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Archives de Tag: Compositeur

Michel-Richard Delalande, la musique au service du Roi Soleil

20 jeudi Oct 2016

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, Versailles, XVIIe

Une nouvelle fois, j’ai la joie de laisser la plume à Jean-Baptiste Champion, marchand d’art de son état, mais également fin musicien. Il va nous parler aujourd’hui de Michel-Richard Delalande, l’un des plus grands compositeurs du Grand Siècle !

Il existe des artistes géniaux adulés en leur temps et toujours admirés de nos jours. Il y a ceux qui étaient peu connus à leur époque mais dont le génie a été reconnu avec le temps et qui prennent leur revanche aujourd’hui. Et puis, il y a ceux qui furent grands, qui occupèrent de hautes fonctions, qui furent même pour certains couverts de gloire, mais qui étonnamment tombèrent ensuite dans l’oubli… Michel-Richard Delalande (ou de Lalande) fait partie de cette dernière catégorie, malheureusement.

Michel-Richard Delalande

Michel-Richard Delalande

Aujourd’hui, le monde entier connait Jean-Baptiste Lully, l’associant à juste titre de manière instantanée à Louis XIV… mais oubliant au passage que le compositeur d’origine florentine mourut en 1687, 28 ans avant la disparition du grand roi. Il s’en passe des choses en 28 ans, surtout sous un roi qui ne peut se passer de musique…

Né en 1657 à Paris, Delalande était prédestiné à la musique. Enfant de choeur à l’église royale de Saint-Germain-l’Auxerrois (où il côtoie notamment le grand Marin Marais), Michel-Richard intègre rapidement la maîtrise de cette église, n’hésitant pas, par ailleurs, à apprendre seul à jouer de plusieurs instruments. Ambitieux, le jeune homme se présente dès l’âge de vingt ans comme violoniste de l’Académie royale de musique, puis comme organiste de la Chapelle royale. Il est recalé. Il devient alors organiste à l’église Saint-Louis des Jésuites (l’actuelle église Saint-Paul-Saint-Louis – note d’HV) dans le Marais (un très beau poste pour un musicien de son âge), puis à Saint-Gervais où il assure une sorte d’intérim pendant six ans, en attendant que François Couperin soit en âge de succéder à son père. Il commence alors à être connu et obtient le poste de maître de musique des filles légitimées de Louis XIV, franchissant de cette manière un premier pas dans le monde de la Cour.

Jean-Baptiste Lully

Jean-Baptiste Lully

1683 est la date charnière de la vie de Delalande. Louis XIV, nouvellement installé dans son château de Versailles, souhaite renouveler l’équipe des sous-maîtres de la Chapelle royale. Un grand concours est lancé, auquel participeront les plus grands compositeurs du temps, venus parfois même de l’étranger. Michel-Richard, 26 ans, est sur les rangs parmi les trente-cinq participants ! Il réussit la première épreuve au terme de laquelle ils ne sont plus que seize (dont Marc-Antoine Charpentier) face à un impressionnant jury, dont le roi, le dauphin, Lully, Bossuet, etc. C’est ici que Charpentier, malade, abandonne. C’est sans doute la chance de Delalande. Au terme de cette seconde épreuve, il a l’insigne honneur d’entendre son nom prononcé de la bouche même de Louis XIV. Il est le choix personnel du roi.

Paris - Eglise Saint-Gervais

Paris – Eglise Saint-Gervais

A partir de cette date, Delalande va avoir la carrière musicale officielle la plus brillante qu’aucun compositeur français n’a jamais eue. N’étant au départ qu’un des quatre sous-maîtres de la Chapelle, il devient très vite également compositeur de la musique de la Chambre (1685), puis Surintendant de la Musique du Roy à la suite de Lully (1689), puis Maître de la musique de la Chambre (1695), récupérant au passage la totalité des quartiers que possédaient les autres compositeurs à la Chapelle et à la Chambre. A la fin du règne de Louis XIV, il possède donc la totalité des charges de compositeur à la cour. Il est alors plus puissant que Lully lui-même ne l’a jamais été. Sous Louis XV, il délaissera peu à peu ces différents postes, conservant tout de même trois quartiers à la Chapelle royale jusqu’en 1723. Le jeune roi le fera chevalier de Saint-Michel et lui confiera la direction des cérémonies lors de son sacre à Reims. Delalande meurt à Versailles en 1726. On ne mesure pas encore très bien l’impact qu’il eu sur son temps et l’importante influence qu’il exerça sur de grands compositeurs comme Haëndel, Bach, etc.

Louis XIV

Louis XIV

On lui doit plus de 70 grands motets, une vingtaine de ballets, plusieurs Leçons de Ténèbres, une messe en plain-chant et bien-sûr l’énorme corpus des Symphonies pour les soupers du roi.

Voici le splendide Super flumina Babylonis composé pour la Chapelle

Le touchant Caprice que le roi demandait souvent

(Et je me permets d’ajouter un magnifique grand motet de Delalande, que j’ai eu la chance de chanter avec Henri de Villiers

Ainsi qu’un extrait des Symphonies pour les soupers du Roi

Découvrons Reynaldo Hahn, avec l’aide éclairée de Nicolas Vardon

21 jeudi Jan 2016

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, XXe

Aujourd’hui, j’ai la joie d’accueillir Nicolas Vardon qui va nous parler de Reynaldo Hahn (1874-1947). Nicolas est professeur agrégé de musique à Saint-Jean-de-Passy. Il est l’auteur de travaux reconnus sur ce compositeur.

