Marion Abbadie : le jouet comme oeuvre d’art

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Il y a quelques mois, nous avions pu rencontrer Gabrielle de Roincé qui nous présentait « sa » bibliothèque-musée. Aujourd’hui, c’est au tour de Marion Abbadie qui nous parle du métier d’attaché de conservation et de « son » lieu de travail : le musée du Jouet à Poissy.

Bonjour Marion, comment en es-tu venue à travailler dans cet endroit magique ?

De manière toute simple : j’ai postulé et j’ai été retenue ! Bien évidemment, je ne suis pas arrivée dans un musée totalement par hasard. Après une prépa en lettres classiques, je me suis orientée vers une maîtrise d’histoire de l’art, tout en suivant l’enseignement de l’école du Louvre dont j’ai achevé le premier cycle et l’année de spécialisation (quatre ans au total), sans oublier deux ans d’école préparatoire au concours du Patrimoine (conservateur). Au final, je me rends compte que cela fait pas mal d’années d’études…

Poissy - Musée du jouet 4Après avoir réussi le concours d’assistant de conservation et travaillé dans différentes institutions culturelles, notamment au Domaine départemental de Chamarande (un château du XVIIe siècle, avec parc à l’anglaise peuplé d’art contemporain, le lien n’est pas toujours simple…), j’ai finalement trouvé un poste au musée du Jouet à Poissy, dont je suis devenue l’attachée de conservation (encore sur concours !) il y a peu de temps. Voilà pour la biographie…

Mon titre officiel est « responsable du service des publics ». En réalité, mon travail va bien au-delà de cet intitulé car il comporte un temps important consacré à la conservation. En fait, j’ai toujours souhaité intervenir dans les deux domaines, médiation et conservation, bien que la plupart des musées soient organisés en deux filières bien distinctes. Dès mon année de spécialisation (muséo) à l’Ecole du Louvre, il a fallu choisir : je n’ai jamais su ! C’est toujours le cas. Et je crois y trouver un équilibre entre étude des collections, réflexion muséologique et relation avec le public.

Peux-tu nous décrire le musée du Jouet ? Quand on parle d’un musée, on imagine des tableaux, des sculptures, pas des jouets !

Poissy - Musée du jouetHé oui, c’est étonnant. Je ne m’imaginais pas du tout dans cet univers pendant mes études. Rien ne m’y prédestinait, sauf peut-être le goût des beaux jouets inculqué par mon grand-père qui offrait à chaque tribu de ses petits-enfants un jouet signé de sa main pour Noël. M’y voilà pourtant depuis 8 ans, et j’y suis bien. Le musée a été créé en 1975, sous l’égide de la commune de Poissy. Il occupe les murs (du XIVe siècle s’il vous plaît) de la porterie fortifiée de l’ancienne abbaye Saint-Louis de Poissy, voulue par Philippe-le-Bel, et détruite en grande partie à la Révolution.

Nous présentons une collection de 600 jouets (ainsi que quelques jeux), datant du milieu du XIXe siècle, au milieu du XXe siècle, sachant que nos collections (environ 8 000 objets) couvrent une période beaucoup plus large (notre jouet le plus ancien date du XVIIe siècle et nous possédons quelques jouets contemporains servant de référent XXIème siècle pour nos expositions temporaires). Tous les objets sont manufacturés, c’est-à-dire qu’ils ont été fabriqués en série, si on peut parler ainsi : ce sont des jeux industriels ou pré-industriels pour les plus anciens. Il n’y a donc pas de jouets uniques, fabriqués par un grand-père pour son petit-fils par exemple.

Et d’où vient la collection ?

Comme pour la plupart des musées, les objets ont des origines variées : la collection d’une passionnée issue du musée de l’Education de Rouen, des dons – de moins en moins, car les propriétaires savent désormais que les jouets anciens ont une grande valeur – des achats chez les marchands ou en ventes aux enchères, etc.

Il faut savoir aussi que nous effectuons un important travail de restauration sur lequel je reviendrai plus tard.

Et qui vient voir ce musée, des enfants, j’imagine ?

Marion AbbadieBien entendu, mais pas seulement. Cela va surprendre certains, mais nous avons, en plus des familles avec enfants, des groupes d’adultes. En effet, ce sont des objets pour lesquels les visiteurs ont un attachement « affectif » : ce sont les jouets de leur enfance, ou de l’enfance de leurs parents ou grands-parents. Le public scolaire est bien entendu important et vient souvent pendant l’hiver, notamment avant Noël. Notre fréquentation tourne autour de 18 000 entrées annuelles, ce qui est tout à fait correct pour un petit musée municipal. Les visiteurs viennent principalement d’Ile-de-France et en particulier des Yvelines, mais pas seulement.

Alors, ton travail d’accueil des publics ?

Nous organisons des programmes d’accueil pour les enfants, mais aussi pour les adultes. Pendant les vacances scolaires, nous organisons des ateliers pédagogiques et ludiques, destinés aux enfants de 4 à 12 ans et dont les thèmes sont très variés (construction d’une poupée en laine identique à celles que fabriquaient les enfants de poilus pendant la Première Guerre mondiale, leur servant d’ailleurs de porte-bonheur…). Les enfants sont pris en charge par la médiatrice du musée ou bien une personne extérieure. Nous proposons aussi chaque mois un spectacle destiné aux familles : contes, marionnettes, magicien. Pour le coup, les participants viennent de la région de Poissy.

Et la conservation ?

Poissy - Musée du jouet 2C’est un travail plus souterrain de documentation et de préservation des jouets en réserve qui devient visible du public à travers les expositions temporaires annuelles (par exemple Autos mobiles! Une aventure racontée par le jouet, Y’a du sport au musée, Quand j’étais bébé… Le baby-boom des jouets d’éveil, Drôles de jouets! André Hellé ou l’art de l’enfance…). C’est un travail d’équipe avec la conservatrice du musée, un scénographe, un commissaire scientifique, les équipes techniques municipales. Chaque exposition donne lieu à la publication d’un catalogue qui représente un important travail de recherche et de coordination. J’assure la gestion des contrats de prêts, des moyens de transport, des assurances. Nous sommes en effet très souvent sollicités par d’autres musées. Et puis je suis en charge du suivi des restaurations.

