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Archives de Catégorie: Arts divers

Les Fables de Jean de la Fontaine illustrées

08 jeudi Juin 2017

Posted by hilaire in Arts divers

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Illustration

« La Cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue ». Nous la connaissons tous, bien entendu, cette fable. C’est la toute première de l’œuvre magistrale de Jean de La Fontaine (1621-1695) qui compte 243 fables, réunies en 12 livres.

Louis-Maurice Boutet de Monvel

Louis-Maurice Boutet de Monvel

Ce recueil est un monument de la littérature française – relisez une fable chaque soir, vous verrez que c’est vraiment puissant et loin d’être seulement pour les poésies des enfants – un style vigoureux, non dénué d’humour et des « morales » tout à fait actuelles. La Fontaine croque les travers de l’être humain et de la société avec un certain plaisir, qui peut certes parfois tirer vers le rire jaune.

Ces fables offrent aux illustrateurs une belle occasion d’exercer leurs talents. Avec la Bible, c’est peut-être le livre le plus souvent illustré en France. Il faut dire que la plupart mettent en scène des animaux, dans des situations variées, plus ou moins cocasses, très « humaines ». Tout cela permet aux artistes de laisser cours à leur imagination fertile. Parmi ces illustrations, il y a de petits chefs-d’œuvre !

Gustave Doré

Gustave Doré

On ne parle pas ici des chromos publicitaires du XIXe siècle, de plus ou moins – mais surtout moins – bon goût, ni des dessins affreux de quelques soi-disant artistes de notre temps, qui ôtent toute velléité de lecture… (c’est peut-être le but). Non, nous parlons de jolies images qui font rêver, sourire, imaginer. Par exemple, les oeuvres de Gustave Doré (1832-1883), bien connues, avec force détails et une grande finesse dans la gravure, mais aussi celles de bien d’autres illustrateurs qui s’en sont donnés à cœur joie !

On pense par exemple à Benjamin Rabier (1864-1939), qui avec l’humour qui le caractérise (ben oui, pourquoi la vache qui rit, rit, c’est lui ? Gédéon ? C’est encore lui) a croqué avec une visible sympathie les malheurs du loup ou les roueries du renard.

Benjamin Rabier - La Fontaine

Benjamin Rabier

Autre dessinateur, Christophe (1856-1945) – pas le chanteur, évidemment – l’auteur du Sapeur Camembert et de la Famille Fenouillard. Moins truculent que ces deux ancêtres de la bande-dessinée, mais tout aussi efficace.

Restons à la même époque avec Louis-Maurice Boutet de Monvel (1850-1913), illustrateur bien connu de la Civilité puérile et honnête (comment, vous ne connaissez pas ?). Même Jean-Adrien Mercier s’y est mis, avec son habituelle utilisation de couleurs pâles et ses damoiseaux en habits à la française roses.

Citons également, pêle-mêle Gustave Moreau (si, si), Jean-Baptiste Oudry, Raymond de la Nézière, Auguste Vimar, Armand Rapeno, Marcel Jeanjean, Charles-Boris de Jankowski… En fait, beaucoup, beaucoup de monde.

Jean-Adrien Mercier

Jean-Adrien Mercier

Au fait, les anciennes éditions étaient-elles illustrées ? A priori, oui, dès la première édition, par François Chauveau (1613-1676), comme quoi, l’œuvre littéraire et son illustration sont vraiment inséparables.

La prochaine fois que vous lirez les Fables, privilégiez les éditions qui proposent des illustrations de qualité. On n’en retient que plus leur substantifique moelle.

François Chauveau

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Julien Prouvot, commissaire priseur – conseil en art

18 jeudi Mai 2017

Posted by hilaire in Arts divers, Entretien avec un artiste, Peinture, Sculpture

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XIXe, XVIe, XVIIe, XVIIIe

Bonjour Julien, comment pourrais-tu te présenter ? Et qu’est ce qui t’as amené à t’orienter vers le secteur du marché de l’art ?

Je suis commissaire-priseur de formation, et je me suis tourné vers le conseil dans le domaine des objets d’art. J’ai baigné dans un milieu familial féru d’art, avec un père lui-même commissaire-priseur. Après les études classiques pour exercer ce métier : droit, histoire de l’art, école du Louvre, j’ai passé un concours d’entrée (examen d’aptitude) à la profession de commissaire-priseur avec un stage professionnel de deux ans puis un examen de sortie. Hé oui, ce sont de longues études !

Et pour répondre plus largement à ta question, le métier repose sur deux piliers : une solide connaissance artistique, bien entendu, mais aussi, et certains l’oublient, un grand sens du relationnel et de l’écoute. J’y reviendrai tout à l’heure.

Et tu t’es spécialisé ?

On me demande régulièrement quelle est ma spécialité. Je dirai qu’au bout de vingt ans, je me suis constitué un catalogue d’images dans la tête : je suis plus familier des tableaux et dessins anciens (XVIe-XIXe siècles). Mais en fait, ce sont les occasions qui font la spécialité. Par exemple, en travaillant sur un objet chinois, j’ai approfondi mes connaissances dans ce domaine. Cela dit, il faut savoir rester humble, personne ne pourra embrasser l’ensemble des connaissances universelles en matière artistique. L’essentiel, est, je pense, de savoir quoi et où chercher, avec la bonne documentation et la bonne personne. C’est là tout l’art du conseil-expert.

Alors justement, en quoi consiste ton métier exactement ?

Brûle-parfum Qianlong

Brûle-parfum Qianlong

Depuis sept ans, j’exerce le métier de conseil en tant qu’indépendant, ce qui me donne une objectivité et une liberté certaines. Mon cœur de métier est le suivant :

  • L’assistance aux familles et aux collectionneurs pour la conservation et donc la transmission de leur patrimoine mobilier. Je réalise en quelque sorte des « audits », en conseillant les familles dans les partages, en matière de fiscalité, etc. ; si besoin, je les dirige vers le bon artisan d’art si les œuvres nécessitent une restauration. A chaque client une situation différente : j’apporte un conseil sur-mesure. Il faut surtout être à l’écoute, faire preuve de psychologie, car dans une œuvre d’art, il y a souvent beaucoup d’affect. Les partages de biens mobiliers sont des occasions qui révèlent la vraie nature des liens familiaux. Mon objectif est donc d’apaiser ces moments de tension.
  • Deuxième métier, lié au premier : le conseil en vue de vente, pour valoriser d’une part le bien (optimiser sa valeur par des recherches historiques et scientifiques) et d’autre part pour trouver le meilleur acheteur, public ou privé, que cela soit par le biais d’une vente aux enchères ou de gré à gré. Par ailleurs, certains me sollicitent pour acheter des œuvres comme placement de diversification.

