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Archives de Catégorie: Artiste

Arvo Pärt, le grand

01 jeudi Juin 2017

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Estonie, XXe

Connaissez-vous Arvo Pärt ? Il est Estonien. C’est un compositeur né en 1935. L’un des plus grands toujours vivants. Ces pièces musicales sont belles. Voilà.

Ceux qui ont le courage d’aller plus loin peuvent donc lire cet abécédaire, pour avoir une connaissance « impressionniste » du compositeur. Comme il manque quelques lettres, je compte sur les lecteurs pour compléter.

A comme Alina : Für Alina marque un tournant dans la carrière d’Arvo Pärt ; c’est une pièce de transition entre la première partie de sa vie de compositeur durant laquelle Pärt suit la mode occidentale de son temps : le dodécaphonisme et le sérialisme, et la deuxième partie où la recherche du pur son le rapproche de la musique ancienne et notamment du plain-chant.

B comme Berlin : la ville qui l’accueillit, après un court passage à Vienne, suite à son exil forcé d’Estonie en 1980. Il y vécut près de vingt ans et c’est là qu’il composa ses plus beaux morceaux. Depuis, il est revenu dans son pays natal, même s’il a acquis la nationalité allemande et qu’il revient à Berlin régulièrement.

C comme collage sur B-A-C-H : une œuvre de jeunesse (1964), « amusante » dans sa structure, avec un thème Si-La-Do-Sib (comme les lettres composant le mot Bach), mêlant des passages qu’auraient pu écrire le cantor de Leipzig et des passages beaucoup plus contemporains.

D comme dodécaphonisme : le grand modèle de la jeunesse de Pärt – Avec le dodécaphonisme, la musique devient atonale et chacune des douze notes de la gamme ont une égale importance. Ecoutez du Schönberg, du Webern ou du Berg et vous verrez. C’est spécial quand même.

E comme écriture : l’écriture de Pärt est un long travail. Si certains compositeurs trouvent leur style très jeune, pour Pärt, ce fut un long et tortueux chemin. Passée la fougue de la jeunesse, il s’arrêta presque de composer pendant dix ans (1968-1976), le temps de mûrir sa propre esthétique. Bien lui en a pris car le résultat est somptueux.

F comme Fratres (1977) : la pièce que je préfère (et je ne suis pas le seul), surtout dans sa version pour violon et piano (moins dans sa version orchestrale). Les deux instruments dialoguent et se fondent. Le thème récurrent des accords frottés puis en pizzicato rythme la pièce. C’est magnifique.

G comme chant grégorien ou plutôt plain-chant : Arvo Pärt puise son inspiration dans le plain-chant et son économie – des longues et des brèves, pas de rythme au sens contemporain du terme mais des phrases entières comme de longues respirations. Pas de tonalité mais une musique modale.

I comme ingénieur du son : c’est le premier métier d’Arvo Pärt, ce qui lui donnera une certaine acuité sonore. Son son est précis et juste. Point trop n’en faut, juste le nécessaire pour exprimer l’essentiel.

J comme Josquin des Prés : le grand compositeur de la Renaissance (1450-1521), sur lequel Pärt travaillera, à une époque où ce répertoire était passablement oublié, comme source d’inspiration pour son écriture propre et non comme pastiche.

K comme Kanon Pokajanen (1997) : une œuvre majeure, commandée par la cathédrale de Cologne pour ses 750 ans. Le retour à la foi et à la musique sacrée de son enfance est ici patent.

L comme liturgie : Pärt n’est pas un liturgiste au sens propre du terme, mais l’influence de la liturgie orthodoxe est visible dans son œuvre chorale – cf. musique sacrée.

Arvo PärtM comme minimalisme : s’il fallait faire rentrer Pärt dans une case, pour ceux qui aiment ça, nous pourrions dire que c’est un compositeur minimaliste. En réalité, si sa musique est épurée, le sens qu’elle porte n’est pas a minima. Evidemment pour ceux qui aiment le style de Richard Clayderman ou celui de Gigi d’Agostino, il faut reconnaître que c’est assez éloigné du style de Pärt (même si on peut aimer et Pärt et Gigi d’Agostino).

O comme Ockeghem : autre grand compositeur ancien dont Pärt s’est fortement inspiré. Et puis, il fallait bien trouver un mot commençant par O.

P comme patrie : sa patrie c’est l’Estonie, en particulier Talinn ou Pärt fut formé et où il habite désormais. Au bord de la Baltique, c’est une ville mystérieuse et envoûtante qui a façonné le compositeur. C’est là qu’il a appris à jouer de la musique (piano, hautbois) et à écrire.

R comme Rakvere : petit village d’Estonie où Arvo Pärt apprit à jouer du piano. La légende dit qu’il était particulièrement faux, sauf les registres extrêmes et que cela a permis au compositeur de se diriger vers une autre musique et d’explorer d’autres possibilités.

– Passez les deux premières minutes de bla-bla…

S comme musique sacrée : s’il y a un compositeur actuel qui écrit de la musique sacrée, c’est bien lui. Et l’on sent que ce n’est pas un placage d’un texte anodin sur des notes, mais qu’il y a vraiment une méditation sur les paroles du texte. Ecoutez le Requiem ou le Magnificat, vous serez convaincus.

T comme tintinnabuli : le noyau fondateur de la musique de Pärt, à mi-chemin entre la simplicité du son des cloches, le mélange « fusionnel » des notes et des voix et les accents du chant orthodoxe.

U comme Union soviétique : Pärt eut à souffrir de la censure soviétique. D’abord parce qu’il adoptait les formes occidentales de musique contemporaine, donc forcément dégénérées, et surtout parce qu’il écrivait des pièces de musique sacrée. A l’époque où Dieu était mort, c’était un sacrilège !