Ca se restaure un jouet ?

Bien entendu ! Même si nous souhaitons conserver des objets dans leur état d’usage : ce sont de vrais jouets, auxquels les enfants ont fait mener une vie trépidante, avant qu’ils ne se retrouvent dans des vitrines comme des œuvres d’art. Il faut choisir le bon restaurateur (bois, papier, métal, plastique –si, si !)…et le bon objet à restaurer. Etant labellisé Musée de France, chaque dossier est présenté en commission régionale scientifique et fait l’objet d’un avis de la DRAC qui donne son accord ou non (et qui peut apporter un soutien financier). Evidemment, c’est un peu contraignant, mais c’est le jeu (c’est le cas de le dire).

Et l’équilibre entre ces deux pôles que sont l’accueil du public et la conservation ?

C’est la grande question ! Pour moi, il est nécessaire de bien connaître les attentes des visiteurs ; mais on ne fait pas n’importe quoi pour autant. Certains visiteurs ne comprennent pas pourquoi on ne peut pas jouer avec les objets présentés. J’ai bien conscience que ça peut être frustrant. Nous sommes un musée, pas une ludothèque, avec une mission scientifique de sauvegarde, de conservation et de documentation. Nous possédons un important fonds documentaire, y compris de nombreux catalogues anciens de jouets.

Nous sommes loin de l’art et de l’histoire tout de même ?

Poissy - Musée du jouet 3Et bien non, nous en sommes très proches. Figure-toi que les jouets forment une image assez saisissante de leur époque et qu’ils en sont le reflet. Par exemple une plongée dans les jouets français des années 1910, farouchement « anti-boches » permet de comprendre très facilement que la propagande politique passe aussi par le jouet. Côté esthétique, ils sont plutôt réussis, car les jouets d’autrefois étaient fabriqués dans des matériaux nobles, avec une visée esthétique permanente : nos ancêtres avaient le goût du beau, même pour un jeu de quilles ; d’ailleurs de grands artistes ont œuvré pour la fabrication de certains d’entre eux.

Des projets ?

Evidemment. D’autres expositions à venir, ce qui permet d’ailleurs de renouveler mon intérêt pour ces objets. Et puis, à cause de travaux (accessibilité handicapés), les collections permanentes vont sans doute être modifiées en profondeur prochainement : un travail passionnant en perspective. Et enfin, Poissy a un projet de musée d’art et d’histoire… nous assurons déjà la gestion de cette collection mais qui reste pour l’instant en réserve, faute de lieu de présentation adéquat. Nous tâchons cependant de faire connaître ces collections par des expositions de préfiguration : sur le Colloque de Poissy de 1561 et, en ce moment-même, sur saint Louis, le plus illustre des Pisciacais! Cela augure plein de bonnes et belles choses.

Merci Marion !

http://www.ville-poissy.fr/fr/loisirs/vie-culturelle/musee-du-jouet.html

Un peintre orientaliste, Henri Rousseau

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Nous parlons bien de l’orientaliste Henri Rousseau et non de son homonyme Henri Rousseau dit le Douanier Rousseau ! Rien à voir entre les deux, ni lien familial, ni style, ni thèmes. Jugez-en !

Il est né au Caire en 1875 et il est mort en 1933 à Aix-en-Provence. Ceci résume tout : il aime la lumière !

Henri Rousseau - Chasse au fauconFils d’un ingénieur proche du vice-roi d’Egypte, il passe son enfance au pays des pyramides. La région étant secouée par des révoltes sanglantes, il suit sa famille à Cannes puis Versailles. Son père voit en lui un futur polytechnicien qu’il a été, lui ne pense qu’au dessin et à la peinture. Monsieur Père accepte la chose et l’envoie chez son ami Jean Gérôme – sympa d’avoir des potes de ce calibre, merci Papa ! -se former et préparer les Beaux-Arts qu’il réussit brillamment (la formation chez Gérôme était très exigeante, notamment la technique et à la maîtrise des détails : c’est difficile mais formateur). A la sortie des Beaux-Arts, il commence à peindre sur commandes (église Saint-Jean-de-Montmartre). Il gagne quelques médailles dans différents salons, ce qui lui permet de financer un voyage en Flandre et en Hollande où il entre en contact avec les maîtres (Memling, Frans Hals, Ruysdael…). A la même époque, il subit ou plutôt il bénéficie de l’influence de Fromentin. A sa suite, il éprouvera une véritable fascination pour l’Orient : il visite la Tunisie, l’Algérie et surtout le Maroc, qu’il vente, qu’il pleuve (c’est plutôt rare en fait), bravant la chaleur et la poussière (plus fréquent) et en revient ébloui.

Henri Rousseau - FantasiaToujours installé à Versailles et ayant fondé une (nombreuse) famille, il travaille assidument dans son atelier de Montparnasse en peignant des décors d’hôtels, en restaurant des toiles de maître et en croquant des paysages. A ce moment, il est davantage connu pour ses toiles « sages et classiques » des provinces françaises.

Mais l’Orient l’attire irrésistiblement : il poursuit sa quête de lumière et de grands espaces et part voyager en Tunisie et dans les Aurès, séjours facilités par son frère officier aux affaires indigènes. La guerre lui fera perdre une grande partie de ses commandes à défaut de sa vie (il sera rapidement démobilisé). En 1919, il s’installe à Aix. Il y restera jusqu’à sa mort en 1933, toujours la recherche de la lumière (et une certaine lassitude du milieu bourgeois versaillais… dont il faisait allègrement partie d’ailleurs). Là, il se met à peindre la Provence. Et de manière brillante ! La Camargue notamment, tout en gardant du temps pour d’autres activités : sa famille, sa foi mais aussi la politique (il est maurassien bon teint).

Henri Rousseau - Le CaïdIl meurt subitement en 1933 (en dix jours dit-on), à l’âge de 58 ans.