En bref, j’offre les services que proposent les grandes maisons du marché de l’art, à prix plus compétitifs et un service vraiment personnalisé.

Amélie Beaury-Saurel - Après déjeuner

Amélie Beaury-Saurel – Après déjeuner (détail)

Donc, si j’ai bien compris, par exemple tu fais surtout des inventaires après décès ?

Pas exactement, car certaines personnes font appel à moi pour préparer les partages de leur vivant, en présence de leurs enfants, et pas forcément après décès. Dans ce cas, mon métier consiste à inventorier l’entier contenu d’une maison, du tableau de maître au piano, en passant par la tondeuse à gazon !

Et qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ?

La recherche et les relations humaines. Si le notaire est une oreille pour les familles, le commissaire-priseur en est une autre.

Tu as un exemple de recherche ?

Bien sûr ! Je vais t’en donner deux. Il y a quelques années, j’ai travaillé sur un fonds de dessin, en vue de vente, de Joseph-Ferdinand Lancrenon, un élève de Girodet. C’était un travail passionnant ! Autre exemple : je suis en train de trier et classer près de 700 aquarelles de Philippe Dauchez, un peintre de marine mort il y a trente ans, en vue d’une vente qui aura lieu en octobre prochain à Drouot. J’en profite pour signaler qu’une partie des honoraires et des recettes de cette vente sera reversée à l’œuvre du Père Matthieu Dauchez à Manille.

Philippe Dauchez - L'île d'Elbe

Philippe Dauchez – L’île d’Elbe

En général, j’essaie de faire moi-même les recherches, cela dit, il faut savoir s’entourer. C’est vraiment passionnant de faire des recherches sur l’objet, son histoire, sa provenance, son caractère unique, son intégrité, le cadre dans lequel il a été conçu… Et c’est tout aussi passionnant de trouver un acheteur et de faciliter la transaction.

Quel objet t’a le plus marqué ?

Indéniablement une table à thé, portant une plaque de porcelaine de Sèvres ; cette table princière est la première d’une petite série (une douzaine) et la mieux préservée à ce jour. Ce meuble a obtenu le second prix pour un meuble français du XVIIIe siècle vendu en France. C’est un meuble merveilleux. Et pourtant, je l’ai trouvé conservé dans une simple chambre, sans que les propriétaires ne le mettent en valeur…

Certains affirment que le marché de l’art est en crise profonde. Qu’en penses-tu ?

Il serait difficile de donner une réponse complète, et donc forcément complexe, en quelques lignes. Cela dit, il faut être lucide : pour aimer les objets d’art, il est nécessaire d’avoir été formé, pas forcément de manière « académique », mais au moins d’avoir été formé au goût. C’est ce qui est en train de disparaître : on n’apprécie plus les belles choses car on recherche le fonctionnel et le pratique. On ne collectionne plus, on n’apprend plus à voir. Les gens ne sont plus sensibles à une émotion artistique, même s’ils courent visiter les expositions sans décrypter réellement les œuvres.

Julien Prouvot

Julien Prouvot

Alors que l’art est fondamental pour le bonheur de la personne humaine. Avec la spiritualité, c’est ce qui fait vibrer notre vie, tout en nous replaçant dans la grande continuité de nos prédécesseurs qui ont créé ces objets, dont nous sommes les dépositaires. Les objets d’art permettent de se réapproprier notre histoire, personnelle ou collective. C’est important, nous avons besoin de racines. Mon métier sert donc aussi à redonner le sens du beau, le sens de notre patrimoine et de l’excellence française.

Merci Julien !!

http://www.prouvotartpatrimoine.com

Le Rallic, la Bretagne et les chevaux (II)

25 jeudi Fév 2016

Posted by hilaire in Artiste, Arts divers

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Dessinateur ; Bretagne ; XXe

Suite de notre article de la semaine dernière sur Etienne Le Rallic…

Un travailleur acharné

A la différence d’Hergé ou de Jacobs, par exemple, Le Rallic n’écrit pas les scénarios des albums qu’il illustre. Mieux encore, selon Marijac, il « avait cette rare capacité d’adapter avec facilité son style au plan que je lui dressais. Sa force d’imagination et de retranscription graphique a toujours fait merveille ». Travailleur acharné, Le Rallic se met à sa table à dessins dès six heures le matin pour ne s’arrêter que vers treize heures. Un rythme qu’il tient tout au long de l’année, vacances comprises.

Son style, reconnaissable entre mille, est net, sans bavure, extrêmement clair. Il suffit de regarder les visages de ses personnages pour s’en rendre compte. Le Rallic dessine vite, sans se reprendre ni retoucher ses planches. Il n’utilise que la plume, jamais le pinceau et travaille presque au format de publication. Cela n’empêche pas son dessin d’être détaillé, rigoureux et précis. Une précision et une exactitude voulues par le dessinateur qui n’hésite pas à accumuler une épaisse documentation pour bien travailler ses sujets.

L’homme

Le Rallic - AutoportraitCette rigueur dans le travail ne l’empêche pas pour autant d’être un joyeux drille. Rond de sa personne, comme l’a illustré Robert Rigot. Le Rallic « était un homme jovial qui ne dédaignait ni la cuisine de qualité, ni les grands crus » selon Marijac. Le Belge Raymond Leblanc dira également de lui, « en bon français, il adore le vin. Il tient le crayon d’une main et trinque de l’autre »… C’est sans doute très exagéré. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que Le Rallic fumait beaucoup. Interrogé pour Ololê, il déclare montrant sa pipe « si je ne l’avais pas, je crois que mon dessin s’en ressentirait terriblement. Et le jour où je manquerai complètement de tabac, je crois que je ne pourrais plus dessiner ! »

L’engagement syndical

Un autre aspect, moins connu, de Le Rallic est son engagement syndical en faveur des dessinateurs français, inquiets de l’arrivée sur le marché des comics américains. En 1938, il déclare même : « le jour n’est pas loin où nos journaux pour la jeunesse, ne pouvant plus paraître, seront remplacés par des journaux étrangers qui nous arriveront de leur pays d’origine tout clichés et tout imprimés ».  Dans le viseur du dessinateur breton et de ses homologues : Tarzan et Mickey. Le Rallic devient donc le porte-parole de la société des humoristes, puis anime avec l’illustrateur André Galland, l’union des artistes et dessinateurs français.