V comme musique vocale : Pärt écrit aussi bien de la musique instrumentale que la musique vocale. Les enregistrements avec le Hilliard ensemble ont fait date !

C’est grand, c’est beau, n’est-ce pas ?

 

Manon Iessel, l’enfance en dessin

10 jeudi Nov 2016

Posted by hilaire in Artiste

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dessin, Illustration, Jeunesse, XXe

Nombre de lecteurs d’Artetvia – et surtout de lectrices – ont certainement eu le plaisir de lire dans leur enfance les romans de Thérèse de Marnyhac, plus connue sous le nom de T. Trilby. Ces histoires charmantes, fraîches et très morales – ce qui n’exclut pas des passages plus difficiles (nous ne nageons pas dans de la guimauve ouatée, vraiment pas, relisez donc En avant !) – ont été illustrées pour la plupart d’entre elles par une artiste au style inimitable, aisément reconnaissable : Manon Iessel. Mais qui est-elle en réalité ?

Manon Iessel - Dadou gosse de ParisManon Iessel est née en 1909. Elle fut d’abord formée par son grand-père maternel, artiste de son état qui l’encouragea dans sa vocation de peintre et illustrateur. Sa mère elle-même était peintre amateur. Elle entra ensuite dans l’atelier d’Adrien Bruneau, peintre, décorateur, enseignant à l’école Boulle, créateur de la cinémathèque de la Ville de Paris.

Au début des années 1930, très jeune donc, elle débuta une très longue (30 ans) collaboration d’illustratrice pour les éditions pour la jeunesse Gautier-Languereau, célèbres pour son personnage de « bande-dessinée » pour enfants, mais peu appréciée par les Bretons, Bécassine (dessinée par Joseph Pinchon).

Manon Iessel - Coco de FranceElle illustra de très nombreux romans, notamment la plupart des œuvres de T. Trilby. On lui doit aussi des illustrations pour des revues de jeunesse (Bernadette, Ames vaillantes, Capucine…). Elle a travaillé également pour la publicité, en dessinant des affiches, cartes postales, pochettes de disques et même des catalogues de vêtements pour enfants. Elle finit sa vie modeste et tranquille en 1985.

Son style est à la fois très personnel et très « de son époque ». De son époque, car elle adopte les caractéristiques de l’Art Déco : un trait vif mais pas nerveux, clair, précis, presque géométrique. Très graphique. Très personnel, car on sent qu’elle savoure à croquer un enfant joufflu, une fillette espiègle, un garnement parisien. Son dessin est tout en sensibilité, sans sensiblerie, charmant et frais.

Manon Iessel - Jerry dans l'ombreLes aquarelles originales passent parfois en vente aux enchères. Les prix restent raisonnables.

Alors, si vous ou vos enfants lisez un roman de Trilby, prêtez attention aux dessins. Vous serez conquis, à n’en pas douter.

Manon Iessel - Fantaisies estivalesManon Iessel - Couverture de CapucineManon Iessel - Catalogue

Michel-Richard Delalande, la musique au service du Roi Soleil

20 jeudi Oct 2016

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, Versailles, XVIIe

Une nouvelle fois, j’ai la joie de laisser la plume à Jean-Baptiste Champion, marchand d’art de son état, mais également fin musicien. Il va nous parler aujourd’hui de Michel-Richard Delalande, l’un des plus grands compositeurs du Grand Siècle !

Il existe des artistes géniaux adulés en leur temps et toujours admirés de nos jours. Il y a ceux qui étaient peu connus à leur époque mais dont le génie a été reconnu avec le temps et qui prennent leur revanche aujourd’hui. Et puis, il y a ceux qui furent grands, qui occupèrent de hautes fonctions, qui furent même pour certains couverts de gloire, mais qui étonnamment tombèrent ensuite dans l’oubli… Michel-Richard Delalande (ou de Lalande) fait partie de cette dernière catégorie, malheureusement.

Michel-Richard Delalande

Michel-Richard Delalande

Aujourd’hui, le monde entier connait Jean-Baptiste Lully, l’associant à juste titre de manière instantanée à Louis XIV… mais oubliant au passage que le compositeur d’origine florentine mourut en 1687, 28 ans avant la disparition du grand roi. Il s’en passe des choses en 28 ans, surtout sous un roi qui ne peut se passer de musique…

Né en 1657 à Paris, Delalande était prédestiné à la musique. Enfant de choeur à l’église royale de Saint-Germain-l’Auxerrois (où il côtoie notamment le grand Marin Marais), Michel-Richard intègre rapidement la maîtrise de cette église, n’hésitant pas, par ailleurs, à apprendre seul à jouer de plusieurs instruments. Ambitieux, le jeune homme se présente dès l’âge de vingt ans comme violoniste de l’Académie royale de musique, puis comme organiste de la Chapelle royale. Il est recalé. Il devient alors organiste à l’église Saint-Louis des Jésuites (l’actuelle église Saint-Paul-Saint-Louis – note d’HV) dans le Marais (un très beau poste pour un musicien de son âge), puis à Saint-Gervais où il assure une sorte d’intérim pendant six ans, en attendant que François Couperin soit en âge de succéder à son père. Il commence alors à être connu et obtient le poste de maître de musique des filles légitimées de Louis XIV, franchissant de cette manière un premier pas dans le monde de la Cour.

