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Archives de Catégorie: Sculpture

Julien Prouvot, commissaire priseur – conseil en art

18 jeudi Mai 2017

Posted by hilaire in Arts divers, Entretien avec un artiste, Peinture, Sculpture

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XIXe, XVIe, XVIIe, XVIIIe

Bonjour Julien, comment pourrais-tu te présenter ? Et qu’est ce qui t’as amené à t’orienter vers le secteur du marché de l’art ?

Je suis commissaire-priseur de formation, et je me suis tourné vers le conseil dans le domaine des objets d’art. J’ai baigné dans un milieu familial féru d’art, avec un père lui-même commissaire-priseur. Après les études classiques pour exercer ce métier : droit, histoire de l’art, école du Louvre, j’ai passé un concours d’entrée (examen d’aptitude) à la profession de commissaire-priseur avec un stage professionnel de deux ans puis un examen de sortie. Hé oui, ce sont de longues études !

Et pour répondre plus largement à ta question, le métier repose sur deux piliers : une solide connaissance artistique, bien entendu, mais aussi, et certains l’oublient, un grand sens du relationnel et de l’écoute. J’y reviendrai tout à l’heure.

Et tu t’es spécialisé ?

On me demande régulièrement quelle est ma spécialité. Je dirai qu’au bout de vingt ans, je me suis constitué un catalogue d’images dans la tête : je suis plus familier des tableaux et dessins anciens (XVIe-XIXe siècles). Mais en fait, ce sont les occasions qui font la spécialité. Par exemple, en travaillant sur un objet chinois, j’ai approfondi mes connaissances dans ce domaine. Cela dit, il faut savoir rester humble, personne ne pourra embrasser l’ensemble des connaissances universelles en matière artistique. L’essentiel, est, je pense, de savoir quoi et où chercher, avec la bonne documentation et la bonne personne. C’est là tout l’art du conseil-expert.

Alors justement, en quoi consiste ton métier exactement ?

Brûle-parfum Qianlong

Brûle-parfum Qianlong

Depuis sept ans, j’exerce le métier de conseil en tant qu’indépendant, ce qui me donne une objectivité et une liberté certaines. Mon cœur de métier est le suivant :

  • L’assistance aux familles et aux collectionneurs pour la conservation et donc la transmission de leur patrimoine mobilier. Je réalise en quelque sorte des « audits », en conseillant les familles dans les partages, en matière de fiscalité, etc. ; si besoin, je les dirige vers le bon artisan d’art si les œuvres nécessitent une restauration. A chaque client une situation différente : j’apporte un conseil sur-mesure. Il faut surtout être à l’écoute, faire preuve de psychologie, car dans une œuvre d’art, il y a souvent beaucoup d’affect. Les partages de biens mobiliers sont des occasions qui révèlent la vraie nature des liens familiaux. Mon objectif est donc d’apaiser ces moments de tension.
  • Deuxième métier, lié au premier : le conseil en vue de vente, pour valoriser d’une part le bien (optimiser sa valeur par des recherches historiques et scientifiques) et d’autre part pour trouver le meilleur acheteur, public ou privé, que cela soit par le biais d’une vente aux enchères ou de gré à gré. Par ailleurs, certains me sollicitent pour acheter des œuvres comme placement de diversification.

En bref, j’offre les services que proposent les grandes maisons du marché de l’art, à prix plus compétitifs et un service vraiment personnalisé.

Amélie Beaury-Saurel - Après déjeuner

Amélie Beaury-Saurel – Après déjeuner (détail)

Donc, si j’ai bien compris, par exemple tu fais surtout des inventaires après décès ?

Pas exactement, car certaines personnes font appel à moi pour préparer les partages de leur vivant, en présence de leurs enfants, et pas forcément après décès. Dans ce cas, mon métier consiste à inventorier l’entier contenu d’une maison, du tableau de maître au piano, en passant par la tondeuse à gazon !

Et qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ?

La recherche et les relations humaines. Si le notaire est une oreille pour les familles, le commissaire-priseur en est une autre.

Tu as un exemple de recherche ?

Bien sûr ! Je vais t’en donner deux. Il y a quelques années, j’ai travaillé sur un fonds de dessin, en vue de vente, de Joseph-Ferdinand Lancrenon, un élève de Girodet. C’était un travail passionnant ! Autre exemple : je suis en train de trier et classer près de 700 aquarelles de Philippe Dauchez, un peintre de marine mort il y a trente ans, en vue d’une vente qui aura lieu en octobre prochain à Drouot. J’en profite pour signaler qu’une partie des honoraires et des recettes de cette vente sera reversée à l’œuvre du Père Matthieu Dauchez à Manille.

Philippe Dauchez - L'île d'Elbe

Philippe Dauchez – L’île d’Elbe

En général, j’essaie de faire moi-même les recherches, cela dit, il faut savoir s’entourer. C’est vraiment passionnant de faire des recherches sur l’objet, son histoire, sa provenance, son caractère unique, son intégrité, le cadre dans lequel il a été conçu… Et c’est tout aussi passionnant de trouver un acheteur et de faciliter la transaction.

Quel objet t’a le plus marqué ?

Indéniablement une table à thé, portant une plaque de porcelaine de Sèvres ; cette table princière est la première d’une petite série (une douzaine) et la mieux préservée à ce jour. Ce meuble a obtenu le second prix pour un meuble français du XVIIIe siècle vendu en France. C’est un meuble merveilleux. Et pourtant, je l’ai trouvé conservé dans une simple chambre, sans que les propriétaires ne le mettent en valeur…

Certains affirment que le marché de l’art est en crise profonde. Qu’en penses-tu ?