Bonjour Nicolas, Reynaldo Hahn est assez peu connu, quelques-unes de ses œuvres – beaucoup plus nombreuses qu’on ne le croit- sont diffusées sur les radios dites classiques, mais ne laissent pas toujours un souvenir impérissable. Et on ne pense pas toujours que Ciboulette («  Nous avons fait un beau voyââge… ») est de lui. Peux-tu nous brosser en quelques traits le portrait de ce compositeur ?

Reynaldo Hahn a une personnalité très intéressante et une œuvre aussi riche que méconnue. D’abord, le fait de n’être pas né Français a eu de grandes répercussions sur sa vie et son œuvre. Il est né à Caracas, au Venezuela, d’un diplomate juif hollandais et d’une mère vénézuélienne. A l’âge de cinq ans, il débarque à Paris, mais n’obtient la nationalité française qu’en 1912. Il s’attachera donc toute sa vie à être plus « français » que beaucoup de Français, y compris en demandant sa mobilisation, à 40 ans passés, pour aller se battre sur le front pendant la première guerre mondiale.

Ensuite, c’est un personnage qui, toute sa vie, a baigné dans la « haute société » française, et ce dès le plus jeune âge. Sa famille habite rue du Cirque, à deux pas de l’Elysée, dans un grand appartement et, encore enfant, il joue du piano dans les salons mondains de l’époque. Il va ainsi côtoyer quantité d’artistes et d’intellectuels : écrivains (Leconte de Lisle, Henri de Régnier, José-Maria de Heredia, Marcel Proust) peintres, ambassadeurs, académiciens et se créer ainsi ce que nous appellerions maintenant un grand réseau de relations.

Enfin, ce qui caractérise le personnage, et qui influence profondément son œuvre, c’est l’attrait de la littérature. Reynaldo Hahn est un compositeur du verbe. N’oublions pas qu’il a été pendant longtemps critique musical, à la plume parfois acerbe. Il est aussi l’auteur de carnets, aux aphorismes ciselés. On ne peut pas comprendre sa musique si on n’a pas cela à l’esprit : c’est un homme de lettres !

J’ajouterai également qu’Hahn possède un esprit classique, dans sa vie, comme dans ses œuvres. Alors qu’il vivait à une époque post-romantique où Wagner était très couru et les roucoulades des grandes cantatrices très appréciées, il préfère la retenue, la simplicité, et non l’emphase. Il aime Rameau (pourtant peu à la mode). Il est à l’inverse de l’image qu’il peut donner, celui d’un dandy à la Robert de Montesquiou.

Et ses compositions principales reflètent-elles cette personnalité ?

Reynaldo HahnIndéniablement ! Il est surtout connu pour ses mélodies accompagnées au piano, à partir de textes littéraires. A 16 ans, il met en musique des poèmes de Verlaine. En les écoutant, le vieux Verlaine en en aurait eu les larmes aux yeux. Reynaldo Hahn n’était pas forcément un pianiste virtuose, mais il a utilisé toutes les possibilités de l’instrument en tant qu’accompagnement d’une mélodie. Pour lui, la mélodie et la phrase musicale sont tout ; il travaille moins sur l’harmonie ou l’orchestration par exemple. Son esprit classique lui faisait détester la musique américaine qui commençait à arriver à Paris, faite de syncopes et de rythmes sans âme, de même que le vibrato des cantatrices d’opéra.

Dans les années 1920, il a commencé à écrire des opérettes – la plus connue étant Ciboulette. Il a également composé un opéra, à partir du Marchand de Venise de Shakespeare. Dans les années 1930, il a surtout écrit des critiques musicales et moins composé. Il faut dire qu’une époque était révolue et qu’un monde avait disparu. Ses maîtres et nombre de ses amis sont morts : Camille Saint-Saëns, Marcel Proust, Maurice Barrès, Anatole France… Heredia, Huysmans et Gounod les ont précédés. Il écrit alors dans le Figaro, avec une plume parfois acérée.

C’était un homme exigeant ?

Sur le plan artistique, clairement oui. C’était un travailleur perfectionniste qui n’admettait pas la médiocrité. Il refusait ce que nous nommerions « la starification » des chanteurs qui était pour lui un artifice : l’essentiel est la musique, et la rigueur permet de s’y concentrer, sans avoir à faire de l’esbroufe. Bien faire les choses, simplement, ce qui est loin d’être… le plus simple. Son écriture n’est pas forcément insurmontable techniquement, mais elle requiert une sensibilité importante, et une compréhension fine du texte De même, il préférait les voix moyennes (mezzo et baryton, donc pas de basse profonde russe, ni de ténor italien), qui permettaient de faire ressortir la mélodie et le texte avant tout.

Et finalement, Hahn était-il vraiment le modèle de Vinteuil dans la Recherche ?

Justement non, il était l’opposé de Vinteuil. La personne et l’œuvre d’Hahn ne correspondent pas du tout aux personnages de la Recherche, assez décadents, dans un monde qui s’achève et il faut le dire assez dépourvus de profondeur. Il y avait une réelle opposition esthétique entre Proust et Hahn.

Pour finir, quelles œuvres conseilles-tu d’écouter ?

Celles-ci !

 Un extrait d’un concerto retrouvé dans les années 1990 à Caracas.

 Un extrait de son opérette Ciboulette.

Merci beaucoup Nicolas !

Joseph Canteloube, le compositeur du folklore

10 jeudi Déc 2015

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Auvergne, Compositeur, XXe

« Son nom chante comme sa musique » : c’est ainsi que le décrivait un personnage illustre (trouvez lequel – ceux qui me donnent la bonne réponse auront un cadeau de Noël, une orange ou une boîte de tripoux par exemple !) à propos de Joseph Canteloube.