Jean-Baptiste Lully

Jean-Baptiste Lully

1683 est la date charnière de la vie de Delalande. Louis XIV, nouvellement installé dans son château de Versailles, souhaite renouveler l’équipe des sous-maîtres de la Chapelle royale. Un grand concours est lancé, auquel participeront les plus grands compositeurs du temps, venus parfois même de l’étranger. Michel-Richard, 26 ans, est sur les rangs parmi les trente-cinq participants ! Il réussit la première épreuve au terme de laquelle ils ne sont plus que seize (dont Marc-Antoine Charpentier) face à un impressionnant jury, dont le roi, le dauphin, Lully, Bossuet, etc. C’est ici que Charpentier, malade, abandonne. C’est sans doute la chance de Delalande. Au terme de cette seconde épreuve, il a l’insigne honneur d’entendre son nom prononcé de la bouche même de Louis XIV. Il est le choix personnel du roi.

Paris - Eglise Saint-Gervais

Paris – Eglise Saint-Gervais

A partir de cette date, Delalande va avoir la carrière musicale officielle la plus brillante qu’aucun compositeur français n’a jamais eue. N’étant au départ qu’un des quatre sous-maîtres de la Chapelle, il devient très vite également compositeur de la musique de la Chambre (1685), puis Surintendant de la Musique du Roy à la suite de Lully (1689), puis Maître de la musique de la Chambre (1695), récupérant au passage la totalité des quartiers que possédaient les autres compositeurs à la Chapelle et à la Chambre. A la fin du règne de Louis XIV, il possède donc la totalité des charges de compositeur à la cour. Il est alors plus puissant que Lully lui-même ne l’a jamais été. Sous Louis XV, il délaissera peu à peu ces différents postes, conservant tout de même trois quartiers à la Chapelle royale jusqu’en 1723. Le jeune roi le fera chevalier de Saint-Michel et lui confiera la direction des cérémonies lors de son sacre à Reims. Delalande meurt à Versailles en 1726. On ne mesure pas encore très bien l’impact qu’il eu sur son temps et l’importante influence qu’il exerça sur de grands compositeurs comme Haëndel, Bach, etc.

Louis XIV

Louis XIV

On lui doit plus de 70 grands motets, une vingtaine de ballets, plusieurs Leçons de Ténèbres, une messe en plain-chant et bien-sûr l’énorme corpus des Symphonies pour les soupers du roi.

Voici le splendide Super flumina Babylonis composé pour la Chapelle

Le touchant Caprice que le roi demandait souvent

(Et je me permets d’ajouter un magnifique grand motet de Delalande, que j’ai eu la chance de chanter avec Henri de Villiers

Ainsi qu’un extrait des Symphonies pour les soupers du Roi

Le Rallic, la Bretagne et les chevaux (II)

25 jeudi Fév 2016

Posted by hilaire in Artiste, Arts divers

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Dessinateur ; Bretagne ; XXe

Suite de notre article de la semaine dernière sur Etienne Le Rallic…

Un travailleur acharné

A la différence d’Hergé ou de Jacobs, par exemple, Le Rallic n’écrit pas les scénarios des albums qu’il illustre. Mieux encore, selon Marijac, il « avait cette rare capacité d’adapter avec facilité son style au plan que je lui dressais. Sa force d’imagination et de retranscription graphique a toujours fait merveille ». Travailleur acharné, Le Rallic se met à sa table à dessins dès six heures le matin pour ne s’arrêter que vers treize heures. Un rythme qu’il tient tout au long de l’année, vacances comprises.

Son style, reconnaissable entre mille, est net, sans bavure, extrêmement clair. Il suffit de regarder les visages de ses personnages pour s’en rendre compte. Le Rallic dessine vite, sans se reprendre ni retoucher ses planches. Il n’utilise que la plume, jamais le pinceau et travaille presque au format de publication. Cela n’empêche pas son dessin d’être détaillé, rigoureux et précis. Une précision et une exactitude voulues par le dessinateur qui n’hésite pas à accumuler une épaisse documentation pour bien travailler ses sujets.

L’homme

Le Rallic - AutoportraitCette rigueur dans le travail ne l’empêche pas pour autant d’être un joyeux drille. Rond de sa personne, comme l’a illustré Robert Rigot. Le Rallic « était un homme jovial qui ne dédaignait ni la cuisine de qualité, ni les grands crus » selon Marijac. Le Belge Raymond Leblanc dira également de lui, « en bon français, il adore le vin. Il tient le crayon d’une main et trinque de l’autre »… C’est sans doute très exagéré. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que Le Rallic fumait beaucoup. Interrogé pour Ololê, il déclare montrant sa pipe « si je ne l’avais pas, je crois que mon dessin s’en ressentirait terriblement. Et le jour où je manquerai complètement de tabac, je crois que je ne pourrais plus dessiner ! »

L’engagement syndical

Un autre aspect, moins connu, de Le Rallic est son engagement syndical en faveur des dessinateurs français, inquiets de l’arrivée sur le marché des comics américains. En 1938, il déclare même : « le jour n’est pas loin où nos journaux pour la jeunesse, ne pouvant plus paraître, seront remplacés par des journaux étrangers qui nous arriveront de leur pays d’origine tout clichés et tout imprimés ».  Dans le viseur du dessinateur breton et de ses homologues : Tarzan et Mickey. Le Rallic devient donc le porte-parole de la société des humoristes, puis anime avec l’illustrateur André Galland, l’union des artistes et dessinateurs français.

Le Rallic - ChevalAprès la guerre, il adhère au Syndicat des dessinateurs de journaux pour enfants, fondé par le communiste (mais qui dessinait également pour Le Téméraire) André Liquois. Ce syndicat rassemble la fine fleur des illustrateurs français du moment. Avec le SDJE, Le Rallic participe à la création de l’éphémère Académie de l’image française, qui décerne un grand prix de l’image française. L’expérience se soldera par un échec, moins de deux ans plus tard. Le SDJE n’en arrête pas pour autant ses activités et c’est, notamment, sous sa pression qu’est votée la fameuse loi de juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.