Il serait difficile de donner une réponse complète, et donc forcément complexe, en quelques lignes. Cela dit, il faut être lucide : pour aimer les objets d’art, il est nécessaire d’avoir été formé, pas forcément de manière « académique », mais au moins d’avoir été formé au goût. C’est ce qui est en train de disparaître : on n’apprécie plus les belles choses car on recherche le fonctionnel et le pratique. On ne collectionne plus, on n’apprend plus à voir. Les gens ne sont plus sensibles à une émotion artistique, même s’ils courent visiter les expositions sans décrypter réellement les œuvres.

Julien Prouvot

Julien Prouvot

Alors que l’art est fondamental pour le bonheur de la personne humaine. Avec la spiritualité, c’est ce qui fait vibrer notre vie, tout en nous replaçant dans la grande continuité de nos prédécesseurs qui ont créé ces objets, dont nous sommes les dépositaires. Les objets d’art permettent de se réapproprier notre histoire, personnelle ou collective. C’est important, nous avons besoin de racines. Mon métier sert donc aussi à redonner le sens du beau, le sens de notre patrimoine et de l’excellence française.

Merci Julien !!

http://www.prouvotartpatrimoine.com

Gustave Doré, l’imagination au pouvoir

26 jeudi Nov 2015

Posted by hilaire in Artiste, Arts divers, Peinture, Sculpture

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XIXe

On le connaît surtout comme illustrateur. Qui n’a pas frémi devant Barbe Bleue et ses yeux sanguinaires ou suivi avec émerveillements les aventures du Chat Botté ?

Gustave Doré - Barbe BleueC’est en effet souvent par cette célèbre édition des Contes de Perrault, parue en 1862 chez Hetzel, que nous connaissons Gustave Doré. Du même coup, nous le rangeons dans la catégorie d’illustrateur pour livre d’enfants, et le plaçons inconsciemment à un rang mineur. Et pourtant, Gustave Doré est sans aucun doute l’un des plus grands artistes français de son époque, un touche-à-tout insatiable et prolifique. Plus de 10 000 œuvres à son actif !

Né à Strasbourg en 1832, il est remarqué très jeune pour son imagination débordante et sa curiosité permanente. En 1843, il suit ses parents à Bourg-en-Bresse, son père ayant été nommé ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées de l’Ain. Il gardera de la Bresse et des Alpes voisines le goût des paysages grandioses de montagne. A Paris où il poursuit ses études, il continue à dessiner frénétiquement. Tant est si bien qu’il est engagé par le Journal pour rire, revue satirique, pour croquer et caricaturer ses contemporains : il n’a que 15 ans.

Gustave Doré - Dante - L'EnferA 22 ans, débute pour lui une fulgurante carrière dans les livres, dont il ne sortira jamais, ce qui ne l’empêchera pas de s’essayer à d’autres arts. D’ailleurs, pendant longtemps, Gustave Doré voulait être considéré comme peintre, l’illustration n’étant qu’un moyen pour lui de se faire connaître. Las, le grand public comme la critique l’encense pour son activité de dessinateur et ignore le reste. Il se fait remarquer en illustrant les plus grandes œuvres littéraires : les Contes de Perrault, mais aussi l’Enfer de Dante, Rabelais, Balzac, Hugo, Shakespeare, etc… Il s’attaque même à la Bible. En 1854, son illustration d’un ouvrage satirique sur la Russie fait de lui l’un des plus grands caricaturistes de son temps mais aussi l’ancêtre de… la première bande-dessinée française. Il remet au goût du jour la gravure sur bois, technique exigeante qu’il améliore. Il aime passer d’un style à l’autre, en s’appuyant à la fois sur une grande imagination et une technique irréprochable. Il aime utiliser des grands formats pour ses gravures, qui lui permettent de les parsemer de détails innombrables, sans pour autant perdre la conception de l’ensemble.

Gustave Doré - Monument à Alexandre DumasOn lui doit aussi une cinquantaine de sculptures, tel le monument à Alexandre Dumas que les Parisiens peuvent admirer place du Maréchal Catroux, dans le XVIIe arrondissement.

Ses peintures sont encore moins connues et pourtant, il est l’auteur d’œuvres religieuses particulièrement réussies, bien de leur époque il faut le reconnaître. Malgré des propositions régulières au Salon, ses peintures ne rencontrent pas le succès, du moins en France. Il ouvre néanmoins une galerie à Londres.

Mort à 51 ans, ses obsèques ont lieu à Sainte-Clotilde où se presse le tout Paris. Cet artiste multi-facettes (dessinateur, peintre, graveur, aquarelliste, sculpteur…) laisse derrière lui une œuvre gigantesque qui a marqué et marque encore de nombreuses générations.

Gustave Doré - Le Christ quittant le prétoire

 

Un hommage en sculpture : les monuments aux morts de la première guerre mondiale

12 jeudi Nov 2015

Posted by hilaire in Sculpture

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XXe

Connaissez-vous Etienne Camus ou Eugène-Paul Benet ? Non bien sûr. Et pourtant, vous avez certainement vu l’une ou l’autre de leurs œuvres. En effet, le premier a sculpté 274 monuments aux morts, le second plus de 120. Partons donc aujourd’hui, puisque l’époque s’y prête, à la découverte des monuments commémoratifs de la première guerre mondiale.

Monument aux morts - Champdieu

Monument aux morts – Champdieu

La France compte plus de 36 000 communes (36 744 précisément en 2015). Une immense majorité d’entre elles possède(nt ?) un monument aux morts. 19 communes n’en n’ont pas eu besoin, ne comptant aucun mort pour la Patrie parmi leurs enfants, tandis que 200 autres se sont abstenues d’en ériger, certaines pour des raisons bassement politiques.