Le Rallic - ChevalAprès la guerre, il adhère au Syndicat des dessinateurs de journaux pour enfants, fondé par le communiste (mais qui dessinait également pour Le Téméraire) André Liquois. Ce syndicat rassemble la fine fleur des illustrateurs français du moment. Avec le SDJE, Le Rallic participe à la création de l’éphémère Académie de l’image française, qui décerne un grand prix de l’image française. L’expérience se soldera par un échec, moins de deux ans plus tard. Le SDJE n’en arrête pas pour autant ses activités et c’est, notamment, sous sa pression qu’est votée la fameuse loi de juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.

Le cheval…

Mais comme nous l’avons évoquée, sa grande passion restera, toute sa vie, le cheval. Il en dessinera des milliers : chevaux de chasse ou chevaux de labours, chevaux montés par des soldats, des chevaliers, des cow-boys, des chouans, des amazones ou des mousquetaires ; chevaux tirant de légers cabriolets ou de lourdes charrettes paysannes. Durant son service militaire, ses dons de dessinateur sont remarqués par ses supérieurs. Il a donc la possibilité de dessiner des chevaux. Mieux, il peut étudier l’anatomie et la morphologie équine sous toutes leurs coutures en étudiant les cadavres des bêtes. Grâce à cette étude poussée, il réussit à dessiner le mouvement de ces animaux de façon extrêmement réaliste et dynamique.

Lui-même est, comme l’explique Marijac, «un cavalier dans la grande tradition ». Il fait d’ailleurs la première guerre mondiale dans une unité montée. Après une pause de quelques années, il reprend l’équitation grâce à la bienveillance des officiers du bataillon de dragon porté de Saint-Germain-en-Laye. C’est dans cette forêt qu’il monte presque tous les après-midi, après le travail. En 1933, il fait une lourde chute qui lui fait perdre un œil et l’oblige à cesser toute activité pendant un an. Il garde, jusqu’à la fin de ses jours des séquelles de cette blessure, qui diminue la précision de ses dessins.

C’est d’ailleurs un cheval, qui tire son cercueil jusqu’au cimetière de Sorel-Moussel, en Eure-et-Loir, où il meurt le 3 novembre 1968.

Aujourd’hui, les albums illustrés par Le Rallic ne sont que trop rarement édités. On en trouve encore, assez chers, dans des librairies ou sur des sites spécialisés. Dommage…Le Rallic - Chevaux 2

Gustave Doré, l’imagination au pouvoir

26 jeudi Nov 2015

Posted by hilaire in Artiste, Arts divers, Peinture, Sculpture

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XIXe

On le connaît surtout comme illustrateur. Qui n’a pas frémi devant Barbe Bleue et ses yeux sanguinaires ou suivi avec émerveillements les aventures du Chat Botté ?

Gustave Doré - Barbe BleueC’est en effet souvent par cette célèbre édition des Contes de Perrault, parue en 1862 chez Hetzel, que nous connaissons Gustave Doré. Du même coup, nous le rangeons dans la catégorie d’illustrateur pour livre d’enfants, et le plaçons inconsciemment à un rang mineur. Et pourtant, Gustave Doré est sans aucun doute l’un des plus grands artistes français de son époque, un touche-à-tout insatiable et prolifique. Plus de 10 000 œuvres à son actif !

Né à Strasbourg en 1832, il est remarqué très jeune pour son imagination débordante et sa curiosité permanente. En 1843, il suit ses parents à Bourg-en-Bresse, son père ayant été nommé ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées de l’Ain. Il gardera de la Bresse et des Alpes voisines le goût des paysages grandioses de montagne. A Paris où il poursuit ses études, il continue à dessiner frénétiquement. Tant est si bien qu’il est engagé par le Journal pour rire, revue satirique, pour croquer et caricaturer ses contemporains : il n’a que 15 ans.

Gustave Doré - Dante - L'EnferA 22 ans, débute pour lui une fulgurante carrière dans les livres, dont il ne sortira jamais, ce qui ne l’empêchera pas de s’essayer à d’autres arts. D’ailleurs, pendant longtemps, Gustave Doré voulait être considéré comme peintre, l’illustration n’étant qu’un moyen pour lui de se faire connaître. Las, le grand public comme la critique l’encense pour son activité de dessinateur et ignore le reste. Il se fait remarquer en illustrant les plus grandes œuvres littéraires : les Contes de Perrault, mais aussi l’Enfer de Dante, Rabelais, Balzac, Hugo, Shakespeare, etc… Il s’attaque même à la Bible. En 1854, son illustration d’un ouvrage satirique sur la Russie fait de lui l’un des plus grands caricaturistes de son temps mais aussi l’ancêtre de… la première bande-dessinée française. Il remet au goût du jour la gravure sur bois, technique exigeante qu’il améliore. Il aime passer d’un style à l’autre, en s’appuyant à la fois sur une grande imagination et une technique irréprochable. Il aime utiliser des grands formats pour ses gravures, qui lui permettent de les parsemer de détails innombrables, sans pour autant perdre la conception de l’ensemble.

Gustave Doré - Monument à Alexandre DumasOn lui doit aussi une cinquantaine de sculptures, tel le monument à Alexandre Dumas que les Parisiens peuvent admirer place du Maréchal Catroux, dans le XVIIe arrondissement.

Ses peintures sont encore moins connues et pourtant, il est l’auteur d’œuvres religieuses particulièrement réussies, bien de leur époque il faut le reconnaître. Malgré des propositions régulières au Salon, ses peintures ne rencontrent pas le succès, du moins en France. Il ouvre néanmoins une galerie à Londres.

Mort à 51 ans, ses obsèques ont lieu à Sainte-Clotilde où se presse le tout Paris. Cet artiste multi-facettes (dessinateur, peintre, graveur, aquarelliste, sculpteur…) laisse derrière lui une œuvre gigantesque qui a marqué et marque encore de nombreuses générations.