Henri RousseauQue dire de sa production artistique ? Incontestablement, l’aspect le plus intéressant est son œuvre orientalisante : il aime les chevaux (une vraie passion), les chasses aux faucons, les fantasias… Tout l’imaginaire du désert de cette époque, sans pour autant tomber dans la caricature, le pittoresque ou le fantasme (les harems, les palais des mille et une nuits, le long sanglot des musulmanes, etc…). Ayant une connaissance réelle du terrain, sa peinture est en effet assez réaliste, il n’oublie pas la rudesse du désert et de ses habitants, la vie aventureuse et dangereuse, le climat torride et les coupe jarrets. N’oublions pas non plus toute sa production provençale, de très bonne qualité également, notamment des paysages mouillés de Camargue de toute beauté.

Dans tous les cas, il aime la couleur, la lumière, le mouvement, l’action, les contrastes, beaucoup moins les détails (Gérôme est loin !), les sentiments ou les intérieurs.

Admirez maintenant !

Henri Rousseau - La CamargueJe remercie Bérénice et Amandine : grâce à elles, j’ai pu connaître l’oeuvre de ce peintre, leur aïeul…

Le meilleur de 2014 !

A moins d’être un lecteur assidu (il y en a, qu’ils en soient remerciés), peu d’entre vous ont lu l’ensemble des livraisons d’Artetvia, 34 pour l’année 2014, pour le moment : les sujets ne vous passionnent pas, vous n’avez pas le temps, le style du rédacteur est parfois lourd. Autant de raisons qui vous empêchent de profiter du contenu de ce blog.

Pour vous rafraîchir la mémoire, et comme je l’ai fait l’an passé, je vous propose de parcourir l’année écoulée en mettant en avant quelques succès, hors interviews qui feront l’objet d’un article spécifique.

Saint-Malo - Vue généraleL’année a débuté à Saint-Malo. Vous connaissez sans doute tous la ville, au moins de nom, peut-être pas son histoire et ses richesses patrimoniales et artistiques : https://artetvia.wordpress.com/2014/01/09/ni-bretonne-ni-francaise-la-ville-de-saint-malo/

Jean-Joseph_Cassanéa_de_Mondonville

 

 

Mondonville a passionné nombre d’entre vous et je les comprends, sa musique est vraiment sublime : https://artetvia.wordpress.com/2014/01/16/mondonville-la-musique-et-la-grace/

 

 

 

Jean-Adrien Mercier 1

 

 

Jean-Adrien Mercier, vous connaissez ? Regardez : https://artetvia.wordpress.com/2014/03/13/je-vote-pour-jean-adrien-mercier/

 

 

 

 

Mathurin Méheut - Pêcheurs

 

 

Mathurin Méheut, c’est beau aussi : https://artetvia.wordpress.com/2014/02/20/mathurin-meheut-lattitude-et-le-geste/

 

Le clavecin, on connait tous. Vraiment ? : https://artetvia.wordpress.com/2014/05/22/on-en-pince-pour-lui-le-clavecin/

Le carnet d’idées d’Artetvia est encore plein. Mais soumettez vos suggestions et remarques : elles seront les bienvenues. Pour les férus de statistiques, le site s’approche de la barre 50 000 visites depuis sa création. Grâce à vous ! Merci.

Et Dieu créa Rocamadour, il vit que cela était beau (II)

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La semaine dernière, nous avions pu découvrir l’histoire singulière de ce lieu. D’ailleurs, le nombre élevé de visites a prouvé une fois de plus que Rocamadour suscite un intérêt certain. Et pour cause !

Aujourd’hui, partons visiter la cité, bâtie sur trois étages : en haut, le château ; en bas, le village ; et enfin, accroché à la falaise, le sanctuaire.

Rocamadour - EnsembleLe château a été construit pour protéger le sanctuaire, en interdisant aux assaillants d’y accéder par le haut de la falaise. Construit à la fin du XIIIe siècle, il fut profondément remanié au XIXe siècle. Il n’en reste que les remparts d’origine, ouverts au public, mais dont la visite a pour unique intérêt d’embrasser toute la vallée de l’Alzou et de bénéficier d’une vue exceptionnelle et vertigineuse sur le reste de la ville. Quant au château, il est privé.

RocamadourPour descendre, empruntez l’ascenseur sous-terrain ou, beaucoup mieux, le chemin de Croix, que vous parcourez d’ailleurs à l’envers, en débutant par la vaste grotte de la Résurrection. L’endroit est ombragé et permet de rentrer peu à peu dans l’esprit du lieu.

Vous arrivez alors dans le sanctuaire. C’est à la fois petit et majestueux.

Petit, car le parvis central l’est assurément. Majestueux, car il est entouré des 8 chapelles – en réalité, 6 chapelles, une basilique et une crypte – sans oublier l’ombre menaçante et protectrice de la falaise.

Rocamadour - Chapelle Saint-MichelLa chapelle Saint-Michel, sans doute la plus émouvante, est celle du premier prieuré bénédictin. Ouverte au public uniquement dans le cadre des visites organisées par le sanctuaire, on y accède par un étroit et sombre escalier. Elle est collée à la falaise, qui en forme la moitié des murs et du toit, décorée de fresques magnifiques et dotée d’une abside en cul-de-four. C’est une merveille d’art roman : pureté des lignes, sobriété des formes, peintures émouvantes. Des fresques extérieures sont visibles sur son chevet : incroyable, les couleurs sont toujours présentes, après huit siècles dans le froid, la pluie et le soleil. C’est beau.

Rocamadour - CrypteAdossée à la falaise, la chapelle Notre-Dame est le cœur du sanctuaire : c’est là que trône la Vierge noire, habillée les jours de fête. De nombreux ex-voto, plaques ou maquettes de bateau, témoignent de la vénération des fidèles. De là, on peut accéder à la basilique Saint-Sauveur, qui est la plus grande église de Rocamadour : admirez l’équilibre des volumes et le style roman tardif qui annonce l’aube du gothique ainsi que l’orgue, de facture récente. Sa division en deux nefs parallèles est ancienne : une partie était utilisée par les pèlerins, l’autre par les moines. Le chœur repose entièrement sur la crypte, accessible par le parvis. C’est là que le corps d’Amadour reposait jusqu’à son démembrement par les Protestants durant les guerres de religion. Tout est calme.