Quand on s’appelle Canteloube, il est difficile d’imaginer une origine bretonne ou alsacienne. En effet, Joseph Canteloube est né en 1879 en Ardèche, d’une mère cévenole et pianiste et d’un père auvergnat et banquier.

Il commence la musique très jeune, formé au piano par une vieille dame, Amélie Doetzer qui dira-t-il avec imagination « avait été l’élève chérie – et même plus que cela – de Chopin ». A huit ans, il débute l’apprentissage du violon. Son bac en poche (à l’époque 1% d’une classe d’âge l’obtenait, chapeau l’artiste), il devient banquier, métier qu’il abandonne rapidement pour se consacrer à la musique. En 1901, il se marie et devient l’élève de Vincent d’Indy (1851-1931), d’abord par correspondance, puis à la Schola cantorum de Paris. Là, il se lie d’amitié avec Déodat de Séverac – qui fera, un jour, le sujet d’une notice sur Artetvia.

Ces premières œuvres sont tout à fait de son époque : une Suite pour piano et violon, un Colloque sentimental (tout un programme). Son premier poème symphonique, Vers la Princesse lointaine, est donné au Châtelet en 1912.

Joseph CanteloubeLes années 1920 voient l’éclosion de sa carrière de compositeur folkloriste – même s’il avait débuté la collecte de chants longtemps auparavant – avec ses célèbres Chants d‘Auvergne dont nous reparlerons. Il va tirer la pelote et produire un recueil de Chants de Haute-Auvergne, du Rouergue, du Limousin, du Quercy. Il écrit même une Pastorale roumaine.

Dans les années 30, il répond à la commande d’Etienne Clémentel, président socialiste de l’assemblée départementale du Puy-de-Dôme, en composant un Hymne des Gaules et un drame lyrique Vercingétorix.

Pendant la guerre, il produit des émissions radiophoniques de chants folkloriques et écrit dans l’Action Française, toujours sur ce thème. En 1949, il publie une Anthologie des chants populaires français. Il meurt en 1957. Voilà pour le personnage.

Si vous avez bien suivi, Joseph Canteloube est à la fois compositeur et folkloriste.

Folkloriste, car il a passé sa vie à recueillir des airs populaires et à les diffuser, de « manière scientifique » dirions-nous aujourd’hui. Comme le vous savez tous, c’est durant la première moitié du XXe siècle que le folklore a acquis ses lettres de noblesse, notamment avec les travaux d’Arnold van Gennep, que tout le monde a lu bien entendu, qui, plus qu’un simple objet de curiosité, y voit les derniers soubresauts d’une culture populaire, orale et souvent rurale, qui se meurt. Canteloube s’inscrit totalement dans ce contexte : collecter en masse, rapidement et intelligemment un patrimoine qui disparaît. L’exode rural a commencé et avec lui la perte de la culture rurale et l’uniformisation des modes de vie. Si son recueil de chants d’Auvergne est connu, il s’intéresse à nombre d’autres régions : Touraine, Angoumois, Pays basque, Languedoc, Béarn (il écrit même un chant béarnais pour scie musicale), Rouergue, Alsace, Canada…

Compositeur car il a allègrement puisé dans ce riche patrimoine la matière pour créer de nouvelles œuvres, puissantes et délicates. Qu’on ne s’attende pas à entendre résonner les vielles à roues, accordéons et autre cabrette (la cornemuse locale). Nous sommes loin de Malicorne ou de Tri-Yann : Canteloube, en bon bourgeois parisien, s’inspire du folklore et le classicise en harmonies délicatement ciselées. Certes, il porte l’étiquette de « régionaliste », mais elle n’est pas infâmante et il n’en reste pas moins un compositeur « académique », connu et reconnu à son époque. Par exemple, son premier opéra, Le Mas, est donné à Garnier en 1929 et ses partitions sont largement diffusées.

Une trentaine de ses Chants d’Auvergne ont été harmonisés pour orchestre et voix soliste. Ils ont été interprétés par les plus grandes cantatrices : Victoria de Los Angeles, Kiri Te Kanawa, Véronique Gens, Anne Sofie von Otter… Les mélodies sont simples, sans trop de mélismes et d’ornements, d’ambitus limité, souvent très proches de la « réalité ». En revanche, les accompagnements sont des créations de Canteloube. Et cela s’entend. Allons-y donc

 

Sa pièce la plus connue

 

 

Ce morceau date de 1946 – La même année que la première œuvre dodécaphoniste de Boulez.

Antonio Lotti vous parle

11 jeudi Juin 2015

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, Venise, XVIIIe

Je suis né en 1665, treize ans avant un autre Antonio, beaucoup plus connu que moi ; et comme lui, je suis Vénitien. En revanche, contrairement à Vivaldi – vous l’aurez deviné, c’est de lui qu’il s’agit – je ne suis ni prêtre, ni roux. Je suis mort un an avant lui : nous sommes donc contemporains. D’ailleurs, en écoutant ma musique, les ressemblances sont frappantes. Je m’appelle Antonio Lotti.

De par ma naissance, j’étais destiné à devenir un grand musicien : mon père, Matteo, est en effet maître de chapelle à Hanovre (chez les Protestants). C’est dire si j’ai baigné dans un milieu musical privilégié.

Antonio LottiJe rejoins Venise pour parfaire ma formation musicale, auprès de Giovanni Legrenzi. Je reste viscéralement attaché à la Sérénissime : pensez-donc, je vais demeurer au service de la cathédrale Saint-Marc pendant 53 ans. Je gravis les échelons de ce prestigieux centre de musique sacrée, en y occupant plusieurs fonctions : simple chanteur (en voix de contre-ténor), assistant du second organiste, second organiste, premier organiste, maître de chapelle intérimaire et enfin maître de chapelle en 1736.