Ajoutons à cela les autres monuments dans les églises, les écoles, les régiments… sans oublier les communes des anciennes colonies : cela nous donne des dizaines de milliers de stèles à imaginer, concevoir, fabriquer et installer. Et donc des milliers d’artistes et entrepreneurs : sculpteurs, marbriers, ferronniers, peintres, mosaïstes…

Bien entendu, tous les monuments aux morts ne sont pas des chefs-d’œuvre, loin de là. Les municipalités avaient à leur disposition de véritables catalogues de modèles, plus ou moins personnalisables. Par exemple, le soldat dit en Résistance d’Henri-Charles Pourquet – le numéro 854 de la fonderie du Val d’Osne – a été l’un des plus gros succès du moment : grandeur nature, l’air martial, le regard vers le ciel, il illustre à merveille le « on les a eus » cher à de nombreuses municipalités. Et puis, choisir un monument de série était d’un moindre coût.

Monument aux morts - Nice

Monument aux morts – Nice

Il faut avouer que le vocabulaire est assez restreint. Les mêmes symboles apparaissent inévitablement : un poilu, un coq, une allégorie de la victoire… Dans l’ensemble les communes ont davantage axé leur hommage vers la gloire, le courage et l’héroïsme des poilus que vers des sentiments anti-militaristes, voire anti-patriotiques. S’ils ont parfois leur notoriété locale, les monuments aux morts pacifistes sont en réalité peu nombreux, au maximum une soixantaine pour toute la France, allant du simple « Plus de guerre » jusqu’à l’inscription d’une citation de Karl Marx « L’Union des Travailleurs fera la paix dans le monde ».

CatalogueA côté de cette armada de « Prêt à honorer » décorant la plus grande partie du territoire, les communes plus riches ou appuyées par de généreux donateurs pouvaient s’offrir le luxe d’une création originale sur-mesure.

Par exemple, le monument aux morts de Nice est réalisé par Roger Séassal, architecte et grand prix de Rome. Classé Monument Historique, il mesure 32 mètres de haut, à flanc de rocher.

Le monument aux morts de Lodève est également une belle pièce artistique, Paul Dardé, son auteur n’ayant d’ailleurs pas caché son antimilitarisme. Il évoque la souffrance des mères et femmes de poilus.

Autre exemple, le monument aux morts de Champdieu (Loire), situé dans l’église du village, est une Pieta de facture honorable.

Monument aux morts - Trévières

Monument aux morts – Trévières

Certains monuments sont originaux, tels celui de Camplong (Hérault) qui repose sur un casque prussien ou celui de Trévières (Manche) défiguré par un obus… pendant le débarquement en Normandie et qui l’a transformé en gueule cassée.

Et vous ? Connaissez-vous le monument aux morts de votre commune ? Comment est-il ? Envoyez-nous une photo !!

 

Monuments aux morts - Lodève

Monuments aux morts – Lodève

Monument aux morts - Camplong

Monument aux morts – Camplong

Addendum : une fidèle lectrice m’envoie cette photo – il s’agit du monument aux morts de Fonts-Saint-Denis réalisé en 2000 par Louis Réminy pour remplacer le précédent, volé, et qui représentait un soldat de type européen, auquel les Martiniquais avaient du mal à s’identifier…

DSC04973Une nouvelle contribution, en Nouvelle-Calédonie cette fois, en hommage à l’ancêtre d’une lectrice.

Voh

Voh

Une autre lectrice (décidément) nous parle du monument aux morts de Tourcoing, particulièrement imposant, avec sa théorie de soldats. On pourrait l’appeler « Poussez-pas derrière ! »

Monument aux morts de Tourcoing

La vallée des saints, un projet fou pour l’éternité !

15 jeudi Oct 2015

Posted by hilaire in Sculpture

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Bretagne, Monument, XXe

Depuis sa création, Artetvia vous a présenté des sites et des monuments dont l’intérêt artistique est indéniable (sinon, ils n’auraient pas été choisis, évidemment…) et dont l’histoire est souvent mouvementée.

Vallée des saints - Saint Lunaire

Saint Lunaire

Partons aujourd’hui à la découverte d’un « site historique »… en construction ! Non, ce n’est pas Guédelon et son éternel chantier, non ce n’est pas l’Hermione qui parcourt les mers. Nous partons au contraire au cœur de la Bretagne, dans la vallée des saints (sans mauvais jeu de mots).

Le lieu est situé à Carnoët, à quelques kilomètres de Carhaix et des gorges du Corong, autrement dit au milieu de la Bretagne, dans cet Argoat quelque peu délaissé par le tourisme et la vie économique, dans un paysage très vert, délicatement mamelonné, parsemé d’un tumulus, d’une motte féodale, d’une chapelle gothique pointant vers le ciel, d’une fontaine sacrée et d’une dentelle de sentiers. Le site s’ancre vraiment dans une histoire !

L’idée vient d’un homme, Philippe Abjean, suffisamment fou pour avoir de tels projets, suffisamment sage pour les mener à bien. C’est lui qui a ressuscité il y a vingt ans le Tro Breizh, pèlerinage reliant les sept villes des sept saints fondateurs de la Bretagne : Corentin, Pol Aurélien, Tugdual, Brieuc, Malo, Samson et Patern. En 2008, il fait émerger une autre intuition.

Qu’elle est-elle ? Il s’agit de présenter au public une collection de 1 000 statues monumentales de saints bretons, le tout dans un parc de 40 hectares. Vous avez bien lu, 1 000 grandes statues, en gros granit breton.

Vallées de saints - Saint Conogan

Saint Conogan

C’est un projet très ambitieux, placé entre le témoignage de foi, l’affirmation de la culture bretonne, la revitalisation rurale, le soutien à la filière du granit et l’éclosion de talents artistiques.

Nul n’est pressé, le matériau choisi est solide, les sculpteurs nombreux, le lieu quasi immuable. Les 50 premières sculptures sont d’ores et déjà mises en place, financées par des mécènes ou des souscriptions. Plusieurs communes de la région se sont déjà offert « leur » saint patron. Chacun d’entre eux est représenté avec son attribut : saint Lunaire et son épée princière, saint Cornély transformant ses ennemis en menhir, Sainte Gwenn et… ses trois seins car reconnue pour sa fécondité ! Vous pouvez vous aussi participer au financement de la statue de Servan, Riwal, Marzin, Fiacre ou Coulit et de centaines d’autres.