Gustave Doré - Le Christ quittant le prétoire

 

Les Ganuchaud, une famille au service du patrimoine – II : le Fils

10 jeudi Sep 2015

Posted by hilaire in Arts divers, Entretien avec un artiste, Patrimoine

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architecture

Il y a quelques mois, Artetvia vous proposait en entretien avec Marc Ganuchaud, architecte du patrimoine, qui nous a présenté de manière vivante et vraie son métier, notamment au service de la ville de Saumur, qui compte près de 50 monuments historiques. Aujourd’hui, nous rencontrons Joachim Ganuchaud, son fils, architecte lui aussi, qui évoquera d’autres aspects, non moins intéressants, du métier.

Bonjour Joachim, comment ta vocation d’architecte t’est-elle venue ? J’imagine que ta famille n’y est pas étrangère…

Château d'ApremontIl faut l’avouer, j’ai indéniablement été influencé par mon père et mon grand-père. Cela dit, le choix de la carrière d’architecte n’est pas venu d’eux, mais de moi ! Il est vrai que très tôt, j’ai été confronté à la « réalité » de l’architecture. Pour moi, ce n’était pas un mot abstrait vide de sens : c’était d’abord la table à dessins, les innombrables stylos, les maquettes, les photos qui encombraient le bureau de mon père. Ensuite, ce sont les chantiers, que je partais visiter avec lui ; cela me plaisait beaucoup. Et puis, j’ai vu de mes yeux la construction d’une maison : celle de notre famille. A partir d’une ruine très ancienne, nous avons reconstruit une belle bâtisse, bien agencée, pratique et très belle à la fois. Cela m’a beaucoup marqué ! Pour moi, observer qu’à partir d’une idée et différents matériaux (sable, bois métal, pierre) que l’on assemble, on peut réaliser une construction habitable, a toujours été fascinant. L’architecture c’est cela : on imagine un concept, on le mûrit doucement, on le dessine (deux dimensions), on construit une maquette (trois dimensions) et enfin on construit le bâtiment. Outre l’aspect programmatique, c’est avant tout une question de forme et de structure, le reste (matériaux, couleurs, textures, etc.) viendra ensuite.

Ce n’est pas tout de vouloir faire ce métier, encore faut-il le pouvoir !

J’ai commencé très jeune, en construisant des Lego et des cabanes dans les arbres ! Plus sérieusement, j’ai passé l’option arts plastiques au bac avec une thématique sur le patrimoine en péril. Ensuite, je suis entré à l’école d’architecture de Nantes. En 5ème année (sur les 6 ans d’études), je suis parti à Hambourg, en Allemagne.

 

Hôtel Mercy-Argenteau

Avant le passage de l’architecte… (cliquez sur les photos, cela rend mieux)

Hôtel Mercy-Argenteau

...après

Pourquoi Hambourg ?

L’école de Nantes est réputée, mais reste très conceptuelle. A l’occasion d’un échange entre mon école et celle d’Hambourg, organisé en 4ème année, j’ai pu découvrir une autre facette et une autre approche de la formation au métier d’architecte. Et j’ai trouvé cela génial. J’ai donc décidé de passer une année complète en Allemagne et d’y faire mon stage de fin d’étude. Là-bas, un peu comme à Nantes, mais en beaucoup plus grand, nous avions un terrain d’expérimentation « grandeur nature », avec la réhabilitation des friches portuaires. J’ai beaucoup appris, notamment l’importance des détails et l’urbanisme. Cela m’a bien servi par la suite. En effet, c’est bien d’avoir un excellent concept, mais le diable et la qualité d’un dossier se niche dans les détails ! Nous vendons de la réalité, pas un simple plan.

Diplômé en 2003, j’ai rejoint l’agence de Pascal Prunet, architecte en chef des Monuments Historiques.

Un nouveau domaine…

Joachim GanuchaudOui et non. Par exemple, à Nantes, j’avais suivi un séminaire organisé sur ce thème : nous étions très peu nombreux. Rétrospectivement, je me rends compte que c’est assez affolant : dans le cursus commun, il y avait très peu d’histoire de l’architecture. Cela paraît impensable et pourtant, c’est vrai : on inculque aux élèves un amas considérables de notions, sans savoir d’où elles viennent. Sans racines, on risque de faire n’importe quoi !

Pour parfaire ma formation, en plus de mon travail à l’agence Prunet, j’ai suivi l’école de Chaillot qui m’a donné le titre d’architecte du patrimoine.

Cela m’a permis de me confronter au terrain en connaissance de cause, les cours de l’école de Chaillot étant la « théorie », le travail à l’agence, la « pratique ». Le travail était passionnant : établissements de relevés – c’est-à-dire, l’ensemble des mesures d’un bâtiment – et d’état sanitaire (noter tout ce qui est dégradé), études historiques, structuration de Projets Architecturaux Techniques pour validation par un inspecteur de la commission des Monuments Historiques….

J’ai eu la chance d’intervenir sur des projets très intéressants : les remparts de Guérande, le château d’Apremont, la flèche de l’église Saint-Nicolas de Nantes, reconstruite par mon grand-père dans les années 1950, le château de Tiffauges…

Et maintenant ?

Depuis quelques années, je travaille quasi uniquement pour la réhabilitation d’immeubles parisiens. Cela permet d’allier les aspects patrimoniaux et la créativité de l’architecture actuelle. De nouveaux aspects sont apparus, moins prégnants dans les dossiers de Monuments Historiques : les délais, la gestion des entreprises du bâtiment, les permis de construire, la réglementation, le travail avec d’autres corps de métier comme les paysagistes…

Actuellement, je commence un chantier de réhabilitation lourde de plus de 20 000 m2, avec un bâti très hétérogène (des bâtiments du XIXe siècle, d’autres des années 1950) : le défi est de trouver de l’homogénéité là-dedans pour obtenir un ensemble architectural cohérent. C’est passionnant !

Hôtel Mercy-Argenteau

Avant

Hôtel Mercy-Argenteau

Après

Parlons un peu de la règlementation, est-ce contraignant ?

Oui, il faut le reconnaître. Et de plus en plus. Les normes handicapés, les normes de sécurité, les normes de développement durable… C’est une réelle contrainte, mais il faut être malin et ne pas se laisser accaparer. Au final, je me rends compte que cela ne bride pas trop l’imagination et la créativité, peut-être que cela me pousse à être encore plus créatif ! Et je citerai là le grand architecte André Bruyère qui disait que « l’Architecture, c’est mouler une tendresse sur une contrainte »

Plus de dix ans après tes débuts, quel regard portes-tu sur le métier ?