Mes fonctions m’amènent bien naturellement à composer de la musique religieuse. Cela dit, aux débuts de ma longue carrière, je privilégie l’opéra et les cantates profanes, et ce, jusqu’à mon séjour de deux ans à Dresde (1717-1719) auprès de l’électeur de Saxe, durant lequel j’ai fait représenter quelques-unes de mes œuvres. A partir de 1720, je me consacre entièrement à la musique sacrée.

Justement, parlons-en ! Sept oratorios sont issus de mon imagination débordante, mais seulement deux sont arrivés jusqu’à vous. Mais, je suis surtout renommé pour la vingtaine de messes, le plus souvent des œuvres a cappella dans le plus pur style antico, celui hérité de mes prédécesseurs du XVIIe voire du XVIe siècle : Saint-Marc est irremplaçable mais pas forcément très novateur, en tous cas au XVIIIe siècle ! Outre les messes, j’aime composer des pièces liturgiques séparées, notamment des austères et parfois étranges Crucifixus, à 6, 8 ou 10 voix, extraits de Credo eux aussi disparus. Mes motets ont en revanche un style plus varié, certains sont franchement modernes, davantage classiques que baroques, il faut le reconnaître.

Quant à l’opéra, j’en ai composé une trentaine, notamment entre 1706 et 1717, période durant laquelle seize d’entre eux ont été mis en scène. Malheureusement, seuls huit ont subsisté intégralement. Il faut dire aussi qu’ils ont été largement oubliés et que leur redécouverte date d’il y a quelques années seulement.

Mon élève le plus connu, outre Jan Dismas Zelenka, est Benedetto Marcello, que vous connaissez sûrement pour son concerto pour hautbois ou pour son psaume 19 I Cieli immensi narrano (Caeli enarrant gloriam Dei). La légende dit aussi que j’ai influencé Bach. Sa messe sans doute apocryphe en sol majeur BWV Anh. 167 m’est ainsi parfois attribuée. Je ne sais pas qui doit s’en réjouir, lui ou moi ?

Maintenant, écoutons quelques-unes de mes œuvres.

Surtout au début et à 10’36. Là évidemment, nous sommes très loin de Monteverdi…

Beaucoup plus austère. A huit voix, un chanteur par voix !

De la polychoralie (ou polychoralité), en italien cori spezzatti (chœurs brisés), très en vogue dans la Péninsule. Par exemple, Charpentier a écrit une messe a quatre chœurs – ce fut une expérience très remarquée à la cour…

Le compositeur méconnu du mois : Jacques de la Presle (1888-1969) – Un concert à venir [addendum du 26 mars].

12 jeudi Mar 2015

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, XXe

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous faire partager un article écrit par Sébastien Cochelin, dont Artetvia s’est déjà fait l’écho des concerts de musique vocale, notamment de la musique romantique et de la musique française du début du XXe siècle. Sébastien nous présente Jacques de la Presle, compositeur malheureusement méconnu et pourtant fort intéressant.

Jacques de la Presle est né à Versailles le 5 juillet 1888. Très jeune, il décroche la place de titulaire des grandes orgues de l’église Notre-Dame de Versailles et garde ce poste jusqu’en 1920. Cette même année, il reçoit le second prix de Rome pour sa cantate Don Juan et décroche le grand prix l’année suivante avec Hermione, une autre cantate. Il séjourne à la villa Médicis et enseigne l’harmonie au Conservatoire de Paris (entre 1937 et 1958). Il est également directeur artistique de Radio-Paris à partir de 1930, de la Radiodiffusion jusqu’en 1943. Avec ses pièces d’orgues, ses nombreuses mélodies pour voix, ses œuvres pour piano, sans oublier sa musique de chambre et ses œuvres orchestrales, Jacques de la Presle est un musicien et compositeur complet. Il meurt à Paris en 1969.

Jacques de la PresleMais le temps a été injuste, car les compositions de Jacques de la Presle semblent tomber dans l’oubli. Une amie pianiste m’a fait connaître cet artiste, me permettant de rencontrer la petite fille du compositeur, Alix de la Presle qui gardait précieusement les partitions de son grand-père. Mais quelle joie du coup et quelle surprise de découvrir autant de maîtrise dans les partitions reçues. Entre Ravel, Fauré et Debussy, le raffinement semble la règle principale : des structures rythmiques très régulières qui permettent des modulations harmoniques audacieuses tout en berçant l’oreille sans heurt, une grande régularité dans la qualité des pages, bref un trésor inépuisable !

Mais l’intérêt de Jacques de la Presle réside aussi, surtout, dans ses qualités littéraires. Comme Schumann pour les poètes romantiques allemands, il éprouve le même rapport amoureux à la poésie française de son temps. Nombre de grands poètes sont ainsi mis en musique, avec une lecture particulièrement pénétrante. Jacques de la Presle au fond de lui est un mystique et un amoureux, il reprend la Prière de Francis Jammes (1868-1938) et les Heures d’Emile Verhaeren (1855-1916) pour en faire de grandes odes à l’amour.

Chaque heure, où je songe à ta bonté

Si simplement profonde,

Je me confonds en prières vers toi.

 

Je suis venu si tard

Vers la douceur de ton regard,

Et de si loin vers tes deux mains tendues,

Tranquillement, par à travers les étendues! (Heure claire)

 

Ainsi au fil des partitions se dessinent une vision de la religion qui se veut aérienne et paisible, et le visage de sa femme qu’il célèbre avec une tendresse sans égal. C’est une musique qui prend le « je » des poètes pour se l’approprier.

