places à 6 euros sont proposées sur Billetreduc.com).

Et maintenant, un peu de musique !

Seit ich ihn gesehen (Vie et amour d’une femme – Chamisso)

In der fremde (LiederKreise – Eichendorff)

Mondnacht (LiederKreise – Eichendorff)

Artetvia part en vacances

Comme chaque année, Artetvia prend ses quartiers d’été. L’année a été chargée ; 23 articles ont été publiés depuis janvier. Désormais ce sont les vacances.

SorollaJe remercie les fidèles lecteurs et les un peu moins fidèles.

Nous nous donnons rendez-vous en septembre. Artetvia vous réserve de belles surprises pour la rentrée : un entretien avec une violoniste, un autre avec un marchand d’art, spécialiste de l’archéologie antique et un troisième avec une soliste internationale.

Côté articles « de fonds », je prévois des notices sur le cinéma – si mon chroniqueur spécialisé y consent, ainsi que des articles de peinture, de sculpture, notamment un grand artiste du XXe siècle, de musique et d’architecture. D’autres rubriques risquent d’apparaître, je ne vous en dis pas plus.

Cantal

 

Evidemment, n’hésitez pas à me suggérer des thèmes d’articles, soit que vous aimez, soit que vous aimeriez approfondir.

Bonnes vacances !

Une église parisienne méconnue – Sainte-Elisabeth de Hongrie

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Comme vous avez pu le remarquer, ce site tâche de varier les sujets qu’il présente ainsi que la forme de ses articles. Après un texte relativement long sur la musique des lansquenets, voici l’articule de la semaine, ce qui ne signifie d’ailleurs pas que le sujet ait un moindre intérêt : nous allons visiter ensemble l’église Sainte-Elisabeth de Hongrie.

A deux pas du Temple, et à quelques encablures de la place de la république se dresse une petite et jolie église. Elle est placée sous le vocable de sainte Elisabeth de Hongrie, épouse du Landgrave de Thuringe Louis IV, canonisée en 1235, quatre ans après sa mort.

C’est une église relativement récente puisqu’elle date du Grand Siècle. Durant tout son « règne », Marie de Médicis suscite et accompagne la création de communautés religieuses, contemplatives ou non. Elle soutient notamment la fondation des religieuses de sainte-Elisabeth, de spiritualité franciscaine, dont les premières prises d’habit ont lieu le 30 mai 1616 et qui s’installent près du Temple. En 1627, elles sont déjà 57 et leur couvent et chapelle s’avèrent alors trop étroits. Le 14 avril 1628, la reine pose la première pierre du nouvel édifice. Les travaux sont réalisés par les architectes et maîtres maçons Louis Noblet et Michel Villedo (à qui l’on doit une partie de Vaux-le-Vicomte, quand même !). En 1631, les travaux s’arrêtent, faute d’argent et reprennent en 1643. Achevée en 1646, elle sert d’église conventuelle jusqu’à la Révolution, pendant laquelle, elle est transformée en magasin de farine, la communauté ayant disparue dans la tourmente. A la différence des bâtiments conventuels, détruits en 1792, l’église est rouverte au culte en 1809 et devient église paroissiale pour le quartier du Temple. L’actuel chœur néo-gothique est érigé sous la Restauration, ainsi qu’un second collatéral. Au milieu du XIXe siècle, Baltard (celui du pavillon des Halles) restaure la façade de style « baroque sage », mais le percement de la rue de Turbigo ampute l’église de l’une de ses chapelles, placée au fond de l’abside. Depuis sa création, le visage de l’église a bien changé, néanmoins son architecture est très homogène et équilibrée, malgré son histoire tourmentée.

Je vous recommande d’observer particulièrement :

– les panneaux de bois présents dans le déambulatoire. Datant du XVIIe siècle et provenant de l’abbaye Saint-Vaast d’Arras, ce sont de petits bijoux de sculpture sur bois.

– l’orgue où plutôt les orgues car il y en a deux. Les grandes orgues sont construites en 1853 par le facteur Suret. Elles comportaient à l’origine 39 jeux répartis sur 3 claviers et un pédalier. Reconstruit par Gutschenritter en 1955 et entièrement restauré de 1994 à 1999, l’instrument est puissant. Le buffet est imposant mais l’ensemble est harmonieux. L’orgue de chœur, plus modeste est un instrument monté par Joseph Merklin (qui n’est pas n’importe quel facteur…). Le titulaire actuel a d’ailleurs accepté de répondre à Artetvia.

la décoration et le mobilier, avec un autel majeur datant de 1848. Les fresques et peintures sont très peu baroques et sentent bon leur XIXe siècle, mais ne sont pas laides pour autant.