Cela me fascine toujours, heureusement. C’est un métier très complet : c’est à la fois conceptuel, créatif et aussi très concret. L’esthétique, quoiqu’on en dise est toujours essentielle dans un projet architectural. Après, au contact de mes prédécesseurs, j’ai appris la rigueur de la réflexion… et de la pratique. C’est bien d’avoir de belles idées, mais il faut être précis et rigoureux, sinon, c’est fumeux. Après, l’architecte ne peut pas tout : si le maître d’ouvrage tire vers le bas, avec toute la bonne volonté du monde, il sera difficile à l’architecte de créer un bâtiment de qualité.

L’éternelle question est vraiment : que va-t-on laisser aux générations suivantes ? L’architecture a ceci de particulier qu’elle est un art dont les œuvres durent, très longtemps parfois, donc autant ne pas se tromper et bien faire !

Merci Joachim !

Les timbres, ces œuvres d’art en miniature

25 jeudi Juin 2015

Posted by hilaire in Arts divers

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gravure, Timbre

Quel objet plus usuel qu’un timbre-poste ?

Le timbre a d’abord un objectif éminemment pratique : affranchir le courrier et donc participer aux frais d’acheminement. Auparavant, c’était le destinataire qui devait payer la course… A sa naissance, en Angleterre en 1840, il était illustré par le buste du souverain, une souveraine en l’occurrence puisqu’il s’agissait de la jeune reine Victoria. En France, le premier timbre fut émis le 1er janvier 1849, avec la figure de Cérès, déesse romaine de l’agriculture, rapidement remplacée par Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III. Aux portraits officiels, d’usage courant, ont succédé des séries thématiques, mettant en scène le patrimoine français, des personnages célèbres, des savoir-faire et institutions ou bien des « causes » (la Croix-Rouge depuis 1914 et chaque année depuis 1950 par exemple). Plus tard, sont apparues les reproductions d’oeuvres d’art.

Pour ce type de timbres, les graveurs doivent faire preuve d’une technique irréprochable et d’une imagination fertile : la surface disponible est en effet très petite, surtout si l’on ôte l’espace réservé pour la légende et la valeur faciale. Il faut que l’illustration soit lisible et belle.

Si la technique la plus courante, et la plus ancienne avec la typographie, est la gravure en taille-douce, d’autres sont apparues au cours des âges : héliogravure puis offset. S’il est une technique où tout l’art du graveur peut s’exprimer, c’est bien la taille-douce. L’artiste grave son dessin sur un bloc d’acier doux au moyen d’un burin. Cet outil laisse une gravure très nette, contrairement à la pointe sèche qui peut laisser des barbes. La gravure est réalisée… à la taille définitive (c’est-à-dire que c’est tout petit, quelques centimètres carrés au maximum). Le bloc obtenu est appelé le poinçon original, il est durci puis transféré par pression sur une molette courbe et reporté autant de fois que de nombre d’exemplaires par planche.

Il faut avouer que le monde des graveurs de timbres est assez restreint et peu connu du grand-public, alors que leurs œuvres nous sont familières. Qui sait par exemple que le portrait d’Elisabeth qui orne tous les timbres anglais d’usage courant depuis 1967 est l’œuvre d’Arnold Machin, également céramiste et sculpteur ? Le plus grand graveur de timbre français (des dizaines de réalisations pour vingt-deux pays) s’appelle Pierre Forget. Les lecteurs d’Artetvia le connaissent car il a illustré la série Thierry de Royaumont qui a fait l’objet d’un des premiers articles de ce blog. Enfin, Edmond Dulac, graveur de la première Marianne d’après-guerre (1944-1947), était aussi décorateur pour le théâtre et illustrateur de romans.

D’un autre côté, certaines personnalités ont été invitées à dessiner ou graver des timbres, c’est le cas de Jean Cocteau avec une Marianne sortie en 1961 et gravée par Decaris (très laide d’ailleurs, rien à voir avec la Sabine ou la Marianne d’Alger). Autre exemple, Alphonse Mucha, qui a dessiné une série pour la Poste tchécoslovaque et Georges Mathieu qui a réalisé un timbre en 1980.

Nous n’y faisons pas attention, mais certains d’entre eux sont tout simplement magnifiques et requièrent un grand talent de la part du dessinateur et du graveur. Voici donc quelques exemples, parmi des milliers de beaux timbres.

Timbre - Citeaux Timbre- Indochine Timbre - Jacques Callot Timbre- La ganterie Timbre- Mansart   Alors, désormais, vous regarderez plus attentivement vos timbres ?

La mer à Paris : le musée de la Marine

05 jeudi Mar 2015

Posted by hilaire in Arts divers

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Mer, Musée

Il est des musées que tout le monde connaît… seulement de nom. Certains les ont visités avec l’école ou les grands-parents, par une après-midi d’hiver froide et maussade. Mais c’est tout.

Indéniablement, le musée de la Marine, occupant une aile du Palais de Chaillot, en fait partie.

Musée de la Marine - La RéaleEt pourtant, nous devrions tous y courir tant les pièces présentées sont de toute beauté. Bien entendu, le thème est vaste, très vaste et il serait impensable et impossible de couvrir l’ensemble de l’histoire maritime mondiale, ni même celle de la marine française. Cela dit, en quelques grandes et hautes salles, le visiteur peut découvrir tout un patrimoine méconnu.

Trois grandes catégories d’œuvres sont exposées : des tableaux de marine, des maquettes et des objets. Le musée s’attache surtout à faire découvrir aux visiteurs la période allant du XVIIe siècle au début du XXe siècle. La marine française de la deuxième moitié du XXe siècle est abordée rapidement, avec une salle dédiée à l’aéronavale et quelques maquettes de bâtiments contemporains (le Charles De Gaulle et le Chevalier Paul par exemple).

Canot de NapoléonLes peintures navales : vous pourrez admirer par exemple de nombreuses grandes œuvres de Joseph Vernet, le papy d’Horace, ou plus proche de nous de Félix Ziem ; les sujets sont variés : paysages, tempêtes, ports (Brest, Bordeaux, Cherbourg, Toulon, mais aussi Mers-el-Kébir), batailles navales nombreuses, peintes de manière très réalistes, des portraits de hauts personnages, etc…

Les maquettes : elles sont très nombreuses. De véritables bijoux de minutie et de précision. Cela va des pirogues monoxyles polynésiennes aux 118 canons de la Royale, véritable plate-forme d’artillerie quasi insubmersible (un seul de cette classe « périra » en mer), en passant par les galères du XVIIe siècle et la Santa Maria de Christophe Colomb – qui, à la même échelle, paraît ridiculeusement petite comparée aux trois mats des périodes ultérieures. A noter également une maquette (réalisée quasi en même temps) de la déposition et du transport de l’obélisque de la Concorde.