Le cheval…

Mais comme nous l’avons évoquée, sa grande passion restera, toute sa vie, le cheval. Il en dessinera des milliers : chevaux de chasse ou chevaux de labours, chevaux montés par des soldats, des chevaliers, des cow-boys, des chouans, des amazones ou des mousquetaires ; chevaux tirant de légers cabriolets ou de lourdes charrettes paysannes. Durant son service militaire, ses dons de dessinateur sont remarqués par ses supérieurs. Il a donc la possibilité de dessiner des chevaux. Mieux, il peut étudier l’anatomie et la morphologie équine sous toutes leurs coutures en étudiant les cadavres des bêtes. Grâce à cette étude poussée, il réussit à dessiner le mouvement de ces animaux de façon extrêmement réaliste et dynamique.

Lui-même est, comme l’explique Marijac, «un cavalier dans la grande tradition ». Il fait d’ailleurs la première guerre mondiale dans une unité montée. Après une pause de quelques années, il reprend l’équitation grâce à la bienveillance des officiers du bataillon de dragon porté de Saint-Germain-en-Laye. C’est dans cette forêt qu’il monte presque tous les après-midi, après le travail. En 1933, il fait une lourde chute qui lui fait perdre un œil et l’oblige à cesser toute activité pendant un an. Il garde, jusqu’à la fin de ses jours des séquelles de cette blessure, qui diminue la précision de ses dessins.

C’est d’ailleurs un cheval, qui tire son cercueil jusqu’au cimetière de Sorel-Moussel, en Eure-et-Loir, où il meurt le 3 novembre 1968.

Aujourd’hui, les albums illustrés par Le Rallic ne sont que trop rarement édités. On en trouve encore, assez chers, dans des librairies ou sur des sites spécialisés. Dommage…Le Rallic - Chevaux 2

Découvrons Reynaldo Hahn, avec l’aide éclairée de Nicolas Vardon

21 jeudi Jan 2016

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, XXe

Aujourd’hui, j’ai la joie d’accueillir Nicolas Vardon qui va nous parler de Reynaldo Hahn (1874-1947). Nicolas est professeur agrégé de musique à Saint-Jean-de-Passy. Il est l’auteur de travaux reconnus sur ce compositeur.

Bonjour Nicolas, Reynaldo Hahn est assez peu connu, quelques-unes de ses œuvres – beaucoup plus nombreuses qu’on ne le croit- sont diffusées sur les radios dites classiques, mais ne laissent pas toujours un souvenir impérissable. Et on ne pense pas toujours que Ciboulette («  Nous avons fait un beau voyââge… ») est de lui. Peux-tu nous brosser en quelques traits le portrait de ce compositeur ?

Reynaldo Hahn a une personnalité très intéressante et une œuvre aussi riche que méconnue. D’abord, le fait de n’être pas né Français a eu de grandes répercussions sur sa vie et son œuvre. Il est né à Caracas, au Venezuela, d’un diplomate juif hollandais et d’une mère vénézuélienne. A l’âge de cinq ans, il débarque à Paris, mais n’obtient la nationalité française qu’en 1912. Il s’attachera donc toute sa vie à être plus « français » que beaucoup de Français, y compris en demandant sa mobilisation, à 40 ans passés, pour aller se battre sur le front pendant la première guerre mondiale.

Ensuite, c’est un personnage qui, toute sa vie, a baigné dans la « haute société » française, et ce dès le plus jeune âge. Sa famille habite rue du Cirque, à deux pas de l’Elysée, dans un grand appartement et, encore enfant, il joue du piano dans les salons mondains de l’époque. Il va ainsi côtoyer quantité d’artistes et d’intellectuels : écrivains (Leconte de Lisle, Henri de Régnier, José-Maria de Heredia, Marcel Proust) peintres, ambassadeurs, académiciens et se créer ainsi ce que nous appellerions maintenant un grand réseau de relations.

Enfin, ce qui caractérise le personnage, et qui influence profondément son œuvre, c’est l’attrait de la littérature. Reynaldo Hahn est un compositeur du verbe. N’oublions pas qu’il a été pendant longtemps critique musical, à la plume parfois acerbe. Il est aussi l’auteur de carnets, aux aphorismes ciselés. On ne peut pas comprendre sa musique si on n’a pas cela à l’esprit : c’est un homme de lettres !

J’ajouterai également qu’Hahn possède un esprit classique, dans sa vie, comme dans ses œuvres. Alors qu’il vivait à une époque post-romantique où Wagner était très couru et les roucoulades des grandes cantatrices très appréciées, il préfère la retenue, la simplicité, et non l’emphase. Il aime Rameau (pourtant peu à la mode). Il est à l’inverse de l’image qu’il peut donner, celui d’un dandy à la Robert de Montesquiou.

Et ses compositions principales reflètent-elles cette personnalité ?

Reynaldo HahnIndéniablement ! Il est surtout connu pour ses mélodies accompagnées au piano, à partir de textes littéraires. A 16 ans, il met en musique des poèmes de Verlaine. En les écoutant, le vieux Verlaine en en aurait eu les larmes aux yeux. Reynaldo Hahn n’était pas forcément un pianiste virtuose, mais il a utilisé toutes les possibilités de l’instrument en tant qu’accompagnement d’une mélodie. Pour lui, la mélodie et la phrase musicale sont tout ; il travaille moins sur l’harmonie ou l’orchestration par exemple. Son esprit classique lui faisait détester la musique américaine qui commençait à arriver à Paris, faite de syncopes et de rythmes sans âme, de même que le vibrato des cantatrices d’opéra.