– les statues de la façade : saint Louis, saint François d’Assise, sainte Elisabeth et… sainte Eugénie (avec les traits de l’impératrice ?).

– les vitraux, notamment les grandes verrières d’Abel de Pujol, provenant de la chapelle détruite positionnées actuellement sur le bas-côté droit.

Autre spécificité : Sainte-Elisabeth sert depuis 1938 d’église conventuelle pour l’Ordre de Malte, les chevaliers se plaçant dans les stalles du chœur pour le chant des offices. La décoration de l’église porte la marque de cette présence et donne à l’église une atmosphère tout à fait particulière. L’église accueille également une communauté chinoise.

Comme la plupart des églises parisiennes, elle est ouverte toute la journée, alors n’hésitez pas ! Ca vaut vraiment le coup d’y faire un tour.

http://www.sainteelisabethdehongrie.com/

Quelques vues

Sainte Elisabeth de Hongrie - Panneaux de Saint VaastSainte-Elisabeth de Hongrie - Sainte EugénieSainte-Elisabeth de Hongrie - La façadeVue générale de Saint Elisabeth de Hongrie - Paris

Le chant des lansquenets

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Après Maintenon, changement d’époque et de décor. Partons au XVe siècle en Allemagne pour écouter une musique militaire peu connue, ou plus exactement mal connue : les chants des lansquenets.

Dürer - La mort et le lansquenetLes lansquenets ? Pour certains, ce nom évoque une chanson en français qui parle de hauts tambours, pour d’autres, des bonshommes en tenue moulante et chamarrée portant des drapeaux, pour d’autres enfin, des soudards battus à Marignan.

LansquenetCe n’est pas faux, c’est juste un peu incomplet. Commençons donc par un petit rappel historique. Depuis la nuit des temps, les mercenaires ont existé (relisez Salammbô, c’est trois siècles avant Jésus-Christ), ces soldats de métier offrant leurs services… au plus offrant. L’avantage ? Ce sont des soldats professionnels, dont la mort est moins marquante que celle d’un conscrit et dont on peut se débarrasser facilement (en les payant ou en les « neutralisant »). L’inconvénient est qu’ils coûtent chers, qu’ils sont volontiers pillards et déserteurs.

Toujours est-il que les lansquenets sont des mercenaires allemands (le terme est inexact, en gros ils viennent des pays germaniques), qui se sont mis au service de tous les souverains d’Europe, y compris au service du Roi de France, au cours des XVe et XVIe siècles, à l’image des gardes suisses. Organisés en unités de fantassins (piquiers, arquebusiers, hallebardiers), ils furent engagés pour la première fois par Maximilien Ier (celui de la peinture de Dürer), à la fin des années 1480.

Il faut avouer, souvent, les lansquenets étaient des soudards sans foi, ni loi, avides de pillages et de rapines. Mais leur efficacité au combat était reconnue. Ils ont diffusé, avec les Suisses, l’usage de la longue pique, capable de briser une charge de cavalerie et, dit-on l’usage du tambour au combat. Les plus riches d’entre eux tenaient à montrer leur liberté absolue et leur arrogance en s’habillant de manière assez extravagante : des collants aux couleurs différentes, des crevés, de larges chapeaux à grandes plumes… qui ont même influencé la mode civile. Toute une mythologie est rapidement née autour du lansquenet, personnage haut en couleur, héros brave et courageux, aimant la guerre, le vin et les femmes…

LandsknechteCes soldats chantaient. Et comme dans toutes les armées du monde, le répertoire devait être formé de chants de marche, de chants de taverne, de chants tristes, d’autres joyeux. On pense qu’ils étaient accompagnés de percussions, les fameux tambours, de fifres, voire d’autres instruments. Comme toute mélodie populaire de cette époque les textes et les mélodies sont forcément fluctuants et les sources scripturaires rares. Néanmoins, certains airs sont parvenus jusqu’à nous.

Le corpus a été largement complété, le mythe du lansquenet aidant à diffuser les nouveautés : de nombreux chants militaires écrits plusieurs siècles plus tard ont pour sujet les lansquenets, ou bien sont faussement attribués à cette époque. Vous allez vous en rendre compte avec les extraits présentés.