Musée de la Marine - MaquettesEt puis il y a les « vrais » objets : on est ébloui par le canot d’apparat de Napoléon Ier – c’est sans doute l’un des plus vieux bateaux encore en état existant en France. Quelques mètres plus loin, c’est au tour de la Réale, la galère royale de Louis XIV, de nous montrer sa poupe : exceptionnel ! Des figures de proue gigantesques (un Charlemagne, un Henri IV de trois mètres de haut) l’encadrent : on se sent tout petits. Et puis, des armes de toutes sortes, les mêmes que dans la série Barbe-Rouge de notre jeunesse : sabres d’abordage, haches, espingoles, pistolets. Et enfin, des objets du quotidien, témoins de la vie très dure des marins de la marine à voile : trousse de chirurgie, vêtements, fanaux.

Musée de la Marine - ObélisqueLe musée présente enfin un « fourre-tout » de pièces et de documents sur des thèmes variés : les sous-marins, une lunette de phare, un scaphandrier de grande profondeur impressionnant, un vrai transat des années 1930. On en ressort charmé.

Le seul regret : il faut reconnaître que la muséographie est un peu vieillotte et le parcours, pourtant simple sur le papier, est étrange dirions-nous.

Cela dit, cela vaut vraiment le coup. A découvrir en prenant son temps : on apprend beaucoup de choses passionnantes et on voit de beaux objets : que demander de plus ?

http://www.musee-marine.fr

La mort et l’art

26 jeudi Fév 2015

Posted by hilaire in Arts divers

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Suite au décès d’un proche du grand timonier de ce site, il n’y aura pas d’article construit cette semaine sur Artetvia – ce sont les aléas de la publication « mono-contributeur ».

Un article sur l’art et la mort devait justement être publié. Je sollicite les lecteurs de ce blog pour me transmettre des idées, des titres d’œuvres, des images, de l musique etc… sur ce thème. J’espère rassembler, grâce à vous, suffisamment de matière pour pondre un ou plusieurs articles. En effet, comme c’est une réalité universelle, forcément, l’ensemble des arts se sont emparés du thème, source inépuisable d’inspiration aboutissant à des chefs d’œuvre tels que le Requiem de Mozart, le Chevalier, la Mort et le Diable de Dürer ou La Mort de Laocoon et ses fils pour ne citer que du très connu !

Ce sera le premier article collaboratif de ce blog !

N’hésitez donc pas à écrire un commentaire ou m’envoyer un mail artetviaarobasehotmail.fr. Merci !

L'art et la mort

Les Ganuchaud, une famille au service du patrimoine architectural – I : le Père

08 jeudi Jan 2015

Posted by hilaire in Arts divers, Entretien avec un artiste, Patrimoine

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architecture, XXe

Artetvia a le plaisir de vous faire découvrir un pan de l’art jusqu’ici peu abordé, du moins directement : l’architecture. Je vous propose un double entretien : avec Marc Ganuchaud, architecte du patrimoine puis avec son fils Joachim, également architecte du patrimoine, eux-mêmes fils et petit-fils d’un grand architecte de la région nantaise, Georges Ganuchaud.

Bonjour Marc, question rituelle, comment devient-on architecte, et qui plus est, architecte du patrimoine ?

Marc GanuchaudC’est une longue histoire car elle remonte à mon enfance. Je vois deux origines au choix de ce métier.

La première, l’exemple familial. Mon père était architecte, l’un de ses cousins était premier grand prix de Rome en architecture. Je baigne donc dans ce milieu depuis ma naissance. J’ai notamment deux souvenirs bien précis qui ont orienté mon choix : le jeudi, la grande récompense était d’accompagner mon père sur les chantiers. J’étais très fier de lui, de voir qu’il pouvait imaginer et construire de beaux bâtiments. Ensuite, si le travail de réalisation et de démarchage commercial s’effectuait la semaine, mon père créait le week-end. Je le vois encore le dimanche après-midi à sa table à dessin, mes frères et moi en train de dessiner à ses côtés tout en écoutant des opérettes. Evidemment, cela m’a donné le goût du métier.

Par ailleurs, j’aimais dessiner et, sans fausse modestie, je me débrouillais bien : en primaire, j’ai gagné le concours de dessin et au collège, je dessinais pendant les cours (surtout les cours d’allemand : du coup, je ne sais pas parler allemand), notamment les épisodes des personnages du manuel, ce qui occasionnait l’indulgence du professeur. Dès ces années, j’ai su que je voulais être architecte.

Les études d’architecte sont longues, n’est-ce-pas ?

Six ans ! Après un bac littéraire – j’étais nul en maths – je suis entré à l’école d’architecture de Nantes : à cette époque, le bac suffisait. Le concours n’avait lieu qu’après la première année. J’ai achevé mes second et troisième cycles à Paris. A l’époque, je ne m’intéressais pas trop au patrimoine. Le premier « accroc » est venu pendant la réalisation de mon mémoire de fin d’étude : ayant été choqué par la manière dont la côte vendéenne avait été massacrée (à Saint Jean de Monts par exemple), j’avais proposé la construction d’un VVF, démontable après l’été. Une utopie de jeune architecte…

J’ai travaillé ensuite chez André Chatelin (prix de Rome en 1943), une personne remarquable. Et l’un de mes premiers chantiers fut la construction de l’hôpital du Val de Grâce : on construisait du moderne à côté de superbes bâtiments classiques. Comment marier les deux architectures ? A ce moment a germé l’idée d’intégration d’un bâtiment dans son environnement.

On ne le faisait pas avant ?

Château de SaumurCe n’était pas la priorité. On ne nous l’apprenait pas à l’école. De toute manière, on ne faisait de l’histoire de l’art qu’en première année. Encore maintenant, les grands architectes peuvent concevoir de très beaux ouvrages, mais absolument pas conçus pour leur environnement. On a fait des progrès dans ce domaine bien entendu, mais ce n’est pas systématique. La deuxième secousse a été un projet de bâtiment de l’INPI à Bordeaux. Là aussi, il fallait construire du neuf dans un quartier ancien. N’y tenant plus, j’ai voulu approfondir ce domaine, j’ai décidé alors de passer un diplôme d’urbaniste, tout en continuant à travailler en cabinet d’architecture.