Vallée des saints - Saint Herbot

Saint Herbot

L’intérêt est aussi de faire travailler différents sculpteurs, ce qui donne un évident camaïeu de styles, parfois fort étonnants, de temps en temps pas très heureux il faut le reconnaître. D’une manière générale, les statues sont massives, les traits rugueux, un peu à l’image de l’environnement. En même temps, il faut qu’ils résistent aux intempéries et au temps.

Saint Lunaire, saint Tugdual ou saint Samson auraient pu clairement se trouver sur l’île de Pâques ou chez les Olmèques, saint Hervé ou saint Patrick dans une église des années 1930, saint Thuriau à Beaubourg. Sainte Anne est plus classique tout comme saint Idi ou sainte Coupaïa (ah oui, vous cherchez un prénom original ? Vous avez le choix : Derrien, Caduan, Herbot, Telo…). Le hiératisme des statues de Seenu Shanmugam vient s’opposer aux traits très épurés de Jacques Dumas. La douceur du ciseau de Patrice le Guen contraste avec la puissance de Philippe Leost.

Les statues sont posées à même le sol, sans chichi, ni écriteau, un peu comme des mégalithes posés pour l’éternité. Certains ont même parlé de « Stonehenge du XXIe siècle », christianisé celui-là !

C’est une œuvre originale et puissante que je vous invite donc à visiter et pourquoi pas à encourager.

http://www.lavalleedessaints.com

Vallée des saints - Saint Malo

Saint Malo

Vallée des saints - Saint Konan

Saint Konan – Regardez la taille de la bête ! C’est monumental

Antoine Tarantino, marchand d’art ancien et expert en archéologie

25 jeudi Sep 2014

Posted by hilaire in Entretien avec un artiste, Peinture, Sculpture

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Antoine Tarantino me reçoit dans sa galerie, à deux pas de Notre-Dame de Lorette. Les cratères grecs se mêlent aux dessins et peintures du XVIIe siècle et aux idoles babyloniennes pluri-millénaires. Tout est calme… et tout est beau !

Bonjour Antoine, comment devient-on marchand d’art, expert en archéologie ?

J’ai connu un parcours atypique, comme beaucoup de monde dans ce milieu-là. J’ai commencé ma carrière professionnelle comme… gendarme ! Après quelques années de service, j’ai préparé le concours d’officier et je logeais à l’époque près de l’Hôtel Drouot. J’ai commencé à fréquenter les ventes aux enchères. Par hasard, je rencontrai Jacques Charles-Gaffiot, qui m’a proposé d’être commissaire adjoint d’une exposition sur le destin des collections royales. J’ai accepté, démissionné de l’armée et c’est parti. C’est un peu fou ! Je n’avais aucune formation académique, seulement une passion. C’était en 1989. Par la suite, j’ai suivi l’Ecole du Louvre et travaillé en tant que salarié pour plusieurs grands marchands : Jacques Fischer et Jean-Philippe de Serres notamment. C’est là que j’ai appris le métier et que j’ai été nommé expert.

Expert ?

Delino - Trinité des Monts

Dessin original de Simone Felice Delino pour le décor éphémère de la Trinité des Monts à Rome à
l’occasion de la guérison de Louis XIV en 1687

C’est un titre de reconnaissance de « la profession » (et non un diplôme), accordé par cooptation par nos instances représentatives (syndicat professionnel). On pourrait s’auto-nommer expert, mais sans aucune crédibilité. Il y a une condition : on ne peut pas être expert dans deux domaines. Je suis donc expert en archéologie depuis 2003. Nous sommes peu nombreux ; par exemple, je fais partie d’une association internationale (International Association of Dealers in Ancien Art) où nous sommes 35… dans le monde !

Et actuellement ?

J’exerce deux activités : j’ai créé ma propre galerie en 2006. Je suis marchand spécialisé en archéologie, en dessins et tableaux anciens, particulièrement d’artistes italiens, ou français influencés par les italiens.

Cette double « casquette » est un peu atypique et gêne certains clients qui ne conçoivent pas que l’on peut avoir une bonne connaissance dans deux domaines. Les gens attendent une spécialité. Et pourtant les peintres et dessinateurs du XVIIe étaient d’excellents connaisseurs de l’antiquité ! Il y a une « filiation d’intérêt ». Ce n’est pas du tout illogique.

Pour l’archéologie, je m’intéresse surtout au pourtour méditerranéen (Mésopotamie, Egypte, Grèce, Rome), beaucoup moins à l’archéologie chinoise ou celtique.

Par ailleurs, je suis expert en archéologie. Plusieurs études de commissaires-priseurs font appel à moi pour authentifier tel ou tel objet.

Comment faire pour bien acheter ?

Galerie TarantinoC’est très simple… J’achète ce qui est beau et ce qui me touche ! J’ai besoin d’aimer un objet pour pouvoir l’acheter et le vendre. Il doit être authentique, beau, en bon état de conservation et de provenance sûre. Ce dernier point est indispensable, surtout en archéologie. Je suis très rigoureux sur la qualité des objets. Avec l’expérience, j’ai appris à reconnaître un vrai d’un faux. C’est plus difficile qu’en fouille car l’objet est hors contexte. Le matériau, l’usure, la technique, le style… constituent un faisceau d’arguments me permettant d’authentifier l’objet. S’il est faux, je le mets à la poubelle, cela m’est arrivé, heureusement rarement. Quand on ne croule pas sous l’or, et bien on achète avec plus de discernement, chaque achat est mûrement réfléchi ! J’achète principalement à des confrères – j’ai un réseau de partenaires fidèles et sûrs – à des particuliers, plus rarement en salle de vente.

Et les clients ?