Albrecht Dürer - LansquenetLes airs peuvent être martiaux, guerriers, aidant à la marche ou donnant du cœur avant la bataille. D’autres sont plus tristes, les mêmes thèmes revenant irrémédiablement : la nostalgie du pays natal, l’éloignement de la famille, la misère et les vicissitudes du soldat, loin de la caricature de la soldatesque haineuse et sans cœur. La simplicité des mélodies, belles et rythmées, alliée à l’image du lansquenet, « chevalier du peuple » de l’après Moyen-Age, ont permis une large diffusion à travers les siècles et l’Europe. Les chants des lansquenets ont été à l’origine de nombreux chants de l’armée allemande… mais aussi française, un véritable patrimoine européen qu’il est bon d’écouter et faire connaître.

Quelques exemples

Wir zogen in Das Feld – Nous étions partis sur le champ (de bataille) – Ce chant fut composé en 1540 en Italie du Nord. C’est un authentique chant de lansquenets, chanté jusque récemment, repris par le Père Doncoeur après sa captivité et adapté en français sous le nom de Kyrie des Gueux.

Une autre version, sans doute plus proche de l’original :

 

Wir sind des Geyers Schwarzer Haufen – Nous sommes la bande noire de Geyer, Florian Geyer (1490-1525) étant l’un des chefs de la Guerre des Paysans. Cette mélodie a été écrite en…1919

 

Unser Liebe Fraue – Notre gente Dame – Un autre authentique chant de lansquenets. Les paroles comme la musique sont du XVIe siècle. On y parle de la guerre en Flandre et du siège de Berg-op-Zoom en 1588.

 

Georg von Frundsberg, Fuhrt Uns An – Georg von Frundsberg fut l’un des plus célèbres capitaines de lansquenets

 

Jouons avec Artetvia – Les réponses

Il y a quinze jours, Artetvia vous proposait de relire les articles déjà parus en répondant à un bref questionnaire de culture générale. Vous êtes nombreux à y avoir répondu. Merci ! En voici les réponses.