J’ai ensuite travaillé au CAUE du Loiret. En bref, le CAUE est un service départemental venant en aide aux petites communes pour les aider à améliorer l’urbanisme et l’architecture de leur commune. C’était passionnant : j’ai été confronté à la réalité du patrimoine.

Et après, vous êtes devenu architecte de la ville de Saumur.

C’est exact ! En 1984, le nouveau maire cherchait un architecte qui soit sensibilisé au patrimoine. Il faut dire que la ville compte 55 monuments historiques. Vous le savez, il y a 500 mètres de protection autour d’un monument historique… ce qui fait que 80% du territoire de la commune est protégé.

Et que fait un architecte pour une ville ?

Il est principalement en charge du suivi de la conception des nouveaux projets et des permis de construire. Il travaille avec l’Architecte des Bâtiments de France, qui est le « bras armé » du Préfet dans ce domaine. Mon rôle consiste à défendre l’intérêt de la mairie, l’ABF celui de l’Etat. Ce n’était pas toujours évident, surtout quand il est question d’esthétique. Qu’avait-il de plus que moi ? Nous étions tous les deux architectes. Ah, si, il avait fait Chaillot ! Pas moi.

Chaillot ?

Panorama de SaumurL’école s’appelait auparavant « Centre d’études supérieures d’histoire et de conservation des monuments anciens ». Après un concours, il y a deux ans d’études à temps partiel – la plupart des « élèves » étant des architectes continuent à travailler. C’est une formation très exigeante et passionnante. A la sortie, on est architecte du patrimoine (Marc ne le dit pas mais il a eu la meilleure note sur plusieurs exercices importants – Note d’Artetvia). Ca y est, je me suis mis à parler le même langage que l’ABF et tout s’est mieux passé. Certains lauréats peuvent ensuite passer le concours d’architecte des Monuments Historiques. J’avais passé la limite d’âge. Avant 2008, l’Etat leur confiait en exclusivité les grandes opérations sur les Monuments Historiques. Une belle rente… Depuis, un architecte du patrimoine peut aussi concourir pour des opérations sur des monuments historiques, hors domaines appartenant à l’Etat, toujours réservés aux architectes en chef des monuments historiques.

Un architecte d’une ville travaille aussi avec eux lorsque ils interviennent… sur les monuments historiques de la ville, c’est-à-dire souvent pour Saumur. Malgré des caractères « variés », ils sont toujours très compétents. Et j’avoue qu’en ce moment, cela se passe très bien. J’ai donc participé à la restauration du château de Saumur, de plusieurs églises, etc…

Certains craignent une « muséification » des villes historiques…

C’est l’un des dangers en effet. A mon sens, le bâti n’a d’intérêt que s’il vit. S’il ne vit pas, c’est une source de charges, et c’est tout. Deuxième point, les monuments anciens ont perdu leur fonction première : par exemple, le château de Saumur, avec ses remparts et ses tours, n’a aucun rôle militaire à l’heure actuelle. Il faut trouver une autre fonction qui soit cohérente avec les contraintes d’architecture. Et il faut adapter a minima le monument à ces nouvelles fonctions. Un exemple tout bête, personne n’imagine des bureaux sans sanitaires.

Mon rôle est justement de trouver la meilleure adéquation entre un usage nouveau, l’histoire du bâtiment et son environnement. C’est un travail très enrichissant et très stimulant intellectuellement. Après plus de 35 ans de métier, je ne regrette absolument pas d’avoir choisi cette voie exigeante et passionnante !

Merci Marc !

Rendez-vous avec Joachim Ganuchaud dans le prochain entretien d’Artetvia !

Marion Abbadie : le jouet comme oeuvre d’art

27 jeudi Nov 2014

Posted by hilaire in Arts divers, Entretien avec un artiste, Patrimoine

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Musée, XIXe, XXe

Il y a quelques mois, nous avions pu rencontrer Gabrielle de Roincé qui nous présentait « sa » bibliothèque-musée. Aujourd’hui, c’est au tour de Marion Abbadie qui nous parle du métier d’attaché de conservation et de « son » lieu de travail : le musée du Jouet à Poissy.

Bonjour Marion, comment en es-tu venue à travailler dans cet endroit magique ?

De manière toute simple : j’ai postulé et j’ai été retenue ! Bien évidemment, je ne suis pas arrivée dans un musée totalement par hasard. Après une prépa en lettres classiques, je me suis orientée vers une maîtrise d’histoire de l’art, tout en suivant l’enseignement de l’école du Louvre dont j’ai achevé le premier cycle et l’année de spécialisation (quatre ans au total), sans oublier deux ans d’école préparatoire au concours du Patrimoine (conservateur). Au final, je me rends compte que cela fait pas mal d’années d’études…

Poissy - Musée du jouet 4Après avoir réussi le concours d’assistant de conservation et travaillé dans différentes institutions culturelles, notamment au Domaine départemental de Chamarande (un château du XVIIe siècle, avec parc à l’anglaise peuplé d’art contemporain, le lien n’est pas toujours simple…), j’ai finalement trouvé un poste au musée du Jouet à Poissy, dont je suis devenue l’attachée de conservation (encore sur concours !) il y a peu de temps. Voilà pour la biographie…

Mon titre officiel est « responsable du service des publics ». En réalité, mon travail va bien au-delà de cet intitulé car il comporte un temps important consacré à la conservation. En fait, j’ai toujours souhaité intervenir dans les deux domaines, médiation et conservation, bien que la plupart des musées soient organisés en deux filières bien distinctes. Dès mon année de spécialisation (muséo) à l’Ecole du Louvre, il a fallu choisir : je n’ai jamais su ! C’est toujours le cas. Et je crois y trouver un équilibre entre étude des collections, réflexion muséologique et relation avec le public.

Peux-tu nous décrire le musée du Jouet ? Quand on parle d’un musée, on imagine des tableaux, des sculptures, pas des jouets !

Poissy - Musée du jouetHé oui, c’est étonnant. Je ne m’imaginais pas du tout dans cet univers pendant mes études. Rien ne m’y prédestinait, sauf peut-être le goût des beaux jouets inculqué par mon grand-père qui offrait à chaque tribu de ses petits-enfants un jouet signé de sa main pour Noël. M’y voilà pourtant depuis 8 ans, et j’y suis bien. Le musée a été créé en 1975, sous l’égide de la commune de Poissy. Il occupe les murs (du XIVe siècle s’il vous plaît) de la porterie fortifiée de l’ancienne abbaye Saint-Louis de Poissy, voulue par Philippe-le-Bel, et détruite en grande partie à la Révolution.