Antoine TarantinoIls viennent du monde entier : France, Allemagne, Chine, Etats-Unis… C’est un marché mondial. Mes clients sont soit des marchands qui cherchent des pièces pour leur propre clientèle, soit des personnes à titre privé, collectionneurs ou non, soit des conservateurs de musée. J’ai travaillé récemment pour le Louvre, pour un musée de Los Angeles, pour le Musée de Besançon… En revanche, les liens avec les organismes culturels publics sont très minces : il y a un fossé entre le public et le privé. Tous mes clients ne sont pas des gens forcément très fortunés : je vends certains objets valent quelques centaines d’euros. Pour 500 euros, vous avez un petit vase grec du troisième siècle avant Jésus-Christ en excellent état !

Et comment se faire connaître ?

Je communique principalement par le bouche à oreille, par le réseau, par quelques salons (mais qui coûtent cher – Bruxelles, peut-être un jour le Salon du dessin ou Maastricht, le plus connu au monde) et par les expositions que j’organise dans la galerie. C’est un excellent moyen de promotion. Chaque exposition demande un temps important de préparation, mais cela contribue à diffuser notre travail et même à assurer une certaine notoriété dans le milieu de l’art ancien en obtenant de nouveaux contacts. Cela vaut le coup, même si les retombées financières ne sont pas immédiates. Le vernissage de la dernière exposition « Les fastes du pouvoir » a été une vraie réussite !

Et le collectionneur que vous étiez ?

Il n’existe plus vraiment ou du moins tel qu’il était. Depuis la création de ma galerie, je ne collectionne plus car je ne veux pas que les gens imaginent que je garde le meilleur pour moi. Désormais je collectionne pour la galerie et ce avec le même plaisir et la même passion. Evidemment, il y a des pièces que j’aurai aimé garder. Mais, il faut bien faire vivre ma famille et cette dernière est plus importante à mes yeux que le plus bel objet du monde.

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier ?

Galerie Tarantino 3La recherche, vraiment ! C’est une vraie enquête policière (ou de gendarmerie !) : authentifier un objet, retracer son histoire, retrouver les esquisses, c’est passionnant. Par exemple, je viens d’authentifier un dessin de Donato Creti et de trouver la fresque dont c’était l’esquisse. J’ai en ce moment, un merveilleux tableau qui me résiste depuis 4 ans !

Honnêtement, ce n’est pas un métier facile et on ne connait pas la sécurité de l’emploi : le risque est important, 99% des habitants de notre pays ne s’intéressent pas aux objets que je vends… ! Je ne dors pas toutes les nuits car il y a parfois une pression énorme lorsqu’on ne vend rien pendant trois mois mais je ne le regrette pas ! Il faut de la passion et de la patience. J’ai trouvé, par miracle, le métier sur mesure qui me convenait et suis conscient de la chance que cela représente !

 

Merci beaucoup Antoine !

www.galerietarantino.com

38 rue Saint-Georges, 75009 Paris

Henri Charlier, peintre et sculpteur de l’absolu [addendum du 22 septembre 2014]

18 jeudi Sep 2014

Posted by hilaire in Artiste, Peinture, Sculpture

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XXe

Désolé, le sujet est si vaste que je vais laisser certains lecteurs sur leur faim. Je pourrai prolonger cet article un jour ou l’autre, notamment sur son style et son influence.

Il s’appelle Charlier, Henri de son prénom. Ne le confondez pas avec Jean-Michel Charlier, le fameux auteur de bandes-dessinées, notamment Buck Danny, Blueberry, la patrouille des Castors, Barbe-rouge, Tanguy et Laverdure.

Charlier 2Toujours est-il que le Charlier prénommé Henri est né à Paris en 1883 d’un père violemment athée ; il n’est donc pas baptisé, ce qui en étonnera plus d’un plus tard, moi le premier ! Très jeune, il s’intéresse à l’art : peinture (notamment Puvis de Chavannes), mais aussi musique (il joue du piano). A dix-neuf ans, il entre dans l’atelier de Jean-Paul Laurens où il ne reste qu’un an, mais cette expérience lui confirmera sa vocation d’artiste. Il travaille à Paris où il installe son atelier, côtoie Rodin, Matisse, Bourdelle (quand même !). Il admire son premier Gauguin en 1910 et en sera marqué à vie ; l’année d’après, il expose pour la première fois, au Salon des artistes indépendants. Deux ans plus tard, après une longue période de réflexion, il se fait baptiser, se marie et se met à fréquenter les écrivains catholiques, en particulier Maritain, Péguy et Psichari. C’est à cette époque qu’il demande l’oblature bénédictine et visite le Mesnil Saint-Loup, prieuré olivétain situé dans l’Aube. Engagé en tant qu’infirmier pendant la guerre, alors qu’il est réformé, il profite de ses permissions pour sculpter. Désormais, il sera davantage sculpteur que peintre.

Charlier - ViergeEn 1925, il se retire avec son épouse au Mesnil-Saint-Loup où il passera le reste de sa vie. Il y ouvre un atelier de sculpture, peinture, vitrail, broderie (si, si). Il crée même un orchestre pour les habitants ! Il donne également des conférences de philosophie de l’art et d’esthétique, il organise des concerts… C’est lui qui sculpte la croix de la tombe de Péguy, plusieurs monuments aux morts et des chapiteaux (église de Prunay-Belleville). Pendant l’exode, il se réfugie en Auvergne et continue à sculpter : il entame la décoration de l’église de la Bourboule (chapiteaux, tympan, autel, statues). Après-guerre et de retour au Mesnil, il continue à travailler sur des projets variés, y compris l’écriture d’un ouvrage sur Jean-Philippe Rameau, un sur Couperin, un sur le chant grégorien, un autre sur la réforme de l’enseignement et surtout son maître ouvrage L’Art et la pensée. Il meurt le 24 décembre 1975, quatre ans après son jeune frère André, enseignant, directeur d’école, écrivain et musicien.