  1. Je suis le dernier château de la Loire, capitale des Ducs de Bretagne : qui suis-je ? Le château de Nantes, évidemment.
  2. Marin-Marie, Marin Marais : qui est le compositeur, qui est le peintre ? Marin-Marie, pseudonyme de Marin de Saint-Front est peintre de marine, Marin Marais est violiste et compositeur.
  3. Je suis une ville italienne qui accueille deux fois par an une course de chevaux mémorable. Ma Torre del Mangia mesure plus de 100 mètres, ma cathédrale inachevée. Ma sainte préférée s’appelle Catherine. Quel est mon nom ? Sienne.
  4. Je suis un thème musical répandu dans toute l’Europe, une ligne de basse obstinée en huit mesures. 150 compositeurs m’ont repris, de Bach à Vangelis. Je suis… la follia, appelée aussi les folies d’Espagne, la folia…
  5. Je m’appelle Jacques Onfroy de Bréville et j’ai dessiné beaucoup de livres d’histoire pour enfants : quel est mon nom d’artiste ? Job.
  6. Je suis un instrument de musique à vent. J’ai beaucoup été pratiqué pendant la Renaissance, et la période baroque, puis totalement oublié jusqu’au milieu du XXe siècle, je suis l’instrument du cours de Madame Labutte. Je suis… la flûte à bec, seule réponse possible, à moins que vous n’ayez joué du cornet à bouquin au collège.
  7. Je suis un biscuit fade et sans saveur qui craque sous la dent et pourtant les malouins m’aiment ! Le craquelin, honnêtement, ce n’est pas très bon.
  8. Qu’est-ce qu’un reuze ? C’est un géant des carnavals de Flandre, le plus connu est Reuze Papa de Cassel.
  9. Citez le nom d’un motet de Mondonville : Dominus Regnavit (le plus connu), In Exitu Israël (le plus beau), De profundis (le plus poignant), etc. Il n’en reste plus que 9.
  10. Le Triomphe de la République a été sculpté par… Jules Dalou.
  11. Membre des Seiz Breur, je suis mort, mais pas depuis longtemps. D’un caractère de cochon, je suis néanmoins un sculpteur de génie, je suis….. Jean Fréour.
  12. Le piqué et le tayaut : de quel instrument parle-t-on ? La trompe de chasse, merci Edouard pour ces précisions !
  13. Tournus a vu naître l’un des peintres les plus géniaux du XVIIIe siècle, lequel ? Jean-Baptiste Greuze.
  14. Qu’est-ce qu’un haha ? Un fossé dans un jardin, à but décoratif (rupture), pratique (rattraper les différences de niveaux) ou militaire (retarder la progression de l’ennemi).
  15. Je suis un compositeur languedocien du tout début du baroque, fan de pièces dialoguées et expressives. On me doit en particulier un Ave Maria, un Ecce Homo, un Tu Quis es. Guillaume Bouzignac.
  16. Que signifie le mot Houtland ? Le Pays du Bois, c’est la partie intérieure de la Flandre, opposée à la Flandre maritime.
  17. Quel est le vrai nom de Farinelli ? Carlo Broschi
  18. Je suis une structure de forme rectangulaire surmontant la croisée des transepts et portant le clocher de certaines églises romanes : le massif barlong.
  19. La famille Della Robbia était spécialisée dans… la terre cuite émaillée.
  20. Le Faouët est une commune renommée pour ses nombreuses chapelles : quel est le nom des deux plus belles (et connues) ? Saint-Fiacre et Sainte-Barbe.
  21. Qui est le Père Lachaise ? Le confesseur de Louis XIV, connu pour sa souplesse 😉
  22. Quel est le saint patron de l’abbaye de Maillezais ? Saint-Pierre.
  23. Qu’est-ce qu’un sautereau ? Le mécanisme du clavecin permettant le pincement des cordes.
  24. Quic en Groigne : qu’est-ce ? Une tour des remparts de Saint-Malo, c’est aussi le nom du bagad de Saint-Malo.
  25. Je suis un graveur hollandais, fortement influencé par Dürer. Mon œuvre est particulièrement lumineuse et sereine. Lucas de Leyde.
  26. Héritière de l’une des plus grandes familles florentines, j’ai marqué mon époque par mon génie d’écriture musicale et d’interprétation. Barbara Strozzi.
  27. Qu’est-ce-que le stiacciato ? Une technique permettant d’obtenir des bas-reliefs très peu profonds.
  28. Le serpent est l’instrument le plus grave de la famille des….cornets à bouquin.
  29. Parmi l’œuvre de Dürer, trois sont considérées comme ses Meisterstiche : lesquelles ? Le Chevalier, la Mort et le Diable 1513, Melencolia I 1514, Saint Jérôme dans sa cellule 1514.
  30. A votre avis, quel est l’article d’Artetvia le plus lu ? Sur les 70 articles pondus à ce jour, le plus visité est A voix haute : castrats, contre-ténors et haute-contre, avec 2 700 visites à lui seul, loin devant Anne-Sophie Bonno (850), Vézelay I (800) et Jeanne Barbey (700).

Le gagnant est une gagnante GLM, avec une demi-faute, suivie de Jean B (avec une faute), Séverine R et Anne-Sophie D (une faute et demie).

Merci pour votre participation !

Maintenant, allons voir Maintenon

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Maintenon ? Ce nom vous évoque certainement Louis XIV, ou plutôt l’une de ses maîtresses, devenue sa femme en octobre 1683 et qui a accompagné le crépuscule du Roi Soleil : Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon.

Mais Maintenon, c’est d’abord une petite bourgade de 4 500 habitants, lovée entre Chartres et Rambouillet devenant quelque peu un dortoir pour Parisiens. Au milieu du village : le château.

Celui-ci, au premier abord, est très équilibré dans son déséquilibre – un peu comme « la confusion dans la clarté » de Denner : il n’est ni trop grand, ni trop petit, ni trop haut, ni trop bas et sa construction sur plusieurs siècles, largement visible, lui donne tout son charme.

Château de Maintenon 2Le donjon médiéval se dresse fièrement. Datant du XIIIe siècle, c’est la partie la plus ancienne de la demeure. Trois tours rondes viennent compléter le quadrilatère, reliées par des courtines, sans doute fortifiées. Au fur et à mesure, elles sont remplacées par des corps de bâtiment : le logis est construit par Cottereau vers 1510, avec pont-levis et poivrières. Puis, la fonction militaire s’efface progressivement, le même Cottereau faisant bâtir l’aile est quelques années plus tard, dont les ouvertures sont plus larges et les murs moins épais. En 1674, Françoise d’Aubigné rachète la bicoque et le Roi lui donne le titre qui va avec ! Quelques années plus tard, l’aile ouest sort de terre ainsi qu’un bâtiment reliant le château à l’église. Sous le Second Empire, les Noailles, alors maîtres des lieux – ils le seront jusqu’en 1983 – modifient les façades dans un style bien de leur époque (hélas). Endommagé par des bombardements américains, le château est restauré patiemment par ses derniers propriétaires privés. Construit en briques à parement de pierres, hormis le donjon et les ouvrages défensifs, il est élégant mais conserve son architecture militaire et sa forme antique.