Nous présentons une collection de 600 jouets (ainsi que quelques jeux), datant du milieu du XIXe siècle, au milieu du XXe siècle, sachant que nos collections (environ 8 000 objets) couvrent une période beaucoup plus large (notre jouet le plus ancien date du XVIIe siècle et nous possédons quelques jouets contemporains servant de référent XXIème siècle pour nos expositions temporaires). Tous les objets sont manufacturés, c’est-à-dire qu’ils ont été fabriqués en série, si on peut parler ainsi : ce sont des jeux industriels ou pré-industriels pour les plus anciens. Il n’y a donc pas de jouets uniques, fabriqués par un grand-père pour son petit-fils par exemple.

Et d’où vient la collection ?

Comme pour la plupart des musées, les objets ont des origines variées : la collection d’une passionnée issue du musée de l’Education de Rouen, des dons – de moins en moins, car les propriétaires savent désormais que les jouets anciens ont une grande valeur – des achats chez les marchands ou en ventes aux enchères, etc.

Il faut savoir aussi que nous effectuons un important travail de restauration sur lequel je reviendrai plus tard.

Et qui vient voir ce musée, des enfants, j’imagine ?

Marion AbbadieBien entendu, mais pas seulement. Cela va surprendre certains, mais nous avons, en plus des familles avec enfants, des groupes d’adultes. En effet, ce sont des objets pour lesquels les visiteurs ont un attachement « affectif » : ce sont les jouets de leur enfance, ou de l’enfance de leurs parents ou grands-parents. Le public scolaire est bien entendu important et vient souvent pendant l’hiver, notamment avant Noël. Notre fréquentation tourne autour de 18 000 entrées annuelles, ce qui est tout à fait correct pour un petit musée municipal. Les visiteurs viennent principalement d’Ile-de-France et en particulier des Yvelines, mais pas seulement.

Alors, ton travail d’accueil des publics ?

Nous organisons des programmes d’accueil pour les enfants, mais aussi pour les adultes. Pendant les vacances scolaires, nous organisons des ateliers pédagogiques et ludiques, destinés aux enfants de 4 à 12 ans et dont les thèmes sont très variés (construction d’une poupée en laine identique à celles que fabriquaient les enfants de poilus pendant la Première Guerre mondiale, leur servant d’ailleurs de porte-bonheur…). Les enfants sont pris en charge par la médiatrice du musée ou bien une personne extérieure. Nous proposons aussi chaque mois un spectacle destiné aux familles : contes, marionnettes, magicien. Pour le coup, les participants viennent de la région de Poissy.

Et la conservation ?

Poissy - Musée du jouet 2C’est un travail plus souterrain de documentation et de préservation des jouets en réserve qui devient visible du public à travers les expositions temporaires annuelles (par exemple Autos mobiles! Une aventure racontée par le jouet, Y’a du sport au musée, Quand j’étais bébé… Le baby-boom des jouets d’éveil, Drôles de jouets! André Hellé ou l’art de l’enfance…). C’est un travail d’équipe avec la conservatrice du musée, un scénographe, un commissaire scientifique, les équipes techniques municipales. Chaque exposition donne lieu à la publication d’un catalogue qui représente un important travail de recherche et de coordination. J’assure la gestion des contrats de prêts, des moyens de transport, des assurances. Nous sommes en effet très souvent sollicités par d’autres musées. Et puis je suis en charge du suivi des restaurations.

Ca se restaure un jouet ?

Bien entendu ! Même si nous souhaitons conserver des objets dans leur état d’usage : ce sont de vrais jouets, auxquels les enfants ont fait mener une vie trépidante, avant qu’ils ne se retrouvent dans des vitrines comme des œuvres d’art. Il faut choisir le bon restaurateur (bois, papier, métal, plastique –si, si !)…et le bon objet à restaurer. Etant labellisé Musée de France, chaque dossier est présenté en commission régionale scientifique et fait l’objet d’un avis de la DRAC qui donne son accord ou non (et qui peut apporter un soutien financier). Evidemment, c’est un peu contraignant, mais c’est le jeu (c’est le cas de le dire).

Et l’équilibre entre ces deux pôles que sont l’accueil du public et la conservation ?

C’est la grande question ! Pour moi, il est nécessaire de bien connaître les attentes des visiteurs ; mais on ne fait pas n’importe quoi pour autant. Certains visiteurs ne comprennent pas pourquoi on ne peut pas jouer avec les objets présentés. J’ai bien conscience que ça peut être frustrant. Nous sommes un musée, pas une ludothèque, avec une mission scientifique de sauvegarde, de conservation et de documentation. Nous possédons un important fonds documentaire, y compris de nombreux catalogues anciens de jouets.

Nous sommes loin de l’art et de l’histoire tout de même ?

Poissy - Musée du jouet 3Et bien non, nous en sommes très proches. Figure-toi que les jouets forment une image assez saisissante de leur époque et qu’ils en sont le reflet. Par exemple une plongée dans les jouets français des années 1910, farouchement « anti-boches » permet de comprendre très facilement que la propagande politique passe aussi par le jouet. Côté esthétique, ils sont plutôt réussis, car les jouets d’autrefois étaient fabriqués dans des matériaux nobles, avec une visée esthétique permanente : nos ancêtres avaient le goût du beau, même pour un jeu de quilles ; d’ailleurs de grands artistes ont œuvré pour la fabrication de certains d’entre eux.

Des projets ?

Evidemment. D’autres expositions à venir, ce qui permet d’ailleurs de renouveler mon intérêt pour ces objets. Et puis, à cause de travaux (accessibilité handicapés), les collections permanentes vont sans doute être modifiées en profondeur prochainement : un travail passionnant en perspective. Et enfin, Poissy a un projet de musée d’art et d’histoire… nous assurons déjà la gestion de cette collection mais qui reste pour l’instant en réserve, faute de lieu de présentation adéquat. Nous tâchons cependant de faire connaître ces collections par des expositions de préfiguration : sur le Colloque de Poissy de 1561 et, en ce moment-même, sur saint Louis, le plus illustre des Pisciacais! Cela augure plein de bonnes et belles choses.

Merci Marion !

http://www.ville-poissy.fr/fr/loisirs/vie-culturelle/musee-du-jouet.html

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