Dans les années 1920, il a commencé à écrire des opérettes – la plus connue étant Ciboulette. Il a également composé un opéra, à partir du Marchand de Venise de Shakespeare. Dans les années 1930, il a surtout écrit des critiques musicales et moins composé. Il faut dire qu’une époque était révolue et qu’un monde avait disparu. Ses maîtres et nombre de ses amis sont morts : Camille Saint-Saëns, Marcel Proust, Maurice Barrès, Anatole France… Heredia, Huysmans et Gounod les ont précédés. Il écrit alors dans le Figaro, avec une plume parfois acérée.

C’était un homme exigeant ?

Sur le plan artistique, clairement oui. C’était un travailleur perfectionniste qui n’admettait pas la médiocrité. Il refusait ce que nous nommerions « la starification » des chanteurs qui était pour lui un artifice : l’essentiel est la musique, et la rigueur permet de s’y concentrer, sans avoir à faire de l’esbroufe. Bien faire les choses, simplement, ce qui est loin d’être… le plus simple. Son écriture n’est pas forcément insurmontable techniquement, mais elle requiert une sensibilité importante, et une compréhension fine du texte De même, il préférait les voix moyennes (mezzo et baryton, donc pas de basse profonde russe, ni de ténor italien), qui permettaient de faire ressortir la mélodie et le texte avant tout.

Et finalement, Hahn était-il vraiment le modèle de Vinteuil dans la Recherche ?

Justement non, il était l’opposé de Vinteuil. La personne et l’œuvre d’Hahn ne correspondent pas du tout aux personnages de la Recherche, assez décadents, dans un monde qui s’achève et il faut le dire assez dépourvus de profondeur. Il y avait une réelle opposition esthétique entre Proust et Hahn.

Pour finir, quelles œuvres conseilles-tu d’écouter ?

Celles-ci !

 Un extrait d’un concerto retrouvé dans les années 1990 à Caracas.

 Un extrait de son opérette Ciboulette.

Merci beaucoup Nicolas !

L’inconnu du jour : René Pinard, peintre et graveur

07 jeudi Jan 2016

Posted by hilaire in Artiste, Peinture

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Marine, Nantes, XXe

Après un article sur un graveur et peintre connu (Gustave Doré), voici une brève notice sur un artiste qui l’est beaucoup moins : René Pinard. Comment, vous ne connaissez pas René Pinard ? Pourtant, que ses œuvres sont belles et en plus, détail non négligeable, relativement accessibles.

René Pinard - Baleinier

René Pinard – Baleinier

Pur Nantais – il y est né en 1883 – il se forme tout d’abord dans cette ville puis est reçu à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, qu’il fréquente de 1902 à 1905. Il se spécialise dans l’eau forte. Après un début de carrière dans divers ateliers et un engagement dans la marine pendant la Première Guerre Mondiale, il est nommé peintre de Marine en 1921. C’est à ce titre qu’il embarque sur le croiseur-école Jeanne d’Arc, sur lequel il voyage beaucoup : Algérie, Maroc, Tunisie, Turquie…

En 1923 il reçoit le grand prix de dessin de l’Académie des Beaux-Arts, premier d’une longue série de prix à des concours plus ou moins connus (vous connaissiez le concours Chenavard ? Moi pas, bon René Pinard en a reçu le premier prix). Il travaille pour la Marine jusqu’en 1937. Il meurt en 1938 et est enterré à Nantes.

Une vie somme toute assez tranquille, sans coup d’éclat, ni scandale.

René Pinard - Chalutier

René Pinard – Chalutier

Et pourtant, pendant ces 35 ans de carrière de peintre, il a produit quantité de belles œuvres : des gravures, des dessins, des aquarelles, caractérisées par une utilisation systématique d’un noir puissant. De son père photographe, il a hérité un sens aigu de la perspective et de la composition. En revanche, contrairement à Marin Marie, le traitement de la couleur et des textures ne semble pas l’intéresser.

Forcément, comme peintre de marine, l’essentiel de son œuvre a pour thème la mer, la marine et les marins. D’ailleurs plus souvent les bateaux que la mer elle-même. Mais surtout, René Pinard a dessiné et peint les ports, de tous horizons, Nantes bien sûr, mais aussi pêle-mêle : Malte, Istamboul, Saint-Nazaire, le Croisic, Philippeville (Algérie), Lorient, Concarneau… On lui doit également quelques scènes de guerre, notamment la guerre sous-marine – tirée de son expérience de combat sur un dragueur de mines, ainsi que l’illustration de plusieurs ouvrages, en particulier un livre de Paul Chack et un de Marc Elder.

René Pinard - Nantes

René Pinard – Nantes

Même s’il a été formé à Paris, Nantes reste son port d’attache et pendant toute sa carrière, il ne cessera de peindre la ville, qui à l’époque était encore largement industrielle : on y voit le port de Nantes, le fameux pont transbordeur, mais aussi le château des Ducs de Bretagne.

Amoureux de la mer et de Nantes, n’hésitez pas ! Ses gravures apparaissent régulièrement dans les ventes aux enchères, à des prix raisonnables qui plus est. Faites-vous plaisir, achetez du Pinard, sans modération !

René Pinard - Saint-Nazaire

René Pinard – Saint-Nazaire

Joseph Canteloube, le compositeur du folklore

10 jeudi Déc 2015

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Auvergne, Compositeur, XXe

« Son nom chante comme sa musique » : c’est ainsi que le décrivait un personnage illustre (trouvez lequel – ceux qui me donnent la bonne réponse auront un cadeau de Noël, une orange ou une boîte de tripoux par exemple !) à propos de Joseph Canteloube.

Quand on s’appelle Canteloube, il est difficile d’imaginer une origine bretonne ou alsacienne. En effet, Joseph Canteloube est né en 1879 en Ardèche, d’une mère cévenole et pianiste et d’un père auvergnat et banquier.