Rocamadour - Basilique Saint-SauveurDe l’autre côté de la place se situent les petites chapelles Saint-Blaise et Sainte-Anne, dont le mobilier est plus récent, notamment un retable baroque de toute splendeur. Enfin, observez la chapelle Saint-Jean-Baptiste, servant désormais de baptistère, qui a été décorée au XIXe siècle de fresques représentant les personnages illustres ayant visité le sanctuaire, dans un style presque troubadour. Fortement restauré également le palais abbatial, actuel musée d’art sacré… que je n’ai pas visité ! Malgré sa construction sur plus de huit siècles, l’ensemble est très homogène.

En descendant encore, passons sous la Porte Sainte qui délimite l’entrée du sanctuaire et empruntons le Grand escalier (216 marches), gravi par les pèlerins à genoux. Nous arrivons dans le village. L’unique rue est délimitée par des portes fortifiées, rappel de l’histoire tumultueuse de la cité. Les maisons sont belles et bien entretenues, utilisées principalement par des magasins de souvenirs en tout genre et autres restaurants. Faîtes abstraction des vêtements Made in China et des vraies-fausses poteries artisanales ! Evidemment, cela tranche avec la quiétude et le silence du sanctuaire…

Voilà, brièvement, un aperçu de cette cité qui porte vers le haut, dans tous les sens du terme.

Dernier conseil : préférez les visites avec un bénévole du sanctuaire : c’est passionnant, gratuit et vous avez accès aux chapelles fermées habituellement au public. L’été, la dernière visite est assurée par le recteur du sanctuaire : succès garanti !

http://www.rocamadour.eu/

http://www.vallee-dordogne-rocamadour.com/rocamadour

Et Dieu créa Rocamadour, il vit que cela était beau (I)

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Ce lieu chargé d’histoire est tellement exceptionnel que deux articles d’Artetvia lui seront consacrés et suffiront à peine. Le premier sera plus historique, le deuxième, davantage artistique et touristique.

Rocamadour 3Nous sommes au milieu des causses, celui de Gramat en l’occurrence. Autour de nous, des cailloux à perte de vue, des moutons, des arbres chétifs, des buissons piquants et touffus, des vallées profondes et encaissées. L’été, le soleil tape dur. L’hiver, il fait froid. Il y a peu de monde dans les villages et sur les routes (sauf les touristes et pèlerins l’été…). La route est longue et sinueuse. Tout d’un coup, Rocamadour apparaît. Le contraste est saisissant !

Accroché au flanc d’une falaise dominant l’Alzou, modeste rivière qui creuse la vallée depuis des millénaires, le site est pourtant habité par l’homme depuis fort longtemps, des peintures rupestres en témoignent.

On pense que très tôt, le lieu attira plusieurs ermites qui y trouvèrent la solitude qu’ils recherchaient ardemment. La légende dit que Zachée (si, si, celui des Evangiles) fut l’un d’entre eux. On ne connaît pas grand’chose de ces hommes, il faut bien le reconnaître. Un oratoire dut être construit dès le Ve siècle. En 968, l’évêque de Cahors confia la chapelle aux moines bénédictins de l’abbaye Saint-Martin, à Tulle. En 1105, une lettre du Pape fit mention du sanctuaire…. Pour la solitude, il faudra trouver un autre endroit ! Des écrits datant du XIe siècle décrivent le pèlerinage de Notre-Dame de Rocamadour comme le troisième pèlerinage mondial, après Jérusalem et Rome et connu pour ses miracles. Au XIIe siècle, les bénédictins agrandirent le sanctuaire et construisirent un prieuré, consacré à la Vierge Marie : une modeste chapelle et quelques bâtiments conventuels, très austères, à flancs de falaise. Il en reste aujourd’hui quelques pans de murs.

Rocamadour 1La réputation de sainteté du lieu attira nombre de pieuses gens qui décidèrent de s’y faire enterrer. Lors du creusement de la falaise, un corps intact fut découvert. Cet anachorète anonyme fut appelé alors Amadour ; il fut exposé à la vénération des fidèles et de nombreux miracles se produisirent.

En 1244, saint Louis et Blanche de Castille vinrent prier Notre-Dame de Rocamadour. En effet, outre Amadour, les pèlerins viennent prier devant la vierge noire et espérer un miracle. Aussi étrange que cela puisse paraître, le vocable de Notre-Dame de Rocamadour est invoqué fréquemment par les gens de mer… alors que nous sommes vraiment loin de l’océan. On dit d’ailleurs que la cloche de la chapelle tinte toute seule au moment même où un miracle « maritime » se produit : si les premiers cas sont peu documentés, les suivants le sont amplement.

Le pèlerinage s’amplifia, les lieux d’accueil des pèlerins se développèrent, le village aussi. Situé aux confins des terres anglaises et françaises, le lieu fut protégé par un château et par des portes fortifiées, dont certaines sont encore debout.

Rocamadour 2Au XIIIe siècle, les bénédictins quittèrent le lieu, remplacés par des chanoines, qui érigèrent des bâtiments plus spacieux – peut-être sont-ils moins enclins à suivre l’austérité bénédictine… Pendant les guerres de religion, le sanctuaire est pillé et le corps d’Amadour brûlé par les Protestants. Deux siècles plus tard, la Révolution acheva de transformer ce sanctuaire mondialement connu en ruines sauvages.

Au XIXe siècle, deux prêtres relevèrent Rocamadour : l’abbé Pierre Bonhomme de Gramat qui remit au goût du jour le lieu et l’abbé Jean-Baptiste Chevalt qui dirigea les travaux de restauration du sanctuaire, dans la lignée de Viollet-le-Duc. A force de ténacité, de pugnacité même, ils levèrent les fonds nécessaires et l’enthousiasme des foules. Dans les années 1870, la restauration est achevée. Un chemin de Croix à la toute fin du XIXe siècle. Voilà la cité telle qu’elle apparaît aujourd’hui !