Un grand regret : il existe très peu d’enregistrements de Jacques de la Presle. Les éditions sortent au compte-gouttes. Nous pouvons néanmoins profiter de ce formidable morceau pour harpe : le Jardin Mouillé.

A noter que Sébastien aura la joie de vous proposer à côté de Fauré, Ravel, Duparc… 4 morceaux de Jacques de la Presle :

  • Le cycle Les heures (3 mélodies), d’après des textes d’Emile Verhaeren : une méditation sur l’amour, rythmé au cours d’une journée, les heures, faisant bien entendu références au bréviaire. On peut y lire un discours mystique doublé d’un discours amoureux.
  • Le Vent, du même Verhaeren : sur le thème du vent, Jacques de la Presle déploie ici un grand tableau impressionniste sur la nature sauvage. Un chef-d’oeuvre de l’époque.

Cela se passe le 29 mars à 16h, espace Brémontier.

ERRATUM du 26 mars : le concert est en fait reporté au mois de septembre. Nous vous tiendrons au courant !

Cochelin - Jacques de la Presle

Salomone Rossi : la musique à Mantoue à la fin de la Renaissance

15 jeudi Jan 2015

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, Italie, XVIe, XVIIe

Ecoutez cet extrait :

En quelle langue est chantée cette belle pièce ?

C’est de l’hébreu ! Les chanteurs interprètent le psaume 137 Al Naharot Bavel autrement dit Super flumina Babylonis ou… By the river of Babylon. Ce petit bijou a été écrit par Salomone Rossi.

Hé oui, Salomone Rossi, compositeur lombard de la Renaissance, est juif. Et chose plus remarquable encore, il a écrit une partie de ses œuvres en hébreu.

Il est né en 1570 à Mantoue, d’une très vieille famille de la péninsule italienne. Mantoue accueillait alors une forte communauté juive (plus de 2 000 membres, 9 synagogues) qui s’épanouissait tranquillement dans le quartier qui leur était réservé. Très jeune, il a appris le violon ; ses talents furent rapidement remarqués par la cour ducale qui résidait dans le palais où un siècle avant, Mantegna a peint la fameuse Chambre des époux que tout le monde connait (bien entendu). En 1587, il est engagé comme musicien et chanteur par Vincent Ier (Vincenzo) de Gonzague, duc de Mantoue. Les contrats retrouvés montrent qu’il a d’abord été embauché comme choriste, puis comme violiste et enfin comme compositeur. Ayant les faveurs de la cour, il passa toute sa carrière à Mantoue et les dernières informations que l’on ait sur lui datent de 1628. On sait peu de choses sur sa mort qui survint sans doute vers 1630, de la main armée de la soldatesque autrichienne envahissant la ville, ou bien de la peste concomitante.

Salomone RossiLa renommée de Rossi est notamment due à ses compositions en hébreu, cas quasi unique à cette époque, le chant synagogal n’épousant pas les formes musicales alors en vogue. Il appartenait à un courant minoritaire qui prônait l’introduction de la musique occidentale (mesurée, polyphonique et accompagnée par des instruments) dans les synagogues. Très révolutionnaire en cela, son œuvre a suscité la perplexité ou le rejet de bon nombre de ses coreligionnaires à tel point que les offices étaient interrompus par les clameurs des opposants. Ses pièces synagogales n’ont été à nouveau publiées qu’en 1876 ! L’impression de sa musique a d’ailleurs posé problème, vu que l’hébreu s’écrit de droite à gauche… Les quelques 35 pièces sacrées s’appuient sur des textes tirés de l’écriture – de l’Ancien Testament (sans blague) – ou de compositions religieuses personnelles, harmonisées pour 3 à 8 voix. Le style est plutôt sage, les harmonies classiques dans le monde catholique de son temps. Le texte est aisément audible et l’accompagnement instrumental léger (luth, cornet à bouquin, flûte…). Et pourtant, dans sa communauté – qu’il ne reniait pas du tout – Rossi a été un grand incompris.

Ces œuvres sacrées forment un peu l’arbre qui cache la forêt : Salomone Rossi a en effet écrit plus de 150 pièces profanes, très riches musicalement et parfois d’une grande virtuosité. De son vivant, Rossi était très connu pour son jeu de violon, particulièrement brillant ; il est le premier compositeur à écrire des sonates en trio, forme qui sera souvent reprise par la suite, notamment en Italie. Il a aussi écrit quantité de madrigaux, canzonette et autres gaillardes ainsi qu’un drame musical « Maddalena », malheureusement disparu. Le style de Rossi est caractéristique de son époque : de la même génération que Monteverdi, il est à la charnière entre la musique de la toute fin de la Renaissance et le début de la période baroque.

Quelques autres extraits de son œuvre :

Superbe n’est-ce pas ?

Une danse typique de la (fin de la) Renaissance.

Un autre exemple de musique de cour très en vogue au tout début du XVIIe siècle.

Lili Boulanger, un éclair musical

23 jeudi Oct 2014

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, XXe

Hé non, malgré son (sur)nom, elle n’est pas la camarade de jeu de Lulu la Nantaise ou Pamela Boum-boum, danseuse légère aux Folies Bergère dans les années 30 ou taulière d’un bar louche en Indochine ! Lili Boulanger est musicienne et compositeur. D’une carrière aussi brillante que courte !