Il commence la musique très jeune, formé au piano par une vieille dame, Amélie Doetzer qui dira-t-il avec imagination « avait été l’élève chérie – et même plus que cela – de Chopin ». A huit ans, il débute l’apprentissage du violon. Son bac en poche (à l’époque 1% d’une classe d’âge l’obtenait, chapeau l’artiste), il devient banquier, métier qu’il abandonne rapidement pour se consacrer à la musique. En 1901, il se marie et devient l’élève de Vincent d’Indy (1851-1931), d’abord par correspondance, puis à la Schola cantorum de Paris. Là, il se lie d’amitié avec Déodat de Séverac – qui fera, un jour, le sujet d’une notice sur Artetvia.

Ces premières œuvres sont tout à fait de son époque : une Suite pour piano et violon, un Colloque sentimental (tout un programme). Son premier poème symphonique, Vers la Princesse lointaine, est donné au Châtelet en 1912.

Joseph CanteloubeLes années 1920 voient l’éclosion de sa carrière de compositeur folkloriste – même s’il avait débuté la collecte de chants longtemps auparavant – avec ses célèbres Chants d‘Auvergne dont nous reparlerons. Il va tirer la pelote et produire un recueil de Chants de Haute-Auvergne, du Rouergue, du Limousin, du Quercy. Il écrit même une Pastorale roumaine.

Dans les années 30, il répond à la commande d’Etienne Clémentel, président socialiste de l’assemblée départementale du Puy-de-Dôme, en composant un Hymne des Gaules et un drame lyrique Vercingétorix.

Pendant la guerre, il produit des émissions radiophoniques de chants folkloriques et écrit dans l’Action Française, toujours sur ce thème. En 1949, il publie une Anthologie des chants populaires français. Il meurt en 1957. Voilà pour le personnage.

Si vous avez bien suivi, Joseph Canteloube est à la fois compositeur et folkloriste.

Folkloriste, car il a passé sa vie à recueillir des airs populaires et à les diffuser, de « manière scientifique » dirions-nous aujourd’hui. Comme le vous savez tous, c’est durant la première moitié du XXe siècle que le folklore a acquis ses lettres de noblesse, notamment avec les travaux d’Arnold van Gennep, que tout le monde a lu bien entendu, qui, plus qu’un simple objet de curiosité, y voit les derniers soubresauts d’une culture populaire, orale et souvent rurale, qui se meurt. Canteloube s’inscrit totalement dans ce contexte : collecter en masse, rapidement et intelligemment un patrimoine qui disparaît. L’exode rural a commencé et avec lui la perte de la culture rurale et l’uniformisation des modes de vie. Si son recueil de chants d’Auvergne est connu, il s’intéresse à nombre d’autres régions : Touraine, Angoumois, Pays basque, Languedoc, Béarn (il écrit même un chant béarnais pour scie musicale), Rouergue, Alsace, Canada…

Compositeur car il a allègrement puisé dans ce riche patrimoine la matière pour créer de nouvelles œuvres, puissantes et délicates. Qu’on ne s’attende pas à entendre résonner les vielles à roues, accordéons et autre cabrette (la cornemuse locale). Nous sommes loin de Malicorne ou de Tri-Yann : Canteloube, en bon bourgeois parisien, s’inspire du folklore et le classicise en harmonies délicatement ciselées. Certes, il porte l’étiquette de « régionaliste », mais elle n’est pas infâmante et il n’en reste pas moins un compositeur « académique », connu et reconnu à son époque. Par exemple, son premier opéra, Le Mas, est donné à Garnier en 1929 et ses partitions sont largement diffusées.

Une trentaine de ses Chants d’Auvergne ont été harmonisés pour orchestre et voix soliste. Ils ont été interprétés par les plus grandes cantatrices : Victoria de Los Angeles, Kiri Te Kanawa, Véronique Gens, Anne Sofie von Otter… Les mélodies sont simples, sans trop de mélismes et d’ornements, d’ambitus limité, souvent très proches de la « réalité ». En revanche, les accompagnements sont des créations de Canteloube. Et cela s’entend. Allons-y donc

 

Sa pièce la plus connue

 

 

Ce morceau date de 1946 – La même année que la première œuvre dodécaphoniste de Boulez.

Gustave Doré, l’imagination au pouvoir

26 jeudi Nov 2015

Posted by hilaire in Artiste, Arts divers, Peinture, Sculpture

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XIXe

On le connaît surtout comme illustrateur. Qui n’a pas frémi devant Barbe Bleue et ses yeux sanguinaires ou suivi avec émerveillements les aventures du Chat Botté ?

Gustave Doré - Barbe BleueC’est en effet souvent par cette célèbre édition des Contes de Perrault, parue en 1862 chez Hetzel, que nous connaissons Gustave Doré. Du même coup, nous le rangeons dans la catégorie d’illustrateur pour livre d’enfants, et le plaçons inconsciemment à un rang mineur. Et pourtant, Gustave Doré est sans aucun doute l’un des plus grands artistes français de son époque, un touche-à-tout insatiable et prolifique. Plus de 10 000 œuvres à son actif !

Né à Strasbourg en 1832, il est remarqué très jeune pour son imagination débordante et sa curiosité permanente. En 1843, il suit ses parents à Bourg-en-Bresse, son père ayant été nommé ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées de l’Ain. Il gardera de la Bresse et des Alpes voisines le goût des paysages grandioses de montagne. A Paris où il poursuit ses études, il continue à dessiner frénétiquement. Tant est si bien qu’il est engagé par le Journal pour rire, revue satirique, pour croquer et caricaturer ses contemporains : il n’a que 15 ans.