Visitons-la au prochain numéro

Lili Boulanger, un éclair musical

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Hé non, malgré son (sur)nom, elle n’est pas la camarade de jeu de Lulu la Nantaise ou Pamela Boum-boum, danseuse légère aux Folies Bergère dans les années 30 ou taulière d’un bar louche en Indochine ! Lili Boulanger est musicienne et compositeur. D’une carrière aussi brillante que courte !

Lili BoulangerLa musique ? Elle est y tombée à la naissance. Un père compositeur et chanteur, une mère cantatrice et une grande sœur musicienne : avec cette hérédité, soit on tourne totalement le dos à la musique en réaction, soit on devient un génie. Juliette-Marie fait le deuxième choix. De santé fragile, on dit qu’elle sut déchiffrer une partition avant de savoir lire. Ses premiers cours de piano lui sont donnés par sa sœur Nadia et un ami de la famille, un certain Gabriel Fauré. A six ans, elle chante déjà des mélodies, accompagnée par le compositeur. Elle apprend aussi à jouer du violon, du violoncelle et de la harpe. Mais elle décide de se consacrer à l’écriture. Pendant plusieurs années (1909-1912 ?), elle se forme à la composition au Conservatoire de Paris, entrecoupées d’arrêts dus à sa maladie. En 1913, elle remporte le prix de Rome en composition – première femme à recevoir cette distinction – pour sa cantate Faust et Hélène. En 1914, elle s’installe à la Villa Médicis, la quitte pour cause de guerre, comme tous les artistes y résidant, puis à Nice où elle continue à composer. Elle revient à Rome en 1916 mais sa santé se dégrade et rentre alors en région parisienne où elle meurt en 1918, à l’âge de 24 ans. Elle venait de dicter à sa sœur sur son lit de mort son ultime œuvre un Pie Jesu pour voix, cordes, harpe et orgue.

On compte une soixantaine d’œuvre de sa main (celles antérieures à 1911 ont été détruites par Lili elle-même), dont certaines inachevées. Par exemple : Ave Maria, pour voix et orgue (1908), Soleils de septembre, pour chœur et piano (1912), Faust et Hélène, cantate (1913), Dans l’immense tristesse, pour chant et piano (1916)…

Ses compositions abordent la musique sacrée, les pièces orchestrales ou vocales profanes. Son style est très « français » du début du siècle (sans blague !), fortement influencé par Fauré. C’est une musique délicate, émouvante et colorée. Les thèmes qui l’ont inspirée sont essentiellement bibliques ou mystiques. Dommage qu’elle ait vécu si peu de temps : en même temps, le génie n’attend pas et la maladie est une source créatrice exceptionnelle. Consciente de sa fragilité physique, Lili Boulanger composera avec frénésie.

J’ai eu personnellement le plaisir de chanter « Pour les Funérailles d’un soldat » : honnêtement, la musique de Lili et le texte de Musset se marient à merveille, c’est grave et puissant et en même temps magnifique. A déguster !

Peut-être sa pièce la plus connue.

D’un soir triste

 De Profundis

 Pour les funérailles d’un soldat – Enregistrement de mauvaise qualité hélas.

Allons à Biron, birontonbirontaine !

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Niché entre Quercy, Périgord et Guyenne, à la frontière des anciens domaines anglais et français, se dresse fièrement le château de Biron.

Fief de la famille Gontaut-Biron pendant 24 générations (calculez vous-mêmes, à raison de 30 ans par génération, cela fait pas mal), il est propriété publique depuis 1978.

Biron 1Construit au XIIe, il est fortement endommagé pendant la guerre de Cent ans puis reconstruit un siècle et demi plus tard par Pons de Gontaut et son frère Armand, évêque de Sarlat, qui y ajoutent un logis Renaissance et une chapelle. L’un de leurs descendants, pourtant fils d’un compagnon d’armes d’Henri IV, complota contre le roi et finit donc sous la hache du bourreau. La famille perdit du même coup son titre ducal et ses revenus. Elle ne s’en relèvera qu’au début du XVIIIe. Pendant la Révolution, le propriétaire, Armand-Louis, croyant sauver sa tête, son nom et sa fortune se rallia aux idées nouvelles. Il en perdit les trois, victime des purges jacobines ; il avait pourtant donné des gages de bonne conduite sans-culotte en allant massacrer quelques Vendéens à Saumur et Parthenay. Néanmoins, le château resta dans la famille, en plus de l’actuel musée Rodin et de quantité d’autres demeures.

Le dernier propriétaire de la famille est un flambeur. Dans les années folles, il dilapide sa fortune aux courses et au jeu et vend le mobilier du château au fur et à mesure ce qui fait qu’aujourd’hui, Biron est vide, désespérément vide. Quand Biron voulut danser, le château en fut vidé ! Il appartient au Conseil Général depuis 1978 qui y effectue depuis de nombreux travaux.

Une fois cet historique achevé, allons visiter ledit château !

Biron 2De loin, il est très impressionnant. De près, il l’est encore plus. Pensez, il est construit sur trois niveaux : le village et la chapelle basse, la basse-cour et la chapelle haute (vous suivez ?), et enfin la cour haute.

C’est un très bon exemple d’architecture composite mais néanmoins harmonieuse, sa construction s’étalant sur sept siècles.

Biron cour hauteLa partie la plus ancienne est le donjon, datant du XIIe siècle, situé au haut de la butte. C’est une construction massive dont l’austérité n’a été altérée que par l’ajout d’ouvertures pendant la Renaissance et la période classique. Ce donjon forme l’un des bâtiments ceinturant la cour haute, aux côtés du logis Renaissance et de l’aile XVIIIe. Cette dernière présente un corps de logis élégant, dont le rez-de-chaussée est une immense et haute salle (peut-être 7 mètres de plafond !) et le sous-sol une cuisine tout aussi grande… mais qui n’a jamais servie. Une loggia à l’antique, grande ouverte sur une large terrasse d’où l’on embrasse tout le paysage environnant, forme le dernier côté de la cour. Le propriétaire de l’époque avait même le projet de relier cette terrasse au village par de gigantesques escaliers  (si vous avez bien suivis, nous sommes tout en haut, ils n’avaient pas froid aux yeux).

