Il est caché dans l’ombre de son grand frère. Construit pour l’exposition universelle de 1900, c’est le musée des Beaux-Arts de la ville de Paris : on le nomme le Petit Palais, même s’il n’a de petit que le nom (vous avez vu la taille de l’escalier d’entrée !).
Il présente une large collection d’œuvres, de l’antiquité à la fin du XIXème. Je ne vais pas vous la décrire de manière exhaustive, cela n’a aucun sens, et puis ce serait très ennuyeux, pour moi comme pour vous. Je voudrais simplement attirer votre attention sur trois points.
Traversons rapidement la première salle, sans grand intérêt sauf pour les amateurs de potiches… et rendons-nous dans l’immense pièce consacrée à l’art français de la fin du XIXème et notamment l’art « social ». A côté d’une sculpture d’un forgeron au travail (c’est un peu l’ouvrier et la kolkhozienne 50 ans avant), nous voyons le Triomphe de la République du communard et talentueux Dalou, maquette en plâtre du groupe placé place de la Nation. Il y a un côté très « Troisième République » genre « A bas la calotte, vive la sociale ». Une œuvre très frangin-frangin. Et d’ailleurs, elle a été créée en 1879, sous le gouvernement de l’inoubliable Waddington (que tout le monde a oublié), dont le gouvernement, si mes souvenirs de HK sont exacts, était composé exclusivement de frères protestants. Marianne, debout sur un globe posé sur un char tiré par des lions, est entourée de diverses allégories divinisées : le Travail, la Justice, la Paix, l’Education… La République universelle apportant ses bienfaits à l’humanité et venant la sauver de sa déchéance, c’est très religieux tout ça ! Pour des gens qui bouffaient du curé à qui mieux, mieux…
Deuxième pépite : la petite salle dédiée aux gravures de Lucas de Leyde (1494-1533). Ce graveur (et peintre) hollandais a été fortement influencé par Dürer et je dois dire qu’on peut s’y méprendre facilement (en tous cas moi, je ne fais pas trop la différence). Ses pièces, surtout des gravures au burin, sont aérées et très « lumineuses », au détriment peut-être de la matière, se rapprochant d’une œuvre de Dürer comme la Vierge au macaque (si, si !!), et du même coup assez éloignées de ses gravures sur bois tels les quinze panneaux de l’Apocalypse. Tout est en nuance et en délicatesse, aussi bien les sujets profanes que religieux. Magnifique ! Après, évidemment, il faut aimer la gravure.
Et enfin, juste en face de la salle de Lucas, il y a deux cavernes d’Ali Baba : les salles flamandes du XVIIème. Une d’intérieurs (14 tableaux exactement, je les ai comptés !!), l’autre de paysages (18 tableaux). Dans ces 32 œuvres, vous avez un résumé parfait de l’état de l’art de l’époque. Les plus grands sont là : Rembrandt, Metsu, Steen, Van Ostade… et pour les paysages, Hobbema (pas le grand noir américain, ouarff la grosse blague), Ruysdael… Des détails quotidiens, des rendus d’étoffe somptueux (la soie, le velours…), des intérieurs proprets, une lumière mouillée et argentée, un camaïeu de gris, des ciels (cieux ?) pommelés, larges et humides…
Des femmes généreuses au teint fleuri et au sourire gourmand, ou bien franchement cruches (les fla, les fla, les flamandes – Brel n’a rien inventé !), des buveurs au nez rougi, fumant et jouant, des petits chiens et des grosses vaches, des saules têtards et des canaux, et partout, de la brique et de l’eau… Nous sommes bien dans le plat Pays qui est le mien.
Au-delà de ces trois perles, le Petit Palais présente aussi, en vrac : une belle collection de bronzes antiques, des bijoux renaissance, un peu d’art nouveau, des icônes, une salle XVIIIème avec des meubles qu’on aimerait avoir chez soi, etc…
Un conseil : le musée est grand, choisissez de le visiter en plusieurs fois, vous pourrez davantage en profiter – après une heure de visite, j’en ai marre, pas vous ? En plus, il n’y a pas de queue, le personnel est presque aimable et c’est gratuit !
Petit Palais, avenue Churchill – Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h – Métro Invalides ou Champs-Elysées-Clémenceau – www.petitpalais.paris.fr
Nazim El Abdelmajid a dit:
Bon, bon, on va aller voir ça! Peut-être plus les Flamands et les gravures, d’ailleurs, que l’emplâtré Dalou… A quand un post sur « Chypre entre Byzance et l’Occident », au Louvre? Il ne reste que quatre jours. Merci d’avance!
Amélie a dit:
Oui, des « ciels » gris pommelé, c’est exactement cela! Merci pour cette évocation allègre et précise, apéritive et consistante à la fois. Un plaisir de voir resurgir sous ta plume ce lieu si charmant pourvu qu’on y opère, comme toi une sélection stratégique… Le salon de thé donne sur une cour intérieure improbable d’exotisme et de grandiloquence (merci au guide nantais qui a permis cette redécouverte): le cadre où l’on attendrait quelques Guermantes costumés pour un carnaval…