Charlier - Chaste SuzanneComme vous pouvez le constater, son œuvre est immense : en effet, il est sculpteur, peintre, écrivain, philosophe… On compte plus d’une centaine de sculptures individuelles, de grands ensembles (maîtres-autels, bas-reliefs..), des gisants… : le catalogue fait 32 pages ! Mais aussi, de nombreuses peintures et dessins, moins connus et tout aussi magnifiques. Sans oublier 14 livres publiés, des dizaines et des dizaines d’articles, notamment dans Itinéraires sous la signature de Minimus (lui, le grand !). C’est un artiste complet qui allie œuvre des mains et œuvre de l’esprit. Peut-on les dissocier d’ailleurs, tant elles sont imbriquées ? Artiste et penseur chrétien, il faut lire et relire ses textes lumineux, aussi pénétrants en théologie qu’en histoire de l’art, saupoudré d’une culture artistique immense et d’une sensibilité sans égale. Artiste bien de son temps, il est influencé par son époque (Puvis, Gauguin…) mais n’oublie pas l’héritage de la sculpture médiévale et des primitifs français : il suffit de voir « ses » visages pour s’en convaincre. Il voit l’art comme une composante indispensable de toute société qui lui permet de s’ouvrir à la transcendance. Comme il l’écrit : « Le beau est une valeur morale indispensable à la société. L’amour est fait de beau et de bon, et c’est cela le vrai : l’amour du beau et du bon. L’œuvre de l’intelligence est de scruter l’œuvre de l’amour divin sans oublier jamais cet amour fondement et aboutissant de toute la création.»

Maintenant, place aux oeuvres, le choix a été très difficile !

Charlier - Notre-Dame de l'Annonciation Henri Charlier 3 Henri Charlier 1  Henri Charlier - Notre-Dame de lumière  Henri Charlier - Christ

Addendum du 22 septembre 2014 : une fidèle lectrice me communique l’information suivante.

« Nous sommes allés visiter l’église du Saint-Esprit, avenue Daumesnil (XIIe arrondissement), où je n’étais jamais rentrée car le style bain-douche, d’extérieur, n’est pas forcément séduisant. Bref tout ça pour dire que c’est une belle surprise, et qu’on y trouve une fresque … d’Henri Charlier !! Superbe, il faut la voir en vrai !
http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Paris/Paris-Saint-Esprit.htm« 
Il y aussi des oeuvres de Maurice Denis (note d’Artetvia)

Rétrospective – Les arts plastiques

24 jeudi Oct 2013

Posted by hilaire in Artiste, Peinture, Sculpture

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Au cours de ces derniers mois, vous avez pu découvrir sur ce site un certain nombre d’œuvres et d’artistes, connus ou moins connus. Les livraisons étant hebdomadaires, vous avez peut-être manqué quelques épisodes. Et puis, les nouveaux lecteurs, nombreux depuis quelques semaines, n’ont sûrement pas farfouillé dans les archives. Au lieu de reprendre les articles tels quels, je vous propose une petite rétrospective de la (presque) année écoulée. Les articles repris seront illustrés par une œuvre, il suffira de cliquer sur le titre pour avoir accès à l’ensemble du texte.

Aujourd’hui nous nous attacherons aux arts plastiques. Dans les semaines à venir, une autre série devrait porter sur la musique et une troisième sur le patrimoine.

Je vous place les titres en vrac, à vous de retrouver l’oeuvre correspondante, parmi celles présentées ci-dessous (sans tricher !)

Le musée Cognacq-Jay

Job

Jean Fréour

Dalou

Gerard Ter Borch

Marie Storez

La Renaissance au Louvre

Marin Marie

Anne-Sophie Bonno

 

Baigneuse s'essuyant les pieds

Dans le style flamand

Ter Borch - Le moulin

Fréour - Sainte Famille

MS 20Cognacq-Jay 1Charge de Murat à Eylau

della Robia

Bisquines

Et la semaine prochaine, nous visiterons un cimetière ! Le temps s’y prête.

Attention, chefs-d’œuvre ! Le printemps de la Renaissance au Louvre

17 jeudi Oct 2013

Posted by hilaire in Peinture, Sculpture

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Louvre, Musée, Renaissance, Toscane

Vous allez dire « Encore la Renaissance italienne ! », c’est vrai, j’ai quelques marottes, mais bon, il m’est plus facile d’écrire sur Donatello que sur Calder, Christo ou Niki de Saint Phalle – et encore, eux sont de vrais artistes, quant à d’autres…

Je n’aime pas le Louvre, j’ai eu l’occasion de l’écrire plusieurs fois : il y a trop de monde, trop de bruit, trop d’œuvres, aussi belles ou connues soient-elles.

Et pourtant, par le thème alléché, je suis allé visiter l’exposition consacrée aux débuts de la Renaissance italienne qui s’y tient.

Et je n’ai pas été déçu, bien au contraire ; c’est tout simplement exceptionnel. Tout ce que vous apprenez en histoire de l’art sur cette période, et bien vous l’avez en vrai, en peinture et en marbre !

Donatello - PuttiEn dix salles, on assiste à l’éclosion d’une révolution artistique, intellectuelle, théologique, politique. C’en est même émouvant !

Tous y sont présents, ou presque, avec dans le désordre, Ghiberti, Brunelleschi, Donatello, Pisano, Nanni di Banco, Filarète, Uccello, della Robbia, Masaccio, Lippi, Alberti… Tout ce petit monde travaillait en Toscane, principalement à Florence et quasiment au même moment. Pour une ville de 40 000 habitants, vous imaginez le nombre de génies au mètre carré.