Biron - IntérieurEn descendant, ou en montant, tout dépend du sens de votre visite, vous empruntez un solide escalier fortifié pour atteindre la basse-cour, accueillante et herbue, ceinte de plusieurs bâtiments : écuries de l’époque classique, tour du XIIIe, chapelle… Et quelle chapelle ! Une église tant ses dimensions sont imposantes. Elle comporte deux étages – comme à la Sainte-Chapelle, ambitieux les deux frères Pons et Armand de Gontaut-Biron ! – le bas étant réservé aux villageois, le haut pour le château… et quatre chanoines, ce qui en fait une collégiale (assez rare pour une chapelle castrale). Il reste les gisants des bâtisseurs, les sculptures (une Pietà notamment) ayant été vendues aux américains au début du XXe siècle : on se console avec leur photos.

Biron - ChapelleLa visite est agréable, avec des explications concises mais précises ; on peut y passer du temps, flâner sur les terrasses ou admirer le paysage.

Honnêtement, le château est magnifique, plus par son architecture majestueuse et formidable que par sa décoration (ah ces salles vides !). Et il représente un superbe témoignage de l’histoire troublée de cette région.

J’y suis allé, j’y reviendrai.

Antoine Tarantino, marchand d’art ancien et expert en archéologie

Antoine Tarantino me reçoit dans sa galerie, à deux pas de Notre-Dame de Lorette. Les cratères grecs se mêlent aux dessins et peintures du XVIIe siècle et aux idoles babyloniennes pluri-millénaires. Tout est calme… et tout est beau !

Bonjour Antoine, comment devient-on marchand d’art, expert en archéologie ?

J’ai connu un parcours atypique, comme beaucoup de monde dans ce milieu-là. J’ai commencé ma carrière professionnelle comme… gendarme ! Après quelques années de service, j’ai préparé le concours d’officier et je logeais à l’époque près de l’Hôtel Drouot. J’ai commencé à fréquenter les ventes aux enchères. Par hasard, je rencontrai Jacques Charles-Gaffiot, qui m’a proposé d’être commissaire adjoint d’une exposition sur le destin des collections royales. J’ai accepté, démissionné de l’armée et c’est parti. C’est un peu fou ! Je n’avais aucune formation académique, seulement une passion. C’était en 1989. Par la suite, j’ai suivi l’Ecole du Louvre et travaillé en tant que salarié pour plusieurs grands marchands : Jacques Fischer et Jean-Philippe de Serres notamment. C’est là que j’ai appris le métier et que j’ai été nommé expert.

Expert ?

Delino - Trinité des Monts

Dessin original de Simone Felice Delino pour le décor éphémère de la Trinité des Monts à Rome à
l’occasion de la guérison de Louis XIV en 1687

C’est un titre de reconnaissance de « la profession » (et non un diplôme), accordé par cooptation par nos instances représentatives (syndicat professionnel). On pourrait s’auto-nommer expert, mais sans aucune crédibilité. Il y a une condition : on ne peut pas être expert dans deux domaines. Je suis donc expert en archéologie depuis 2003. Nous sommes peu nombreux ; par exemple, je fais partie d’une association internationale (International Association of Dealers in Ancien Art) où nous sommes 35… dans le monde !

Et actuellement ?

J’exerce deux activités : j’ai créé ma propre galerie en 2006. Je suis marchand spécialisé en archéologie, en dessins et tableaux anciens, particulièrement d’artistes italiens, ou français influencés par les italiens.

Cette double « casquette » est un peu atypique et gêne certains clients qui ne conçoivent pas que l’on peut avoir une bonne connaissance dans deux domaines. Les gens attendent une spécialité. Et pourtant les peintres et dessinateurs du XVIIe étaient d’excellents connaisseurs de l’antiquité ! Il y a une « filiation d’intérêt ». Ce n’est pas du tout illogique.

Pour l’archéologie, je m’intéresse surtout au pourtour méditerranéen (Mésopotamie, Egypte, Grèce, Rome), beaucoup moins à l’archéologie chinoise ou celtique.

Par ailleurs, je suis expert en archéologie. Plusieurs études de commissaires-priseurs font appel à moi pour authentifier tel ou tel objet.

Comment faire pour bien acheter ?

Galerie TarantinoC’est très simple… J’achète ce qui est beau et ce qui me touche ! J’ai besoin d’aimer un objet pour pouvoir l’acheter et le vendre. Il doit être authentique, beau, en bon état de conservation et de provenance sûre. Ce dernier point est indispensable, surtout en archéologie. Je suis très rigoureux sur la qualité des objets. Avec l’expérience, j’ai appris à reconnaître un vrai d’un faux. C’est plus difficile qu’en fouille car l’objet est hors contexte. Le matériau, l’usure, la technique, le style… constituent un faisceau d’arguments me permettant d’authentifier l’objet. S’il est faux, je le mets à la poubelle, cela m’est arrivé, heureusement rarement. Quand on ne croule pas sous l’or, et bien on achète avec plus de discernement, chaque achat est mûrement réfléchi ! J’achète principalement à des confrères – j’ai un réseau de partenaires fidèles et sûrs – à des particuliers, plus rarement en salle de vente.

Et les clients ?

Antoine TarantinoIls viennent du monde entier : France, Allemagne, Chine, Etats-Unis… C’est un marché mondial. Mes clients sont soit des marchands qui cherchent des pièces pour leur propre clientèle, soit des personnes à titre privé, collectionneurs ou non, soit des conservateurs de musée. J’ai travaillé récemment pour le Louvre, pour un musée de Los Angeles, pour le Musée de Besançon… En revanche, les liens avec les organismes culturels publics sont très minces : il y a un fossé entre le public et le privé. Tous mes clients ne sont pas des gens forcément très fortunés : je vends certains objets valent quelques centaines d’euros. Pour 500 euros, vous avez un petit vase grec du troisième siècle avant Jésus-Christ en excellent état !