Gustave Doré - Dante - L'EnferA 22 ans, débute pour lui une fulgurante carrière dans les livres, dont il ne sortira jamais, ce qui ne l’empêchera pas de s’essayer à d’autres arts. D’ailleurs, pendant longtemps, Gustave Doré voulait être considéré comme peintre, l’illustration n’étant qu’un moyen pour lui de se faire connaître. Las, le grand public comme la critique l’encense pour son activité de dessinateur et ignore le reste. Il se fait remarquer en illustrant les plus grandes œuvres littéraires : les Contes de Perrault, mais aussi l’Enfer de Dante, Rabelais, Balzac, Hugo, Shakespeare, etc… Il s’attaque même à la Bible. En 1854, son illustration d’un ouvrage satirique sur la Russie fait de lui l’un des plus grands caricaturistes de son temps mais aussi l’ancêtre de… la première bande-dessinée française. Il remet au goût du jour la gravure sur bois, technique exigeante qu’il améliore. Il aime passer d’un style à l’autre, en s’appuyant à la fois sur une grande imagination et une technique irréprochable. Il aime utiliser des grands formats pour ses gravures, qui lui permettent de les parsemer de détails innombrables, sans pour autant perdre la conception de l’ensemble.

Gustave Doré - Monument à Alexandre DumasOn lui doit aussi une cinquantaine de sculptures, tel le monument à Alexandre Dumas que les Parisiens peuvent admirer place du Maréchal Catroux, dans le XVIIe arrondissement.

Ses peintures sont encore moins connues et pourtant, il est l’auteur d’œuvres religieuses particulièrement réussies, bien de leur époque il faut le reconnaître. Malgré des propositions régulières au Salon, ses peintures ne rencontrent pas le succès, du moins en France. Il ouvre néanmoins une galerie à Londres.

Mort à 51 ans, ses obsèques ont lieu à Sainte-Clotilde où se presse le tout Paris. Cet artiste multi-facettes (dessinateur, peintre, graveur, aquarelliste, sculpteur…) laisse derrière lui une œuvre gigantesque qui a marqué et marque encore de nombreuses générations.

Gustave Doré - Le Christ quittant le prétoire

 

Piero di Cosimo, un fou florentin

17 jeudi Sep 2015

Posted by hilaire in Artiste, Peinture

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Renaissance ; Florence

Dans la famille des peintres florentins du quattrocento et du cinquecento, je demande le plus original : Piero di Cosimo ? Bonne réponse.

On ne sait pas grand’chose de lui. Il est né à Florence en 1462 et débute sa carrière vers 1480, en travaillant pour le peintre Cosimo Rosselli, dont il prendra le nom. Un an plus tard, on sait qu’il l’accompagne à Rome pour exécuter des fresques – les seules de sa carrière d’ailleurs – à la chapelle Sixtine. Il rentre à Florence et y reste jusqu’à la fin de ses jours en 1521 ou 1522.

Piero di Cosimo - Simonetta Vespucci

Simonetta Vespucci

Cela paraît bien maigre. Il faut dire que le personnage est aussi mystérieux que ces œuvres que l’on a commencé à découvrir au XXe siècle, longtemps attribuées à des anonymes forcément illustres. Son histoire est surtout connue par Vasari qui en parle dans la troisième partie de ses Vite.

Il était très connu à son époque pour ses portraits. On connaît la fameuse toile post-mortem de Simonetta Vespucci, la maîtresse de Julien de Médicis (le frère de Laurent le Magnifique, pas son fils). Vous connaissez tous son beau visage, car Botticelli, entre autres, l’a maintes fois peint, en portrait ou dans ses compositions. Vénus sortant de son coquillage, c’est elle ! Flore dans le Printemps, c’est elle ! Vénus dans Mars et Vénus, c’est encore elle !

Il a peint également de nombreux tableaux religieux : un saint Jean-Baptiste assez étonnant – il est jeune et glabre –, des saintes vierges, un saint Jérôme…

La partie la plus originale de son œuvre est, à mes yeux, son travail sur la mythologie. Son traitement de grands thèmes mythologiques n’est certainement pas uniquement « factuel » : sa série sur l’origine du monde témoigne d’un bouillonnement intellectuel sur l’humanité primitive, plus bestiale d’ailleurs que paradisiaque où les hommes, mi-hommes, mi-animaux sont confrontés à la nature à la fois rude (incendie) et nourricière (la découverte du miel). La raison émerge peu à peu, les instincts demeurent, période paradoxale d’âge d’or et de sauvagerie primitive.

Piero di Cosimo - Vulcain et Eole

Vulcain et Eole (et la girafe)

Comme beaucoup de Florentins de son temps, il a certainement été influencé par le néo-platonisme ambiant, celui de Marsile Ficin ou d’Ange Politien, mêlant esthétique, métaphysique, voire ésotérisme, paganisme et christianisme, mais sa vision du monde, ancien ou actuel est, à la fois plus brute et plus fantaisiste, plus grave et plus amusée. Il faut avouer que l’on s’écarte nettement de Botticelli ou de Léonard de Vinci.

Que l’on songe aux tableaux tels que Vulcain et Eole, Retour de la chasse, le Combat des Lapithes et centaures, la Mésaventure de Silène… Exemples typiques d’un traitement inspiré de thèmes pourtant connus

Piero di Cosimo - La mort de Procris

La mort de Procris

L’atmosphère se dégageant de ces tableaux est très étrange, tirant vers l’onirique ou le bizarre. Il faut dire que le peintre était très excentrique, à moitié fou. Vasari disait de lui qu’à la fin de sa vie, il vivait enfermé chez lui, se nourrissant uniquement d’œufs (…o otto per volta, ma una cinquantina, e tenendole in una sporta, le consumava a poco a poco… – ça c’est juste pour dire que je suis allé chercher la phrase de Vasari dans le texte, non mais !), ayant une peur bleue des tempêtes, et du feu, ne supportant pas les cris d’enfants et la psalmodie des moines.