Château de Maintenon 3Pour les intérieurs, n’oubliez pas d’admirer :

– le donjon, redoutable et austère. Un escalier en colimaçon mène au chemin de ronde et à ses combles dont la charpente est de toute beauté. De là-haut, le panorama est éblouissant.

– les appartements dits de Madame de Maintenon, reconstitués au XIXe (seules les tomettes sont d’époque) : admirez les murs recouverts de cuirs, le mobilier du XVIIe, le clavecin, les tapisseries… Evitez de trop regarder la cheminée… qui date des années 30 !

– les appartements privés des Noailles, dans l’aile est. Les pièces se succèdent, très agréablement meublées et décorées. Le salon du Roi est de toute beauté (même si les peintures sont des copies du XIXe). La visite s’achève par la bibliothèque, la salle de billard et la grande galerie du XIXe siècle, portant les portraits des membres illustres de la famille Noailles.

Si vous avez bien suivi, nous avons parlé de trois côtés du quadrilatère originel. Et le quatrième ? Il n’y en pas ! L’espace reste ouvert et donne sur les jardins.

Château de Maintenon 1Et quels jardins ! Ils ont tout simplement été dessinés par Le Nôtre, qui a pu utiliser à bon escient une ressource inestimable, absente à Versailles : l’eau. Ils débutent par un petit jardin à la française très ouvragé, recréé il y a quelques années, prolongé par un parc où paresse un canal bordé d’allées plantées passant sous l’aqueduc ! L’aqueduc ? Oui, oui, un aqueduc, comme chez les Romains ! Construit pour alimenter Versailles en eau depuis l’Eure (83 kilomètres de haut, 73 mètres de hauteur maximale, quand même !), il n’a jamais été achevé – il manquait 29 kilomètres – les caisses étant vides et la machine de Marly beaucoup plus pratique. Ses ruines impressionnantes traversent le parc du château de Maintenon, des arbres et buissons épineux poussent ici ou là. Se reflétant sur le canal, l’image est saisissante, c’est un tableau vivant d’Hubert Robert ou d’autres peintres élégiaques des XVIIe et XVIIIe siècles. C’est vraiment très étonnant, surtout quand le ciel est dégagé.

Cette description vous a donné envie ? Alors, allez-y, les beaux jours arrivent enfin (quoique…) et de Paris, le train est direct !

www.chateaudemaintenon.fr

Heures d’ouverture – Jusqu’au 30 juin : tous les jours, sauf le mardi, de 10h30 à 19 h ; du 1er juillet au 31 août : tous les jours de 10h30 à 19 h.

Ah oui, j’oubliais, merci Constance pour les photos !

Jouons avec Artetvia

Depuis un an et demi, Artetvia vous propose presque toutes les semaines de découvrir un instrument de musique, un compositeur, un peintre, une exposition, un château, une abbaye…

Je vous propose aujourd’hui de tester vos connaissances, via 30 questions, de difficulté croissante.

Vous pouvez écrire vos réponses en commentaire de cet article (les autres participants ne regarderont pas…) ou me les envoyer par mail (artetvia[at]hotmail.fr). Désormais, c’est vous qui allez travailler ! Aidez-vous du moteur de recherche du site !

Le gagnant aura droit à toute ma considération et une bouteille de champagne (si, si !!, en plus c’est un zeugme). Réponses à donner avant le 12 juin 2014.