Et comment se faire connaître ?

Je communique principalement par le bouche à oreille, par le réseau, par quelques salons (mais qui coûtent cher – Bruxelles, peut-être un jour le Salon du dessin ou Maastricht, le plus connu au monde) et par les expositions que j’organise dans la galerie. C’est un excellent moyen de promotion. Chaque exposition demande un temps important de préparation, mais cela contribue à diffuser notre travail et même à assurer une certaine notoriété dans le milieu de l’art ancien en obtenant de nouveaux contacts. Cela vaut le coup, même si les retombées financières ne sont pas immédiates. Le vernissage de la dernière exposition « Les fastes du pouvoir » a été une vraie réussite !

Et le collectionneur que vous étiez ?

Il n’existe plus vraiment ou du moins tel qu’il était. Depuis la création de ma galerie, je ne collectionne plus car je ne veux pas que les gens imaginent que je garde le meilleur pour moi. Désormais je collectionne pour la galerie et ce avec le même plaisir et la même passion. Evidemment, il y a des pièces que j’aurai aimé garder. Mais, il faut bien faire vivre ma famille et cette dernière est plus importante à mes yeux que le plus bel objet du monde.

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier ?

Galerie Tarantino 3La recherche, vraiment ! C’est une vraie enquête policière (ou de gendarmerie !) : authentifier un objet, retracer son histoire, retrouver les esquisses, c’est passionnant. Par exemple, je viens d’authentifier un dessin de Donato Creti et de trouver la fresque dont c’était l’esquisse. J’ai en ce moment, un merveilleux tableau qui me résiste depuis 4 ans !

Honnêtement, ce n’est pas un métier facile et on ne connait pas la sécurité de l’emploi : le risque est important, 99% des habitants de notre pays ne s’intéressent pas aux objets que je vends… ! Je ne dors pas toutes les nuits car il y a parfois une pression énorme lorsqu’on ne vend rien pendant trois mois mais je ne le regrette pas ! Il faut de la passion et de la patience. J’ai trouvé, par miracle, le métier sur mesure qui me convenait et suis conscient de la chance que cela représente !

 

Merci beaucoup Antoine !

www.galerietarantino.com

38 rue Saint-Georges, 75009 Paris

Henri Charlier, peintre et sculpteur de l’absolu [addendum du 22 septembre 2014]

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Désolé, le sujet est si vaste que je vais laisser certains lecteurs sur leur faim. Je pourrai prolonger cet article un jour ou l’autre, notamment sur son style et son influence.

Il s’appelle Charlier, Henri de son prénom. Ne le confondez pas avec Jean-Michel Charlier, le fameux auteur de bandes-dessinées, notamment Buck Danny, Blueberry, la patrouille des Castors, Barbe-rouge, Tanguy et Laverdure.

Charlier 2Toujours est-il que le Charlier prénommé Henri est né à Paris en 1883 d’un père violemment athée ; il n’est donc pas baptisé, ce qui en étonnera plus d’un plus tard, moi le premier ! Très jeune, il s’intéresse à l’art : peinture (notamment Puvis de Chavannes), mais aussi musique (il joue du piano). A dix-neuf ans, il entre dans l’atelier de Jean-Paul Laurens où il ne reste qu’un an, mais cette expérience lui confirmera sa vocation d’artiste. Il travaille à Paris où il installe son atelier, côtoie Rodin, Matisse, Bourdelle (quand même !). Il admire son premier Gauguin en 1910 et en sera marqué à vie ; l’année d’après, il expose pour la première fois, au Salon des artistes indépendants. Deux ans plus tard, après une longue période de réflexion, il se fait baptiser, se marie et se met à fréquenter les écrivains catholiques, en particulier Maritain, Péguy et Psichari. C’est à cette époque qu’il demande l’oblature bénédictine et visite le Mesnil Saint-Loup, prieuré olivétain situé dans l’Aube. Engagé en tant qu’infirmier pendant la guerre, alors qu’il est réformé, il profite de ses permissions pour sculpter. Désormais, il sera davantage sculpteur que peintre.

Charlier - ViergeEn 1925, il se retire avec son épouse au Mesnil-Saint-Loup où il passera le reste de sa vie. Il y ouvre un atelier de sculpture, peinture, vitrail, broderie (si, si). Il crée même un orchestre pour les habitants ! Il donne également des conférences de philosophie de l’art et d’esthétique, il organise des concerts… C’est lui qui sculpte la croix de la tombe de Péguy, plusieurs monuments aux morts et des chapiteaux (église de Prunay-Belleville). Pendant l’exode, il se réfugie en Auvergne et continue à sculpter : il entame la décoration de l’église de la Bourboule (chapiteaux, tympan, autel, statues). Après-guerre et de retour au Mesnil, il continue à travailler sur des projets variés, y compris l’écriture d’un ouvrage sur Jean-Philippe Rameau, un sur Couperin, un sur le chant grégorien, un autre sur la réforme de l’enseignement et surtout son maître ouvrage L’Art et la pensée. Il meurt le 24 décembre 1975, quatre ans après son jeune frère André, enseignant, directeur d’école, écrivain et musicien.