Piero di Cosimo - La mésaventure de Silène

La mésaventure de Silène

Toujours est-il, qu’influencé par la peinture flamande (via Hugo van der Goes et son triptyque Portinari), il aime peindre les paysages, les animaux, la nature. Il aime représenter des « monstres » (centaures, faunes / satyres, Silène, tritons…), des animaux, réels (chiens, cygnes, girafe, taureaux, lions) ou imaginaires (monstre marin). Même ses nuages ont des formes étonnantes. Son imagination n’a pas de limites et oscille entre sérieux et amusement (voyez la tête de certains personnages – ils se marrent bien…). C’est aussi avec cet état d’esprit qu’il peint des décors de théâtre ou de chars : par exemple en 1511, il participe à un carnaval de la mort. A la fin de sa vie, dit-on il se tourne davantage vers des sujets religieux (sans exclusive), certains disent par l’influence de Savonarole (ce qui m’étonne, les grands sermons du dominicain datant des années 1490, mais la personne qui se trouve à côté de moi, alors que j’écris ce papier, spécialiste de l’histoire italienne, me soutient le contraire, le religieux ayant eu une influence profonde et durable dans toute l’Italie).

Ce peintre franchement original mériterait d’être plus connu. La National Gallery of Art de Washington vient de proposer une rétrospective, fort rare d’ailleurs, ses œuvres étant dispersées aux quatre coins du monde.

Cet article, je l’espère, a tâché d’y contribuer un peu.

Piero di Cosimo - La chute de Vulcain

La chute de Vulcain

Antonio Lotti vous parle

11 jeudi Juin 2015

Posted by hilaire in Artiste, Musique

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Compositeur, Venise, XVIIIe

Je suis né en 1665, treize ans avant un autre Antonio, beaucoup plus connu que moi ; et comme lui, je suis Vénitien. En revanche, contrairement à Vivaldi – vous l’aurez deviné, c’est de lui qu’il s’agit – je ne suis ni prêtre, ni roux. Je suis mort un an avant lui : nous sommes donc contemporains. D’ailleurs, en écoutant ma musique, les ressemblances sont frappantes. Je m’appelle Antonio Lotti.

De par ma naissance, j’étais destiné à devenir un grand musicien : mon père, Matteo, est en effet maître de chapelle à Hanovre (chez les Protestants). C’est dire si j’ai baigné dans un milieu musical privilégié.

Antonio LottiJe rejoins Venise pour parfaire ma formation musicale, auprès de Giovanni Legrenzi. Je reste viscéralement attaché à la Sérénissime : pensez-donc, je vais demeurer au service de la cathédrale Saint-Marc pendant 53 ans. Je gravis les échelons de ce prestigieux centre de musique sacrée, en y occupant plusieurs fonctions : simple chanteur (en voix de contre-ténor), assistant du second organiste, second organiste, premier organiste, maître de chapelle intérimaire et enfin maître de chapelle en 1736.

Mes fonctions m’amènent bien naturellement à composer de la musique religieuse. Cela dit, aux débuts de ma longue carrière, je privilégie l’opéra et les cantates profanes, et ce, jusqu’à mon séjour de deux ans à Dresde (1717-1719) auprès de l’électeur de Saxe, durant lequel j’ai fait représenter quelques-unes de mes œuvres. A partir de 1720, je me consacre entièrement à la musique sacrée.

Justement, parlons-en ! Sept oratorios sont issus de mon imagination débordante, mais seulement deux sont arrivés jusqu’à vous. Mais, je suis surtout renommé pour la vingtaine de messes, le plus souvent des œuvres a cappella dans le plus pur style antico, celui hérité de mes prédécesseurs du XVIIe voire du XVIe siècle : Saint-Marc est irremplaçable mais pas forcément très novateur, en tous cas au XVIIIe siècle ! Outre les messes, j’aime composer des pièces liturgiques séparées, notamment des austères et parfois étranges Crucifixus, à 6, 8 ou 10 voix, extraits de Credo eux aussi disparus. Mes motets ont en revanche un style plus varié, certains sont franchement modernes, davantage classiques que baroques, il faut le reconnaître.

Quant à l’opéra, j’en ai composé une trentaine, notamment entre 1706 et 1717, période durant laquelle seize d’entre eux ont été mis en scène. Malheureusement, seuls huit ont subsisté intégralement. Il faut dire aussi qu’ils ont été largement oubliés et que leur redécouverte date d’il y a quelques années seulement.

Mon élève le plus connu, outre Jan Dismas Zelenka, est Benedetto Marcello, que vous connaissez sûrement pour son concerto pour hautbois ou pour son psaume 19 I Cieli immensi narrano (Caeli enarrant gloriam Dei). La légende dit aussi que j’ai influencé Bach. Sa messe sans doute apocryphe en sol majeur BWV Anh. 167 m’est ainsi parfois attribuée. Je ne sais pas qui doit s’en réjouir, lui ou moi ?

Maintenant, écoutons quelques-unes de mes œuvres.

Surtout au début et à 10’36. Là évidemment, nous sommes très loin de Monteverdi…

Beaucoup plus austère. A huit voix, un chanteur par voix !

De la polychoralie (ou polychoralité), en italien cori spezzatti (chœurs brisés), très en vogue dans la Péninsule. Par exemple, Charpentier a écrit une messe a quatre chœurs – ce fut une expérience très remarquée à la cour…

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