Del Castagno - Sibylle de CumesL’exposition propose principalement des sculptures et des fresques, un peu d’orfèvrerie et d’enluminure ainsi que quelques peintures. Son intérêt est également de mettre en regard les œuvres de la Renaissance et leurs modèles antiques, qui évidemment ne dépareillent pas, que cela soit le buste d’un patricien, l’un romain, l’autre florentin (le laid Francesco Sassetti, le pote de Laurent le Magnifique par exemple) ou des puttis ailés, joufflus et fessus, christianisés du bout des lèvres sous le nom de spiritelli. Admirons d’ailleurs les nombreuses sculptures et bas-reliefs romains, tout en finesse et en austérité, notamment un sarcophage ouvragé très bien conservé dont les nombreux personnages ont un mouvement général extraordinaire.

Donatello - Madone PazziIci où là, subsistent quelques traces du gothique international, notamment dans certaines peintures où les oripeaux médiévaux apparaissent avant de s’évanouir dans le cours de l’histoire. Entretemps, vous aurez le loisir d’admirer deux œuvres emblématiques de la naissance de la Renaissance : des panneaux en bronze doré de Ghiberti tels qu’on peut les voir sur les portes du baptistère du duomo de Florence, et des statues identiques à celles de l’église d’Orsanmichele (Nanni di Banco, Donatello et plus tard Verrochio).

della Robia

Trois points à retenir

Un artiste : Andrea del Castagno et ses fresques, particulièrement la sibylle de Cumes et le portrait de Boccace.

Une œuvre : une vierge à l’enfant de Luca della Robbia (l’oncle d’Andréa), d’une beauté inouïe.

Une technique : le stiacciato, qui permet d’obtenir des bas-reliefs avec peu de profondeur, en accentuant la perspective par la multiplication des plans, technique que Donatello a utilisée avec brio pour sa madone Pazzi.

Je ne vous en dis pas plus. Allez-y, vraiment !

Le printemps de la Renaissance – La sculpture et les arts à Florence, 1400-1460

Du 26 Septembre 2013 au 6 Janvier 2014

http://www.louvre.fr/expositions/le-printemps-de-la-renaissance-la-sculpture-et-les-arts-florence-1400-1460

Vézelay, la colline inspirée (I)

20 jeudi Juin 2013

Posted by hilaire in Patrimoine, Sculpture

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roman, Vézelay, Villes et villages

Ce sujet, extrêmement riche et me tenant particulièrement à cœur, fera l’objet de deux articles séparés sur Artetvia. Et puis ayant l’humeur digressive aujourd’hui, ça ferait un peu long…

Dans le paysage délicatement vallonné de l’extrême-nord du Morvan se dresse une colline, ceinte d’un rempart – du moins ce qu’il en reste – et couronnée d’une imposante basilique : Vézelay. 450 habitants aujourd’hui, plusieurs milliers à l’époque médiévale. Une placette en bas, une rue tortueuse montant à la basilique bordée de vieilles bicoques (hors de prix d’ailleurs), un belvédère, quelques rues adjacentes, des pentes sud couvertes de vigne, c’est tout. Il semble difficile d’imaginer que ce village est chargé d’histoire, depuis la nuit des temps.

Vézelay - Vue sud-ouest

Vézelay – Vue sud-ouest

A l’arrivée de nos ancêtres les Gaulois (les époques de Hallstatt et de la Tène, vous connaissez tous ça bien évidemment), le site avait déjà été occupé, sans doute par les cousins des types qui ont dressé les menhirs et les dolmens (hé non, ce n’est pas Obélix et ses potes, raté). Les Celtes l’ont visiblement habité de manière permanente, avec un sanctuaire druidique en son sommet. Certains affirment que le nom de Mont Scorpion donné à la colline viendrait de ce culte, ce dont personnellement je doute, cet animal étant absent du bestiaire celte, le répertoire gaulois privilégiant en effet le sanglier, les cervidés, le cheval, les rapaces et les bovidés, sans oublier griffons, dragons, animaux androcéphales et autres créatures imaginaires (je vous avais prévenu, j’ai l’humeur digressive !). Les Romains arrivèrent et établirent notamment des thermes à proximité de la colline.

Vézelay - Vue générale

Vézelay – Vue générale

Le lieu a rapidement été christianisé et a conservé son caractère de haut lieu spirituel, au sens propre comme figuré. Déjà sous le règne de Louis le Pieux, un monastère est érigé ; détruit par les Normands, l’abbaye est reconstruite en haut de la colline. Le culte de sainte Marie-Madeleine s’y développe, la basilique accueillant ses reliques, transférées depuis la Sainte-Baume. Depuis cette époque le débat existe entre les deux sanctuaires, l’un et l’autre revendiquant la possession des reliques de la femme pécheresse de l’Evangile, qui a fait fantasmer plus d’une âme naïve et rapporter beaucoup de gros sous à Dan Brown. Saint Louis a plaidé en faveur de Vézelay, le Pape Boniface VIII décrété le contraire : bref, rien n’est tranché.

Les reliques de Marie-Madeleine attirèrent une foule immense qu’il fallut accueillir à l’abbaye qui dépendait alors de Cluny. Il fallut construire beau et grand et ce fut la basilique Sainte-Marie-Madeleine. A l’époque, le sanctuaire était le plus grand lieu de pèlerinage de la Chrétienté, devant Rome et Saint-Jacques-de-Compostelle. Moralité, de hauts faits s’y sont déroulés et de hauts personnages s’y sont arrêtés (et vive le saucisson), même après le déclin de la basilique à partir du XVème siècle.

C’est là que saint Bernard prêcha pour lancer la deuxième croisade, devant 30 000 personnes, dit-on. Il reste encore le rocher d’où il parla. Saint Louis y vint à plusieurs reprises. Le calviniste Théodore de Bèze y naquit et transforma le village en place forte protestante. Après les Guerres de religion, la révolution acheva de transformer la riche et opulente ville en un village quasi abandonné, mais gardant dans ses ruines sa grandeur passée. Jusqu’à ce qu’un jeune architecte de 26 ans, Viollet-le-Duc fut mandaté par Mérimée, Prosper de son prénom et inspecteur des Monuments historiques de son état, pour restaurer la basilique : les arbres poussaient dans le chœur et le tympan était à l’état de ruine. En 1876, la restauration est achevée, le village renaît, sa vocation spirituelle aussi, le tourisme se développe et les artistes accourent.