Charlier - Chaste SuzanneComme vous pouvez le constater, son œuvre est immense : en effet, il est sculpteur, peintre, écrivain, philosophe… On compte plus d’une centaine de sculptures individuelles, de grands ensembles (maîtres-autels, bas-reliefs..), des gisants… : le catalogue fait 32 pages ! Mais aussi, de nombreuses peintures et dessins, moins connus et tout aussi magnifiques. Sans oublier 14 livres publiés, des dizaines et des dizaines d’articles, notamment dans Itinéraires sous la signature de Minimus (lui, le grand !). C’est un artiste complet qui allie œuvre des mains et œuvre de l’esprit. Peut-on les dissocier d’ailleurs, tant elles sont imbriquées ? Artiste et penseur chrétien, il faut lire et relire ses textes lumineux, aussi pénétrants en théologie qu’en histoire de l’art, saupoudré d’une culture artistique immense et d’une sensibilité sans égale. Artiste bien de son temps, il est influencé par son époque (Puvis, Gauguin…) mais n’oublie pas l’héritage de la sculpture médiévale et des primitifs français : il suffit de voir « ses » visages pour s’en convaincre. Il voit l’art comme une composante indispensable de toute société qui lui permet de s’ouvrir à la transcendance. Comme il l’écrit : « Le beau est une valeur morale indispensable à la société. L’amour est fait de beau et de bon, et c’est cela le vrai : l’amour du beau et du bon. L’œuvre de l’intelligence est de scruter l’œuvre de l’amour divin sans oublier jamais cet amour fondement et aboutissant de toute la création.»

Maintenant, place aux oeuvres, le choix a été très difficile !

Charlier - Notre-Dame de l'Annonciation Henri Charlier 3 Henri Charlier 1  Henri Charlier - Notre-Dame de lumière  Henri Charlier - Christ

Addendum du 22 septembre 2014 : une fidèle lectrice me communique l’information suivante.

« Nous sommes allés visiter l’église du Saint-Esprit, avenue Daumesnil (XIIe arrondissement), où je n’étais jamais rentrée car le style bain-douche, d’extérieur, n’est pas forcément séduisant. Bref tout ça pour dire que c’est une belle surprise, et qu’on y trouve une fresque … d’Henri Charlier !! Superbe, il faut la voir en vrai !
Il y aussi des oeuvres de Maurice Denis (note d’Artetvia)

Dinkelsbühl, en Franconie

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Dinkelsbühl, pépite de Franconie

De temps en temps, osons sortir des frontières de l’Hexagone et constater qu’il y a aussi de belles choses ailleurs ! Qui en douterait ? Il y a quelques mois, nous sommes partis à la découverte du Val d’Orcia et de Sienne, en Italie (sans blague) ; aujourd’hui, je vous propose l’Allemagne. Plus précisément la Franconie, qui comme chacun sait, est une des principales régions de Bavière (représentant deux cinquième de la superficie du land tout de même) située au nord du territoire le plus puissant d’Allemagne. Pour vous donner une idée, les villes les plus importantes de ce duché pluri-millénaire sont Nuremberg, Wurtzbourg, Bayreuth…

Intéressons-nous à une petite ville, jouxtant la Souabe (Bade-Würtemberg), mais très attachée à ses racines bavaroises. C’est une pépite : elle s’appelle Dinkelsbühl.

Dinkelsbühl - Vue aérienneAu premier abord, ce qui frappe le visiteur est que la ville ancienne est enserrée dans une enceinte, renforcée à intervalle régulier par des tours. Il y en a une bonne vingtaine, chacune ayant un nom et une histoire. Les plus anciennes datent du XIVe siècle et ont une fonction militaire évidente. Les plus récentes ont une fonction à la fois militaire, symbolique (c’est une ville libre, il faut que cela se voie) et décorative, notamment les portes parsemant le mur et qu’il faut toujours franchir pour entrer dans la vieille cité. Un agréable et ombragé chemin suivant le tracé des anciennes douves permet de se promener en bas du rempart et d’observer ces différentes tours dont la diversité d’architecture atténue le côté un peu « carton-pâte » de la ville : nous ne sommes pas dans une reconstitution mais bel et bien dans une ville historique qui a vécu une histoire mouvementée. Cette ancienne ville libre a notamment été assiégée par les troupes suédoises pendant la guerre de trente ans : les habitants sont exténués et la capitulation proche. La légende dit alors que des enfants, conduits par la fille d’un gardien de porte, viennent implorer la grâce des troupes suédoises, grâce qui leur sera accordée. Cet événement est fêté chaque année par une reconstitution interprétée par la population.Dinkelsbühl 2

Dinkelsbühl 1A l’intérieur, que peut-on admirer ? Un bourg de la Renaissance et du XVIIe siècle. Les grandes et hautes maisons s’alignent sagement le long des rues pavées. Tout est propre (nous ne sommes pas en Allemagne pour rien), les commerces désireux de s’installer ici n’ont d’autre choix que de jeter aux orties leurs néons blafards et leurs enseignes criardes ; elles voient leur nom s’afficher en lettres gothiques (ou pseudo-gothiques diront les puristes) sur une façade préservée. Moralité, les inconvénients d’un tourisme de masse se font moins sentir sur la qualité du bâti et la « pollution visuelle » est absente.

Promenez-vous le long des rues et ruelles parfois tortueuses ; observez que, contrairement à des villes vraiment médiévales, ici, il y a de l’espace, les maisons ont des jardinets (parsemés de nains ?), les rues principales sont assez larges. Admirez l’église Saint-Georges (qui n’est absolument pas une cathédrale comme dit wikipédia, la ville n’ayant jamais été le siège d’un diocèse), une grande église-halle en excellent état assez impressionnante et particulièrement grande au vu de la taille de la ville. Quasiment en face, observez la maison des comtes, immense et majestueuse, avec une charpente imposante. Le couvent des carmélites, désaffecté au début du XIXe siècle et donné aux luthériens, ce qui nous rappelle qu’ici près de la moitié de la population est protestante – nous sommes très au nord de la Bavière. Etc, etc…

Dinkelsbühl 3Profitez de cette belle étape de la route romantique, route qui traverse la Bavière et visiblement très connue en Allemagne, créée dans l’immédiat après-guerre pour attirer les touristes vers les lieux les plus emblématiques de Bavière. J’avoue que l’itinéraire est un peu artificiel, reliant Neuschwanstein (authentiquement « romantique ») à Bad Mergentheim, siège des grands maîtres de l’Ordre Teutonique ou la très baroque résidence de Wurtzbourg…

C’est beau, j’y suis allé, j’y reviendrai !