  1. Je suis le dernier château de la Loire, capitale des Ducs de Bretagne : qui suis-je ?
  2. Marin Marie, Marin Marais : qui est le compositeur, qui est le peintre ?
  3. Je suis une ville italienne qui accueille deux fois par an une course de chevaux mémorable. Ma Torre del Mangia mesure plus de 100 mètres, ma cathédrale inachevée. Ma sainte préférée s’appelle Catherine. Quel est mon nom ?
  4. Je suis un thème musical répandu dans toute l’Europe, une ligne de basse obstinée en huit mesures. 150 compositeurs m’ont repris, de Bach à Vangelis. Je suis…
  5. Je m’appelle Jacques Onfroy de Bréville et j’ai dessiné beaucoup de livres d’histoire pour enfants : quel est mon nom d’artiste ?
  6. Je suis un instrument de musique à vent. J’ai beaucoup été pratiqué pendant la Renaissance, et la période baroque, puis totalement oublié jusqu’au milieu du XXe siècle, je suis l’instrument du cours de Madame Labutte. Je suis…
  7. Je suis un biscuit fade et sans saveur qui craque sous la dent et pourtant les malouins m’aiment !
  8. Qu’est-ce qu’un reuze ?
  9. Citez le nom d’un motet de Mondonville
  10. Le Triomphe de la République a été sculpté par…
  11. Membre des Seiz Breur, je suis mort, mais pas depuis longtemps. D’un caractère de cochon, je suis néanmoins un sculpteur de génie, je suis…..
  12. Le piqué et le tayaut : de quel instrument parle-t-on ?
  13. Tournus a vu naître l’un des peintres les plus géniaux du XVIIIe siècle, lequel ?
  14. Qu’est-ce qu’un haha ?
  15. Je suis un compositeur languedocien du tout début du baroque, fan de pièces dialoguées et expressives. On me doit en particulier un Ave Maria, un Ecce Homo, un Tu Quis es.
  16. Que signifie le mot Houtland ?
  17. Quel est le vrai nom de Farinelli ?
  18. Je suis une structure de forme rectangulaire surmontant la croisée des transepts et portant le clocher de certaines églises romanes
  19. La famille Della Robbia était spécialisée dans…
  20. Le Faouët est une commune renommée pour ses nombreuses chapelles : quel est le nom des deux plus belles (et connues) ?
  21. Qui est le Père Lachaise ?
  22. Quel est le saint patron de l’abbaye de Maillezais ?
  23. Qu’est-ce qu’un sautereau ?
  24. Quic en Groigne : qu’est-ce ?
  25. Je suis un graveur hollandais, fortement influencé par Dürer. Mon œuvre est particulièrement lumineuse et sereine.
  26. Héritière de l’une des plus grandes familles florentines, j’ai marqué mon époque par mon génie d’écriture musicale et d’interprétation.
  27. Qu’est-ce-que le stiacciato ?
  28. Le serpent est l’instrument le plus grave de la famille des….
  29. Parmi l’œuvre de Dürer, trois sont considérées comme ses Meisterstiche : lesquelles ?
  30. A votre avis, quel est l’article d’Artetvia le plus lu ?

On en pince pour lui : le clavecin

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Il a une forme proche de celle du piano à queue, un clavier, des cordes… Et pourtant son mécanisme est totalement différent ! En (petite) classe de musique, on apprend à distinguer les cordes frappées, des cordes frottées et des cordes pincées. Le clavecin fait partie de cette dernière famille ; seulement, ses cordes ne sont pas pincées avec les doigts comme peuvent l’être celles de la guitare ou du luth.

Regardons de plus près la construction de cet instrument.
ClavecinD’abord la caisse ; elle peut être richement décorée. Contrairement à son lointain cousin le piano, qui a principalement adopté des couleurs laquées unies (noir, blanc ou alors en laissant la teinte originelle du bois), de nombreux clavecins sont devenus de véritables œuvres d’art, avec une décoration recherchée et soignée, réalisée par les plus grands décorateurs et peintres de leur temps. Ce qui a sans doute sauvé de la destruction un certain nombre d’instruments. La caisse supporte la table d’harmonie et sert de caisse de résonance.

Le clavier est plus petit que celui d’un piano et de taille variable. L’amplitude habituelle est de quatre à cinq octaves, donc moins que le piano, sans norme fixée. Certains instruments sont dotés de plusieurs claviers, particulièrement utiles pour l’interprétation de pièces nécessitant des croisements de mains et « facilitant » le contrepoint. Les deux claviers peuvent s’accoupler, comme l’orgue. La plupart des claviers sont en bois brut (et non en ivoire) ou bien teintées en couleurs inversées par rapport au piano (altérations plus claires). Certains clavecins modernes ont un système permettant de passer du diapason actuel (440 Hz) au diapason dit baroque (415 Hz – en réalité, les diapasons étaient plus variés), la différence correspondant environ à un demi-ton – il suffit de déplacer le clavier d’une corde et le tour est joué. En revanche le tempérament utilisé est rarement égal.