Après cette introduction historique, un peu longue certes, mais nécessaire pour comprendre le comment du pourquoi, arrêtons-nous un instant devant la basilique. Elle est construite à l’emplacement exact où les ondes telluriques sont les plus importantes – au sens scientifique du terme, pas ésotérique, même si malheureusement, à cause de cela, les psycho-dingos de tout poil et du monde entier s’y donnent rendez-vous, notamment durant le solstice d’été, seul jour où le soleil frappe le milieu de la nef pour former un chemin de lumière.

Basilique Sainte-Marie-Madeleine - La nef

Basilique Sainte-Marie-Madeleine – La nef

Admirez d’abord le monument dans son ensemble : il est vaste. 120 mètres de long, 24 mètres de large et 38 mètres pour la tour Saint-Michel, la plus haute. J’ai eu la chance de pouvoir y grimper (c’est le mot, les frêles escaliers de bois sont branlants, on frôle le bourdon en espérant qu’il ne cloche pas à ce moment, les rambardes sont hasardeuses…). Mais là-haut, quel spectacle ! On domine toute la région, et même apercevoir Bazoches, le château de Vauban, pourtant situé à plus de 12 kilomètres.

Les proportions de l’édifice sont bien équilibrées, les travées de la nef d’une régularité apaisante, les 5 absidioles du chœur mesurées. Le narthex est majestueux et possède des tribunes dominant le reste de l’édifice. Il est connu pour son tympan ouvragé, bien remanié par Auguste (Viollet-le-Duc, pas César) – en fait il s’appelle Eugène, je viens de vérifier, désolé pour l’erreur grave. Je ne vais pas vous le décrire par le menu, des livres entiers lui ont été consacrés.

La nef, plus longue que celle de Notre-Dame de Paris, est très lumineuse, grâce aux larges ouvertures du haut des bas-côtés. Les chapiteaux des piliers sont magnifiques, représentant des scènes bibliques ou tout à fait profanes, voire païennes (juste ciel !). Les arcs doubleaux alternant les claveaux clairs et foncés sont, avec l’âge, plus ou moins déformés ; cela se voit bien de la tribune du narthex. La crypte ressemble… ben à une crypte : il fait froid, humide et sombre, mais c’est beau et émouvant.

Basilique Sainte-Marie-Madeleine - Tympan du narthex

Basilique Sainte-Marie-Madeleine – Tympan du narthex

Quant au chœur, la seule partie vraiment gothique de la basilique, très lumineux (la pierre est plus claire) et particulièrement dépouillé, il dresse ses lignes verticales vers le ciel et, par la rupture tranquille ainsi créée, renforce sa place de « saint des saints » dans l’édifice.

Voilà, c’est beau et, comme le dit Bibendum, cela mérite le détour !

Mais Vézelay recèle bien d’autres richesses insoupçonnées. La suite dans un prochain numéro – Ici

Je remercie Martin B., habitant Vézelay, pour ses précieuses explications et grâce à qui j’ai pu connaître ce merveilleux endroit.

Dalou à Cognacq-Jay : la révolution et la grâce

06 jeudi Juin 2013

Posted by hilaire in Artiste, Evénement, Sculpture

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Dalou, Marais, Musée, Paris

Le changement, c’est maintenant ! Après un article un peu long (sur Job), place à l’entrefilet.

Je vous avais présenté il y a quelques mois le musée Cognacq-Jay, un petit bijou posé dans le Marais, à deux pas de la place des Vosges et qui offre une superbe collection d’objets d’art du XVIIIème siècle, mobilier, peinture, sculpture et arts décoratifs.

Je vous avais présenté brièvement Dalou, le sculpteur communard, à l’occasion de notre visite du Petit Palais, notablement fameux pour son Triomphe de la République.

Et bien, j’ai la joie de vous annoncer que les deux sont désormais unis pour le meilleur mais non pour le pire le temps d’une exposition.

Dalou s’expose en effet à Cognacq-Jay. Lui le révolutionnaire, le socialiste utopiste, genre phalanstère à la Fourier et Godin, au milieu de pièces très peu « classes laborieuses et industrieuses » ? On va loin dans le contraste ! Et bien figurez-vous que non !

Bon nombre d’œuvres sont en fait de facture et de thèmes très classiques. Dalou ne dépareille pas avec les Houdon, Lemoyne et autre Clodion des collections permanentes. De charmants bustes enfantins, très purs dans leur matériau, leur plastique et leur regard (sans l’ambiguïté sciemment masquée de peinture de Greuze), des groupes mythologiques, nymphes, putti dodus et fessus, etc…

Dalou a visiblement été fortement inspiré par ses prédécesseurs du XVIIIème siècle, oscillant entre une tendance classique et sage et les effets de manche de la rocaille, tout en gardant leurs caractéristiques communes : raffinement de la matière, virtuosité des accents, finesse maniérée des formes. En quelque sorte, l’idéal réaliste, comme aurait dit Pigalle : en tout 35 terre-cuites, plâtres et bronzes de ce grand artiste qui vous sont présentés dans le splendide et calme écrin qu’est l’Hôtel Donon.

C’est gratos et c’est jusqu’au 13 juillet 2013

Quelques oeuvres

Ariane et Bacchus

Ariane et Bacchus

La liseuse

La liseuse

Baigneuse s'essuyant les pieds

Baigneuse s’essuyant les pieds

Buste d'enfant

Buste d’enfant

Musée Cognacq-Jay, 8 Rue Elzevir dans le IIIème – Métro Saint-Paul

Dalou fait par ailleurs l’objet d’une exposition au Petit Palais intitulée « Dalou le sculpteur de la République » avec des œuvres plus politiques et sociales, présentant près de 400 œuvres (sculptures, peintures, dessins…).

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