Lili BoulangerLa musique ? Elle est y tombée à la naissance. Un père compositeur et chanteur, une mère cantatrice et une grande sœur musicienne : avec cette hérédité, soit on tourne totalement le dos à la musique en réaction, soit on devient un génie. Juliette-Marie fait le deuxième choix. De santé fragile, on dit qu’elle sut déchiffrer une partition avant de savoir lire. Ses premiers cours de piano lui sont donnés par sa sœur Nadia et un ami de la famille, un certain Gabriel Fauré. A six ans, elle chante déjà des mélodies, accompagnée par le compositeur. Elle apprend aussi à jouer du violon, du violoncelle et de la harpe. Mais elle décide de se consacrer à l’écriture. Pendant plusieurs années (1909-1912 ?), elle se forme à la composition au Conservatoire de Paris, entrecoupées d’arrêts dus à sa maladie. En 1913, elle remporte le prix de Rome en composition – première femme à recevoir cette distinction – pour sa cantate Faust et Hélène. En 1914, elle s’installe à la Villa Médicis, la quitte pour cause de guerre, comme tous les artistes y résidant, puis à Nice où elle continue à composer. Elle revient à Rome en 1916 mais sa santé se dégrade et rentre alors en région parisienne où elle meurt en 1918, à l’âge de 24 ans. Elle venait de dicter à sa sœur sur son lit de mort son ultime œuvre un Pie Jesu pour voix, cordes, harpe et orgue.

On compte une soixantaine d’œuvre de sa main (celles antérieures à 1911 ont été détruites par Lili elle-même), dont certaines inachevées. Par exemple : Ave Maria, pour voix et orgue (1908), Soleils de septembre, pour chœur et piano (1912), Faust et Hélène, cantate (1913), Dans l’immense tristesse, pour chant et piano (1916)…

Ses compositions abordent la musique sacrée, les pièces orchestrales ou vocales profanes. Son style est très « français » du début du siècle (sans blague !), fortement influencé par Fauré. C’est une musique délicate, émouvante et colorée. Les thèmes qui l’ont inspirée sont essentiellement bibliques ou mystiques. Dommage qu’elle ait vécu si peu de temps : en même temps, le génie n’attend pas et la maladie est une source créatrice exceptionnelle. Consciente de sa fragilité physique, Lili Boulanger composera avec frénésie.

J’ai eu personnellement le plaisir de chanter « Pour les Funérailles d’un soldat » : honnêtement, la musique de Lili et le texte de Musset se marient à merveille, c’est grave et puissant et en même temps magnifique. A déguster !

Peut-être sa pièce la plus connue.

D’un soir triste

 De Profundis

 Pour les funérailles d’un soldat – Enregistrement de mauvaise qualité hélas.

Guillaume Bouzignac, un génie du début du baroque français

27 jeudi Mar 2014

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, France, XVIIe

La dernière notule d’Artetvia sur un compositeur date de mi-janvier : il s’agissait de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville. Il est largement temps de nous intéresser à un autre compositeur. Remontons les années et faisons plus ample connaissance avec Guillaume Bouzignac.

On sait peu de choses sur lui.

Il est né en Languedoc vers les années 1587. Enfant de chœur (au sens propre, il chante !) à la cathédrale Saint-Just à Narbonne qu’il quitte à 17 ans (quand Moulinié y entre, hé oui, tout ce petit monde fréquente les mêmes endroits), il embrasse très tôt la profession de maître de musique, avec une propension à changer régulièrement de lieu de résidence et d’employeur : Narbonne, Angoulême, Grenoble (à la collégiale Saint-André, qui pour l’anecdote, recueille la dépouille de Bayard). En 1624, il est maître de musique de la cathédrale de Bourges (où il est ordonné prêtre), puis de celle de Rodez. On pense qu’il a également exercé à Tours, voire à Carcassonne et Paris. Il est enfin nommé à la cathédrale de Clermont-Ferrand en 1643. Après, c’est le grand mystère. On sait simplement qu’il est cité dans un manuscrit de 1665 en tant que « maître de psallette à Clermont » mais sans référence à son état – vivant ou non.

Bouzignac - Tu quis esSur les 132 œuvres composant le « catalogue Bouzignac », seules 11 sont signées de sa main, et ce, dans trois groupes de manuscrits (deux à la BnF et un à Tours). La paternité des autres pièces fait toujours débat. Je le laisse aux spécialistes (Martial Leroux, Denise Launay, Jean Duron, Henri de Villiers…). Les pièces citées dans cet article sont donc tout aussi bien de ou attribuées à Bouzignac.

Doute sur l’auteur des manuscrits donc, doute également sur leur qualité, avec l’absence (quasi) totale d’accompagnement instrumental noté (sauf une basse continue pour les Lamentations de Jérémie, ajoutée plus tard par une autre main), alors qu’il semble impensable qu’à l’origine il n’y ait aucune indication pour le continuo.

Singularité aussi dans les textes choisis par le compositeur. Guillaume Bouzignac faisait preuve d’une grande liberté, arrangeant très aisément les textes sacrés (en gardant leur orthodoxie, là n’est pas la question). Il a écrit une seule (?) messe (à 7 voix) et peu de pièces liturgiques courantes (Lamentations, Te Deum, Ave Maris Stella) pour préférer les motets et scènes sacrées écrits par lui ou plus certainement par un prosateur resté anonyme. Il a aussi composé quelques chansons profanes, pas paillardes pour un sou, plutôt dans le genre « air sérieux ».