Comment fonctionne un clavecin ? Le système est complexe et je ne rentrerai pas dans les détails. Sachez simplement que la pièce maîtresse s’appelle le sautereau, qui est une petite pièce de bois munie d’un bec, traditionnellement en plume qui vient soulever la corde et la relâcher (comme un doigt de guitariste) et qui provoque la vibration de la corde et donc le son. Le clavecin peut posséder plusieurs jeux (comme l’orgue mais en nombre beaucoup plus limité), le plus souvent trois. L’instrumentiste peut donc choisir une registration qu’il estime adaptée à la pièce qu’il joue.

Le répertoire pour clavecin peut se diviser globalement en trois grandes catégories :
– l’accompagnement d’un ou plusieurs instrument(s) ou voix soliste (s). Le clavecin joue alors la fonction de basse continue, souvent accompagné d’une basse de viole ou d’un violoncelle. L’instrument solo (violon, flûte, dessus de viole, hautbois…) peut alors « jouer » avec l’accompagnement (dialogues…) ;
– la participation à un plus grand ensemble instrumental et vocal, toujours comme instrument d’accompagnement. Il fait partie de ces instruments que l’on entend difficilement quand il joue, mais dont l’absence est immédiatement audible ;
– le jeu en soliste, développé surtout au début du XVIIIe siècle et dont nous reparlerons quelques lignes plus bas.

Il faut rappeler que l’une des particularités de la musique baroque est la liberté laissée au continuiste pour l’accompagnement. Les compositeurs écrivaient la ligne de basse (« mélodie » de la main gauche) et l’instrumentiste improvisait pour jouer la main droite ; ils laissaient quelques indications d’harmonisation que l’on appelle la basse chiffrée : les chiffres notés au-dessus de la ligne de basse donnent une indication de l’accord souhaité par le compositeur (quarte, quinte, la tierce n’étant jamais noté car toujours possible, ainsi que les diminutions ou augmentations demandées), le reste est laissé à la libre imagination du claveciniste – avec quelques règles d’harmonie plus complexes et qui ne seront pas abordées ici.

Comme le son d’une corde de clavecin est sec, nerveux et sans longues et sonores harmoniques, l’instrumentiste doit compenser par une dextérité du jeu toujours plus poussée, une véritable pluie de notes : grande dextérité dans les doigts pour les mouvements rapides, ornementation fleurie pour les mouvements lents. Sinon, on risque d’avoir une pièce très austère et assez ardue à écouter. On entend ces particularités notamment dans le répertoire pour clavecin solo. Ecoutez les œuvres de Bach, de Rameau, de la dynastie Couperin… et vous entendrez immédiatement ce que j’essaie d’expliquer ici. En même temps que l’orgue (d’ailleurs de nombreux clavecinistes étaient aussi organistes, comme Bach à Leipzig et Couperin à Saint-Gervais à Paris), le clavecin a pu offrir des possibilités nouvelles pour les instrumentistes… et pour les compositeurs : il a permis le développement et l’épanouissement de formes musicales à la fois savantes et mélodieuses qui ont fait la renommée des XVIIe et XVIIe siècles : contrepoint, fugue… Promis, j’écrirai un jour un article sur le contrepoint !

Instrument de cour – mais pas seulement – le clavecin a bénéficié d’une carrière éblouissante durant la période baroque avant de tomber dans un oubli presque total jusqu’au milieu du XXe siècle ; il fait un retour en fanfare depuis quelques dizaines d’années et bénéficie d’une « couverture discographique » impressionnante servie par des interprètes brillants ayant su redonner à cet instrument parfois mal aimé ses lettres de noblesse.

Ecoutons maintenant trois extraits du répertoire pour clavecin.

La danse des sauvages de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) – Le compositeur reprendra cet air fameux dans son opéra-ballet Les Indes Galantes. Notez les claviers accouplés, la décoration de la caisse et le jeu très orné de l’artiste.

Une sonate de Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), l’un des grands compositeurs français du XVIIIe qui a beaucoup écrit pour flûte (ce qui n’est pas pour me déplaire) – C’est un bon exemple d’accompagnement. Ecoutez le jeu du clavecin et du traverso !

Un extrait du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach (1685-1750) – J’ai mis du temps à le dénicher celui-là, surtout en version pour clavecin ; on trouve facilement le prélude et la fugue en Do Majeur ou bien l’œuvre complète… et puis le claveciniste a un petit air d’Hitchcock, alors…

L’histoire de Paris par l’art : le musée Carnavalet

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En plein cœur du Marais, sans doute l’un des quartiers les plus beaux de Paris (selon moi en tout cas…), se dresse un musée retraçant l’histoire de la ville : le musée Carnavalet, du nom de son deuxième propriétaire, François de Kernevenoy, dit Carnavalet.