Comment décrire le style de Bouzignac ? L’écriture est complexe et très personnelle. Il fait preuve d’une grande inventivité et d’une originalité certaine. Il aime les pièces dialoguées entre un ou plusieurs solistes et le chœur (Ave Maria) ou entre deux chœurs (Tu quis es). Au but acoustique (échos, canon…) de certaines répond une volonté véritablement « scénique » pour d’autres : des rôles chantés par telle ou telle voix, sans changement au cours du motet – chaque voix gardant son « personnage », un récitant, une foule-chœur…. l’opéra ou en tous cas l’oratorio n’est pas loin.

La dramatisation est marquée par de fréquentes ruptures rythmiques et mélodiques et une alternance savamment distillée des solistes et du ou des chœur(s) – souvent à 5 voix dans la plus pure tradition française, ouvrant la voie au grand motet à la française de ses successeurs. Cela donne même parfois le sentiment de pièces très hachées, pas toujours évidentes à écouter. Ce qui nécessite une direction de choeur exigeante ne souffrant pas d’approximation, sinon, honnêtement, c’est moche. Que l’on pense aux gémissements déchirants du Ha ! Plange filia Jerusalem, contrastant avec le silence assourdissant du perforatum du même motet, aux airs amoureux du Cantique des cantiques (Tota pulchra à quatre dessus), aux accents tragiques du massacre des innocents dans le Ex ore Infantum – dont le dernier verset est adressé… à Louis XIII après les événements de La Rochelle, les Français étant les nouveaux Innocents ! Autre exemple sublime : le récit de la passion dans Ecce Homo, avec le dialogue de Pilate et de la foule haineuse qui crie Crucifige Eum pendant que Jésus se tait !

Dans ce XVIIème siècle commençant et loin de la cour royale, Guillaume Bouzignac a laissé une œuvre de musique sacrée originale, malheureusement encore trop méconnue. Les enregistrements disponibles sont peu nombreux et assez répétitifs (un peu comme Charpentier dont nous avons eu droit pendant des années au seul prélude du Te Deum et qui, fort heureusement, a été largement redécouvert et diffusé depuis vingt ans).

La pièce la plus connue de Guillaume Bouzignac.

Un bon exemple de pièce en dialogue – la partition est gratuite en plus (et le chef de choeur – webmaster est sympa) : http://www.schola-sainte-cecile.com/2007/12/18/bouzignac-attr-tu-quis-es/

Merci Henri de m’avoir fait découvrir plus amplement ce compositeur (au-delà de l’Ave Maria quoi…) !

Mondonville : la musique et la grâce

16 jeudi Jan 2014

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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baroque, Compositeur, XVIIIe

Le dernier compositeur ayant fait l’objet d’un article sur ce site était Barbara Strozzi. Aujourd’hui, je vous propose de nous pencher sur la vie (un peu) et l’œuvre (un peu plus) de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville dont la musique est si belle qu’elle fit dire à une amie que si elle était née au XVIIIème siècle, elle l’aurait assurément épousé !

Mondonville est né à Narbonne le jour de Noël 1711 (ou 1715 selon certains biographes). Très jeune, il apprend la musique… avec son musicien de Père. Il est violoniste et s’impose comme un virtuose de cet instrument, en occupant par exemple le poste de premier violon à Lille à partir de 1735. Toute son œuvre portera d’ailleurs la « griffe » du violoniste qu’il fut, à la fois dans le style d’écriture et dans l’utilisation « maximaliste » de cet instrument, en le mêlant intimement aux voix. Le célèbre pastel de Maurice-Quentin de la Tour le représente d’ailleurs avec son violon.

Jean-Joseph_Cassanéa_de_MondonvilleQuittant la province, il est engagé au Concert Spirituel en 1738 dont il assumera la direction de 1755 à 1762. Par ailleurs, en 1744, il prend la charge de sous-maître de la Chapelle du Roi, succédant à Charles-Hubert Gervais (encore un compositeur trop méconnu).

Il meurt en 1772 à Paris, les dix dernières années de sa vie n’étant pas les plus roses pour lui, avec en particulier l’échec retentissant de son Thésée : on l’a accusé d’avoir repris un livret de Quinault, pourtant déjà choisi par Lully près d’un siècle auparavant.

Nous avons donc devant nous un compositeur placé au cœur même des grandes institutions musicales françaises de son époque et qui, de fait, a été au contact de l’élite musicale et des grands courants de France et d’Europe, en particulier italiens.

Son œuvre comporte principalement de la musique instrumentale, des opéras et des motets. Si ces opéras ont un intérêt certain, notamment le Carnaval de Parnasse (1749) et surtout Titon et l’Aurore (1753), dans le style de Rameau (ou vice versa), nous nous attacherons surtout dans cet article aux motets : ils sont magnifiques (et puis, comme il est dit ici, Artetvia n’est pas une encyclopédie et dépend du choix totalement arbitraire et plénier de l’auteur).

Mondonville nous laisse 17 grands motets dont huit sont perdus, tous exceptionnels (en tous cas, tous ceux que j’ai écoutés) ; on compte en outre 2 petits motets, 3 motets français pour voix seule et 3 oratorios hélas perdus, composés sur des textes français et non latins – ce qui est d’ailleurs dans l’air du temps – une sorte de désacralisation du drame sacré.

La structure de ces pièces est assez typique du grand motet français : des versets épars de psaume, 5 voix et un ensemble instrumental, une alternance de chœurs et de parties solistes, des récitatifs… Michel-Richard de Lalande ne serait pas perdu, même 50 ans après sa mort.

Il le serait davantage quant au style ! En effet, comment caractériser la musique de Mondonville ? Eblouissante et gracieuse. Au-delà des seuls motets, Mondonville propose une musique très inventive, avec des effets particulièrement recherchés et des œuvres d’une conception audacieuse : un Concert à 3 chœurs, un Concert de violon avec Chant…

L’influence de l’opéra est indéniable : le 4ème verset de Dominus Regnavit (Elevaverunt flumina) est une musique descriptive que l’on pourrait facilement retrouver à l’opéra et, il faut le dire, plus italianisant que français. Les voix et les instruments sonnent bien ensemble, avec quelques morceaux de bravoure pour les cordes… et pour les cordes vocales !

Autre succès du compositeur est le motet In Exitu Israel, composé en 1753 et qui un modèle du grand motet à la française. Un premier verset en plain chant, un deuxième en faux-bourdon que je trouve personnellement merveilleux, un troisième dévolu au chœur, un quatrième au soliste, etc… Une écriture dramatique, très « profane », mais en même temps bien adapté au texte du psaume. Chaque partie est un petit bijou !

Les autres motets : De Profundis, Cantate Domino, Nisi Dominus, Venite Exultemus… sont de la même veine !

Très Français, mais influencé par l’Italie, très baroque, mais où pointe déjà le classicisme, héritier d’une longue tradition musicale, mais le renouvelant de manière éblouissante, Mondonville reste un compositeur majeur du XVIIIème siècle français qu’il reste maintenant à écouter et à faire écouter !

« Les fleuves élèvent, ô Yahweh, les fleuves élèvent leurs voix, les fleuves élèvent leurs flots retentissants » (Psaume 93, traduction Crampon)

Un extrait sublime du Caeli enarrant : écoutez la montée… et la descente du choeur pendant le chant du soliste

Addendum : un fidèle lecteur vient d’apporter quelques précisions fort intéressantes sur la musique de cette époque – message que vous trouverez en commentaire de cet article (ci-dessous)

L’inconnue du mois : Barbara, chanteuse et poète

26 jeudi Sep 2013

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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baroque, Compositeur, Venise, XVIIe

Elle s’appelle Barbara ; elle est née en 1619 à Venise (vous aviez cru que l’on parlait de quelqu’un d’autre ?). Héritière de l’illustre famille Strozzi, la grande rivale des Médicis un siècle plus tôt (rappelez-vous, dans Lorenzaccio de Musset, les Strozzi sont les méchants), elle est la fille – adoptive, ou naturelle dixit ? dixerunt ? les mauvaises langues – du poète Giulio Strozzi. Avec son nom et un père bien introduit dans les milieux artistiques et intellectuels de Venise, la jeune Barbara n’a pu qu’être très tôt au contact des beaux esprits de l’époque.

On ne sait rien de sa formation musicale, à part le fait qu’elle fut l’élève de Francesco Cavalli, le grand compositeur d’opéra et maître de musique à la basilique Saint-Marc (qui n’était pas encore cathédrale), aux côtés de qui elle apprit le chant et la composition, chose en elle-même exceptionnelle car tout le monde ne pouvait pas étudier auprès d’un maître si prestigieux – il n’y avait pas de « Conservatoire pour tous » à l’époque.

Barbara_Strozzi_1En 1634, elle est citée dans la relation d’une réunion de l’académie des Incogniti, créée par son père, devant qui elle chante. En 1637, ce même père inaugure les travaux d’une nouvelle académie dont l’objet sinon principal du moins essentiel est de faire de la publicité pour sa fifille Barbara. Elle participe alors à de nombreuses activités de cette académie, dédaignant les lazzi qui fusaient sur la présence d’une femme – de cette trempe qui plus est – dans cette docte assemblée. Certains ont argué d’un tableau récemment découvert qui la montre allègrement dépoitraillée et portant une fleur dans les cheveux, pour persifler que Barbara n’était qu’une courtisane de luxe ; d’autres ont rappelé qu’au contraire, elle a passé son temps à écrire, à chanter et à élever ses 4 enfants (nés hors mariage, très femme libérée la Barbara…) et que les rumeurs de courtisane patentée et inscrite officiellement comme telle ne sont que méchancetés de concurrents aigris par son succès.

Du succès, Barbara Strozzi en a eu : elle a beaucoup chanté… et beaucoup écrit. On conserve d’elle pas moins de 125 pièces de musique vocale. Son œuvre est principalement composée de madrigaux, arias et autres airs profanes ainsi que de quelques pièces religieuses, notamment des cantates. Huit gros recueils ont été édités, chose rare à l’époque, beaucoup de pièces restant à l’état de manuscrit, et diffusés dans toute l’Europe. Encore plus rare, elle n’a jamais été au service d’un unique prince ou cardinal mécène ; ses compositions sont dédiées à des personnalités diverses et variées : Ferdinand II de Habsbourg, Eléonore de Gonzague, le doge Nicolò Sagredo… Et ses premières œuvres n’ont bénéficié d’aucun mécénat (merci Papa !).

Ses airs sont principalement écrits pour soprano, pour qu’elle puisse les interpréter elle-même, mais elle a aussi composé pour les autres voix. Ces pièces sont accompagnées par une basse continue ou un petit ensemble instrumental, dans la continuité de ces illustres prédécesseurs madrigalistes que sont Luca Marenzio, Sigismond d’India ou Claudio Monteverdi. Et comme eux, elle s’attache au texte, servi par la musique et non l’inverse. On est loin du bel canto ! Elle réussit à peindre finement les sentiments et les passions de l’âme des textes de son père ou de ses amis, en jouant sur les contrastes rythmiques et mélodiques, les chromatismes savants et les ruptures harmoniques.

Elle meurt en 1677 à Padoue, ni trop riche, ni trop pauvre, mais comblée.

Je remercie ma copine Rose, chanteuse et musicologue, qui m’a fait découvrir cette artiste et qui a relu avantageusement cet article avant publication.

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