Musée CarnavaletAvant même de regarder les collections, prenez le temps d’admirer le bâtiment. Construit par Pierre Lescot entre 1548 et 1560, il est agrandi un siècle plus tard par François Mansart – la crème des architectes donc ! La marquise de Sévigné y a habité quelque temps. Occupé par différentes institutions à partir de la révolution, l’hôtel est acheté par la Ville de Paris en 1866 qui y ouvre un musée en 1880. Ledit musée s’agrandit en 1989 en reprenant l’hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau qui lui est contigu et date de la même époque ; aujourd’hui d’ailleurs, le visiteur remarque peu le passage entre les deux bâtiments. Les pièces sont nombreuses, de tailles variées – de grandes salles de réception aux boudoirs exigus – et le plus souvent « boisées », les boiseries provenant principalement d’autres Musée Carnavalet 2demeures, les plafonds sont richement ornés ; c’est même parfois un peu lourd. A cause de cet enchevêtrement de salles, d’ailes et d’escaliers, il faut avouer qu’on s’y perd un peu et le parcours n’est pas très intuitif, ni très chronologique : on débute la visite par des ferronneries du XVIIIe siècle, pour continuer par le Paris antique et s’achever par la période révolutionnaire et le XIXe siècle. Ce n’est pas grave, mais on a peur de rater quelques salles.

L’intérêt du musée Carnavalet est double. D’une part, il retrace l’histoire de Paris à travers les âges, du néolithique au début du XXe siècle. D’autre part, il possède une collection particulièrement riche d’objets et d’œuvres de la période révolutionnaire, ce qui a tendance à occulter un peu les siècles précédents ; il faut l’avouer, la période antérieure au XVIIe siècle est assez succincte, avec un Moyen Age totalement inexistant.

Une partie du rez-de-chaussée est consacrée au très très vieux Paris, du néolithique au tout début du Moyen Age. Cette salle est particulièrement intéressante, avec des silex et des haches de pierre, des fibules et des torques, des pirogues monoxyles, de la céramique sigillée, le plan de Paris sous les Romains – principalement situé autour de la Montagne Sainte-Geneviève – des bijoux mérovingiens (j’adôôre) et des sarcophages.

Musée Carnavalet 5Après, le visiteur passe directement aux XVIe et XVIIe siècles, et surtout au XVIIIe. Ici, la comparaison avec le Paris actuel est plus aisée, ce qui est particulièrement stimulant. Pêle-mêle, des œuvres figurant : un plan relief du clos du Temple, l’érection de l’église Sainte-Geneviève (actuel Panthéon), des vues agrestes des Champs-Elysées et de la plaine de Grenelle, la destruction des maisons du Pont-au-Change, la construction de la colonnade du Louvre ou de Saint-Sulpice, etc. Les « grands » peintres sont peu représentés (à moins que Pierre-Antoine Demachy ou Hubert Robert n’appartiennent à cette catégorie, bon on trouve aussi des David et des Largillière, …), mais les œuvres sont globalement de bonne qualité et forment des témoignages émouvants de l’histoire parisienne.

Les événements historiques ne sont pas oubliés, notamment pendant la période révolutionnaire, riche en faits dramatiques et exceptionnels, par exemple le Serment du Jeu de Paume de David, mais aussi des objets exceptionnels comme les clés de la Bastille ou la porte de l’Hôtel de Ville qui sera enfoncée par les émeutiers.

Le mobilier est riche, avec en particulier huit pièces meublées en style Louis XV et Louis XVI. Les commodes sont somptueuses et tout à fait à mon goût, ainsi que les bureaux et autres fauteuils. On y trouve également la chambre reconstituée de Marcel Proust, un salon Art Nouveau…

L’ensemble peut donner l’impression d’un bric-à-brac dédié à Paris, de près ou de loin, mais l’endroit a du charme. On passe un bon moment, surtout quand on est bien accompagné.

Je vous conseille de visiter ce musée en plusieurs fois (en plus c’est gratuit), pour bien en profiter. Si vous habitez loin de Paris, commencez par vous rendre sur le site internet du musée qui est plutôt bien fait avec une présentation détaillées des collections : http://www.carnavalet.paris.fr/fr/accueil

A proximité, n’oubliez pas le Musée Cognacq-Jay !

Musée Carnavalet : 16 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h.